Chapitre 2 : Métro Ternes

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Le parc Monceau, derrière ses grilles, abritait dans des arbres déplumés de leur feuillage quelques oiseaux frileux qui cherchaient un refuge contre les rigueurs de l'hiver. Couverture que seuls les sapins pouvaient leur offrir, ayant conservé leur parure.

Par le boulevard de Courcelles, on pouvait gagner la place des Ternes, placée comme une étape, sur la longue avenue de Wagram. Cette coulée de basalte s'étendait vers la place de l'Etoile, la bien-nommée, d'où partaient en d'innombrables branches les avenues des Champs Elysées, Kléber, Hoche, de la grande armée, Foch, Carnot, Marceau, d'Iéna, McMahon et Friedland. Aucune rue ne venait polluer cet hommage à Napoléon. Au milieu de la place s'élève l'Arc de Triomphe, éclatant de blancheur, après sa restauration. Tous les Parisiens et le monde entier, grâce aux étranges lucarnes, avaient pu l'admirer. Drapé dans une immense écharpe tricolore, les projecteurs le découpaient dans la rue. Les Champs Elysées vibraient sous le roulement des tambours de la révolution, frappés en cadence par tous les maires de France, représentés pour un soir par les professeurs de percussion et de tambours, venus de tous les départements. Le spectacle de Goude célébrait à sa manière de bicentenaire de la révolution. Défilèrent ensuite les bicyclettes chinoises, les poupées valseuses, les fifres, tambours et accordéons des musiciens de France. La locomotive de Zola, dans un nuage de fumée descendit l'avenue. Les tam-tam africains et rythmes du monde entier dans une mosaïque internationale dépassant la seule révolution française.

Une Marseillaise d'anthologie conclut la fête sous l'ombre portée de l'obélisque de Louqsor qui mettait une note égyptienne et antique à ce Panthéon des nations.

Les pierres gardent pour elles le souvenir des liesses et des tragédies. La mémoire des hommes s'estompe et seules quelques cassettes vidéo, rangées au fond d'un placard, se souviendront encore longtemps de ce quatorze juillet de légende. En 2089, pour le tricentenaire, un autre metteur en scène s'inspirera de ce grand opéra pour encore sublimer ce qui fut un tournant de l'histoire de France.

Mais en ce vendredi 9 février 1990, à 7 heures 30, l'instant n'était plus au défilé patriotique et le métro Ternes vivait son habituel affluence des jours laborieux. Une foule pressée s'empilait sur le quai et lorsque le métro entra bruyamment dans la station, personne ou presque personne ne remarqua qu'un client de la RATP venait d'être frappé par un destin tragique. Ce n'est qu'au moment où il s'effondra sur le sol que ses voisins s'en aperçurent. Ils s'empressèrent immédiatement autour lui et, par chance, ils étaient encore présents quand les inspecteurs Varin et Lignon du commissariat voisin arrivèrent en même temps que le SAMU. Ces témoins, malgré un effort louable de mémoire ne purent communiquer aucun élément permettant de savoir comment avait péri Yves Calmain, agent de la Poste à Paris Louvre et qui se rendait à son travail. Les inspecteurs se dirigèrent vers le bureau de poste pour interroger les collègues et les supérieurs de la victime. Ils prirent contact avec les parents de Calmain. Ils ne trouvèrent aucun indice, aucun mobile, ni ennemi à leur embarrassant cadavre. L'autopsie leur confirma que Calmain avait été tué par une balle de 22 long rifle, tirée dans le temporal droit. Le toubib de service à l'Institut Médico-Légal n'était pas celui qui avait officié lors des analyses du meurtre de Maurin. Il ne fit pas le rapprochement, Varin et Lignon passaient ainsi à côté d'une information importante.

Pourtant à la rédaction d'un grand journal parisien, le reporter des faits divers, dans sa quête d'évènements susceptibles d'intéresser sa clientèle, téléphona au commissariat. A l'audition de l'histoire, il sursauta. Dumin, en vieux journaliste qu'il était, flairait comme un chien la drogue, l'évènement sensationnel. Dans son cerveau une lumière scintilla. Il venait de se rappeler qu'un comptable avait été assassiné vendredi dernier au métro Duroc dans des circonstances troubles. Dumin descendit en toute hâte aux archives, retira, d'une pile en attente de classement, le journal du Deux février. Dans la page des faits divers, il trouva ce qu'il cherchait. Un article en avant dernière page, commentait en quelques mots : « Un comptable mystérieusement assassiné dans une station de métro, l'enquête se poursuit. La police n'a pour le moment aucune piste ». Dumin, lorsqu'il remonta dans son bureau après un instant de réflexion, téléphona au commissariat du XVIIème pour avoir quelques renseignements sur la mort du postier. C'est ainsi que le dialogue s'instaura.

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