L'évocation est loin de porter ses fruits, et le parisien, taupe moderne pénètre et sort du sol avec autant de facilité que son animal modèle. Mais il ne se doute pas toujours de ce qu'une station peut cacher. Pont Neuf, c'est un trait d'union entre les deux rives de la Seine. C'est aussi une des plus anciennes constructions, commencée en 1578 par Androuet du Cerceau, et finie en 1604. Une pompe qui alimentait en eau le Louvre représentant une femme de Samarie donnant à boire au Christ. D'où l'origine du nom d'un grand magasin parisien. Mais ce fut aussi l'endroit choisi pour ériger, pour la première fois dans un lieu public, la statue d'un roi, celle équestre d'Henri IV.
L'on a quelque peine à imaginer aujourd'hui le Pont-Neuf abritant dans les demi-lunes qui le composent, les arracheurs de dents, les bateleurs, des charlatans, et c'est bien normal des badauds admiratifs, cible facile des coupe-goussets. La coutume ne s'est pas perdue et c'est tout ce que nous avons conservé du temps de la poule au pot.
L'heure était au drame et non à l'histoire, pourtant, sur le quai, l'ambiance du métro n'avait pas changé de nature. Les usagers de la R.A.T.P. conservaient la même passivité. Bien sûr, parmi eux, que ce soit par la radio, la télévision ou la presse, ils étaient un certain nombre à être au courant de cette sombre histoire du « tueur du métro ». Mais il fallait s'attarder aux exagérations journalistiques, on ne quitterait plus son domicile. Pourtant à 8 heures 27, sur le trottoir, s'effondra la quatrième victime du métro, un certain Monsieur Chomier, vendeur au rayon électroménager d'un grand magasin proche de l'hôtel de ville. La proche voisine ne put s'empêcher d'hurler, provoquant une onde de panique sur le quai. Les gens se précipitaient vers la rame en gare pendant que les passagers, debout entre les banquettes, contemplaient ahuris la scène. Dans des délais particulièrement courts, les forces de police apparurent. Un bouclage des accès fut immédiatement mis en place. Toutefois, les métros avaient continué à circuler. Un quart d'heure s'écoula quand le radiotéléphone sonna dans la voiture de Gasparini. Peu de temps après, le directeur du S.R.P.J. rejoignait deux de ses inspecteurs qui, aidés par deux collègues du commissariat voisin interrogeaient les témoins interceptés par la police en uniforme. Malgré la rotation continue des rames, ils étaient plusieurs dizaines à être tombés dans la nasse. Dans un local mis à la disposition des policiers par les employés du métro, les inspecteurs passèrent au crible les identités des témoins. A la question, « connaissez-vous la victime ? » les réponses invariablement furent négatives. Néanmoins, les enquêteurs notèrent scrupuleusement tous les faits signalés. Mais la moisson ne donna pas le rendement souhaité. Au bout de deux heures, la compilation des déclarations éclaira un peu le déroulement de « l'accident ». Mais dans tous ces témoignages, personne ne signala avoir entendu de détonation et encore moins le signalement d'un homme le revolver à la main. Aucun élément particulier ne fut relevé. En revanche l'imagination aidant, les différentes personnes interrogées se firent une joie de commenter les évènements en les enjolivant. On exagérait à peine en parlant de survie, de chance extrême, la balle les avait frôlés, tous des revenants d'un affreux carnage remontant avec peine de l'enfer métropolitain. Gasparini s'était longuement penché sur l'homme et avait constaté amèrement que c'était la même blessure à la tempe droite, déjà bien connue de ses services. Ses inspecteurs n'avaient rien trouvé de particulier et revenaient vers lui.
- Magnan, tu me fais évacuer le corps, ce n'est pas la peine de le laisser moisir ici, car d'ici peu la psychose va gagner la ligne.
Les gardiens en uniforme évacuèrent le mort sur une civière.
- Vanot, tu es à peu près de la même taille que la victime, on va essayer une simulation. Tu te places sensiblement à l'endroit présumé de la chute. Pendant quelques instants les quatre hommes échafaudèrent un certain nombre d'hypothèses, quant à la trajectoire de la balle. Mais en fait, ils en furent réduits à de simples conjectures, pendant que là-bas au bout du quai, sur les écrans de contrôle, apparaissait l'image d'un train entrant dans la station.
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Quai des Obsèques
Mystery / ThrillerCe livre est une histoire écrite par mon père pour présenter le concours du Quai des Orfèvres 1990, pour lequel il avait terminé parmi les 5 finalistes. Il est décédé le 27 mai dernier à l'âge de 86 ans. je lui rends hommage en vous faisant partager...