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Chapitre 9 | Ava

Chez Ava
Vendredi 15 Septembre
21 : 11

Mes deux meilleures amies sont déjà là lorsque Drew et moi arrivons à la maison. Il leur saute dans les bras et sourit de toutes ses dents lorsque Aïna et Adèle le couvrent de baisers. Coquin va. J'espère qu'une fois adulte, il ne sera pas un tombeur. Il rit lorsque mon amie plante ses doigts dans ses flancs pour le chatouiller.

« Ah ! Tata Aïa ayête ! Cha chatouille ! »

Elle rit à son tour et laisse mon fils lui échapper avant de se redresser. Elles savent qu'il ne faut pas me faire de câlins, ni de bisous. Elles savent qu'elles n'ont pas besoin de me dire que je leur ai manqué, de toute façon je ne répondrai rien. Un regard suffit, pas besoin de mots. Je souris et elles me sourient aussi. Je passe rapidement dans le salon pour déposer un baiser sur la tempe de Nana avant d'inviter les filles à venir dans ma chambre. Drew insiste pour nous suivre. Je n'en ai franchement pas envie, je pense que je le vois assez ces derniers temps, mais il est têtu et ne lâche pas l'affaire alors je cède.

Aïna s'assoit sur mon lit et entreprend de caresser les boucles brunes de mon fils. Je suis presque jalouse de leur complicité, mais Aïna a toujours été affectueuse envers les enfants. Il faut dire qu'elle n'a jamais vraiment eu le choix : son père les a abandonnés elle et sa famille quand elle a eu huit ans et elle s'est vite vue dans l'obligation de s'occuper de ses deux petits frères et de sa petite sœur. Le fardeau de l'aînée... Je la détaille du regard : ses yeux marron clair, sa peau noire et ses braids ornées de perles traditionnelles. Je ne le lui dirais jamais, mais elle a été ma force pendant toutes ses années. Toujours de bonne humeur malgré ses galères, ambitieuse et toujours prête à trouver une solution à ses problèmes. Je suis heureuse qu'elle ait pu se prendre un logement Crous en île-de-France pour pouvoir y faire ses études.

« J'ai super faim, qu'est-ce qu'on mange ? me demande Adèle.
— Il est tard, je me disais qu'on pourrait commander des pizzas comme d'hab, je réponds en m'asseyant entre elle et Aïna.
— Non, vous allez encore me vanner parce que je mange une pizza avec des ananas dessus.  »

Je ne peux m'empêcher de rire. En même temps, qui fait ça ? Les yeux bleus de mon amie ne m'attendrissent même pas un peu; ce qu'elle fait est un crime. Ses mèches blondes s'échappent de son chignon en bataille et lui donnent un air angélique. Adèle incarne la douceur et... la bêtise. Je peux passer des heures à écouter Aïna lui faire la morale sur les mecs bizarres qu'elle fréquente et sur sa lubie de jouer sur plusieurs tableaux. Aïna est la raison, Adèle la folie, et moi la spectatrice. Les 3A dans toute leur splendeur. Adèle n'a pas eu d'enfance difficile comme nous : elle a des parents aimants qui lui louent un super appartement à Paris, une belle et grande maison, de l'argent à ne pas manquer. Les garçons lui courent après et les filles la jalousent. Et pourtant, j'ai rarement rencontré une personne aussi empathique et bienveillante. Elle est le sucre qui annule l'amertume du café, qui réduit l'acidité des tomates. Bon, j'arrête avec mes métaphores culinaires.

« Je te promets qu'on se moquera pas, je mens éhontément.
— Bien sûr que je vais me moquer, réplique Aïna. Je ne cesserai jamais de te juger pour ça.
— Je vous déteste. Je propose qu'on prenne un seau de poulet alors, fait-elle la moue boudeuse.
— Tu supportes pas les épices, Adèle, on va pas encore prendre un sceau moitié wings moitié tenders, sérieux.
— Si, ça s'appelle le partage !
— C'est pas équitable, t'auras la moitié du seau pour toi toute seule !
— C'est pas ma faute ! J'aime pas avoir la bouche en feu, j'y peux rien.
— Ouais, sauf quand tu la remplis avec une bi... »

Je me dépêche de boucher les oreilles de Drew qui regarde avec émerveillement mes deux amies en train de se chamailler.

« Ça va pas ! Y a des enfants ici !
— Désolée, fait Aïna en pouffant, mais ta pote me pousse à bout.
— C'est par la fenêtre que je vais te pousser.
— Le jour où tes muscles pousseront enfin. Tu me rappelles depuis combien d'années t'es inscrite à la salle ? »