La semaine s'écoula pour certains lentement et pour d'autres trop rapidement. Ce fut le cas pour Gasparini et son équipe. Tous passèrent des moments éternels, à fouiller le passé des victimes, sans pour autant qu'à l'issue de leur quête, ils trouvent un résultat, un indice pour les mettre sur la voie. Cette voie, où circulait le convoi 6532, qui pénétrant à la station BOURSE, provoqua comme par coïncidence la chute de la sixième victime du métro, un dénommé Divert sans profession, frappé en pleine tête d'une balle de 22 long rifle, cela devenait une habitude. Démontrant leur efficacité, les policiers bouclèrent la station, relevèrent les identités des témoins, recoupèrent les indices. Les spécialistes prélevèrent les empreintes sur les portes de la rame, les rampes de sécurité, toutes parties susceptibles d'avoir été touchées par l'assassin. La caissière n'échappa pas à leur analyse. Et toute cette multitude de renseignements, comme autant de graines charriées par des fourmis vers leur résidence d'hiver, alla grossir le dossier du tueur fou du métro. Gasparini et ses hommes courbèrent l'échine, malgré tous leurs efforts, ils n'avaient toujours rien trouvé. Le ministre de l'Intérieur devait être occupé car il n'avait toujours pas communiqué son autorisation d'utiliser le système de vidéo-surveillance du métro.
C'est toujours au moment où l'on n'attend rien que l'évènement se produit et surgit du néant. Tomba enfin un tract d'extrême droite dénonçant les carences gouvernementales, ce papier insistait sur la perfidie, l'ignominie du mouvement installé à l'autre extrémité qui usait de provocation pour déstabiliser l'opinion publique et la classe laborieuse dont ils étaient aussi les ardents défenseurs.
De ce jour-là, commença une sourde campagne de presse, où chacun se jeta avec vigueur les anathèmes à la tête. Cet assaut véhément n'indisposait pas encore le Quai des Orfèvres, toutefois, le ministre de l'Intérieur laissant à son ouvrage la Brigade criminelle, n'en saisit pas moins les Renseignements généraux et la D.S.T. pour une enquête parallèle, cette fois justifiée par la publication d'un tract extrémiste.
Dès 6 heures du matin, les rues avoisinantes, dont celle du Commandant Lamy, s'étaient peuplées de quelques travailleurs matinaux regagnant des entreprises sises dans le quartier. Les habitants du secteur auraient dû s'étonner du nombre inusité d'ouvriers à cette heure et de l'intérêt sournois qu'ils portaient à leur environnement. De-ci de-là stationnaient des voitures particulièrement anonymes où l'on remarquait des messieurs très respectables nantis de somptueux attachés-cases, occupés à détailler de très gros dossiers. Comme les voitures étaient immatriculées en province, le passant curieux n'y voyait là que des représentants de commerce où hommes d'affaires, un peu en avance pour leurs premiers rendez-vous. Aux habitués du café-tabac de l'angle de la rue Sedaine se mêlaient exceptionnellement deux hommes trempant avec application un croissant dans une tasse de café. L'œil exercé aurait certainement découvert l'inhabituel, et ces hommes sans importance constituaient le maillon rapproché de la chaîne entourant l'imprimerie d'où étaient sortie les tracts d'extrême droite.
Débouchant de la rue de la Roquette, Armand Laplace, imprimeur de son état, passa tranquillement devant l'église, jeta un regard paisible sur le volet baissé de la bijouterie, fit un signe amical au patron du bar et traversa entre la boulangerie et le boucher de la rue Sedaine.
C'est lorsqu'il tourna dans l'impasse, dans un imperceptible mouvement que l'étau se referma. A peine avait-il ouvert son atelier d'imprimeur, qu'il se trouva entouré par quatre hommes de la D.S.T., deux l'entraînèrent dans le local, pendant que les deux autres se placèrent pour assurer la couverture de l'opération.
Armand Laplace protesta contre cette intrusion à laquelle il ne comprenait rien. Les agents nullement impressionnés par ces propos exaspérés, entreprenaient une fouille aussi rapide qu'efficace, ils trouvèrent sans peine des exemplaires du tract séditieux qu'ils mirent sous le nez de l'imprimeur effrayé à présent.
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Quai des Obsèques
Mystery / ThrillerCe livre est une histoire écrite par mon père pour présenter le concours du Quai des Orfèvres 1990, pour lequel il avait terminé parmi les 5 finalistes. Il est décédé le 27 mai dernier à l'âge de 86 ans. je lui rends hommage en vous faisant partager...