Vendredi 10 heures 40, station Etoile. La rame venant de Neuilly frôla les voyageurs téméraires trop avancés sur le bord du quai. Elle s'immobilisait doucement quand tout à coup l'écran qui assurait le contrôle du milieu du quai s'éteignit brusquement, synchronisé avec la disparition de l'image. Un hurlement de femme retentit là-bas dans la foule compacte. Ne perdant pas son sang-froid, l'agent de la RATP avisa par radio son centre de surveillance de l'incidence. Il confirma l'attroupement naissant en le constatant sur l'écran qui avait retrouvé son image. Quelques secondes après, les policiers de faction dans la station, avisé par talkie-walkie, bouclaient la station et ordonnèrent au conducteur de ne pas quitter le quai sans autorisation express. Les ordres fusèrent de toute part. La préfecture de police était prévenue et Gasparini aussi. Les haut-parleurs locaux informaient les voyageurs de l'interruption du service. Les passagers, immobilisés, commençaient déjà à s'impatienter. L'idée d'arriver en retard à leurs activités les exaspéraient. Le quai fut bientôt envahi par des agents en uniforme, remplaçant les quatre inspecteurs qui bloquaient les issues.
Pour tous, une longue attente débutait. Ils durent décliner leur identité, leur adresse aux policiers de la Brigade criminelle. Ils vidèrent leur sac, leurs poches. Une rapide fouille corporelle confirma l'absence d'arme. Des agents féminins s'occupaient, avec toute la prévenance souhaitée, des passagères. Le quai de la station était transformé en une véritable ruche. Gasparini et Valentin interrogeaient le conducteur.
- Vous dites qu'en arrivant cet écran s'est éteint brusquement ?
- Oui.
- Cela arrive souvent ?
- Pratiquement jamais, c'est ce qui m'a surpris. Ces caméras vidéo sont fréquemment contrôlées.
- Cet écran est couplé avec la caméra du milieu du quai ?
- Oui.
- Valentin, tu peux te placer dans le champ pour vérifier.
L'adjoint de Gasparini se déplaça sous l'œil de la caméra. Gasparini vit son collaborateur se dessiner sur l'écran signalé ; il regarda l'objectif et se hissa sur la pointe des pieds et visage grandit soudain comme sous l'effet d'un zoom. Valentin s'approcha d'une autre caméra et sa figure occupa momentanément l'écran. Gasparini se demandait si son adjoint n'était pas atteint de cabotinisme. Il se proposait de lui poser la question quand Valentin le rejoignit.
- Dites (s'adressant à l'agent de conduite), c'est normal que la caméra du milieu ait un trou sous l'objectif ?
- Un modèle différent certainement.
Un des inspecteurs chargés de la surveillance de la station Etoile s'était approché et, entendant les derniers mots du conducteur, revécu en flash-back toute la scène du remplacement de la caméra survenu le jeudi matin.
- Monsieur 's'adressant à Gasparini), nous avons assisté hier avec mon collègue à l'intervention d'un technicien sur la caméra qui a l'air de vous intéresser. Un simple remplacement nous a-t-il semblé.
- Intéressant. Vous pouvez me raconter ?
L'inspecteur narra l'évènement que confirma son collègue. Gasparini appela, par la radio du train, les services techniques pour se faire confirmer le remplacement programmé de la caméra. Les techniciens l'assurèrent après plusieurs vérifications auprès des éventuels intervenants, de l'absence de défaillance signalée et, par conséquence, de l'inutilité d'un remplacement. Cette caméra intriguait de plus en plus les policiers. Les services techniques de la police apparurent soudain : spécialistes du déminage et responsables des transmissions. Un technicien de la RATP les rejoignit bientôt. Celui-ci leur confirma l'anomalie constatée par Valentin. La décision de démonter la caméra fut prise. Ils durent attendre l'arrivée de la remplaçante pour, avec précaution, procéder à l'échange.
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Quai des Obsèques
Gizem / GerilimCe livre est une histoire écrite par mon père pour présenter le concours du Quai des Orfèvres 1990, pour lequel il avait terminé parmi les 5 finalistes. Il est décédé le 27 mai dernier à l'âge de 86 ans. je lui rends hommage en vous faisant partager...