Chapitre 1 | Ava

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Hôpital
Lundi 1er Janvier
10 : 07

Les bips incessants des machines résonnent dans la salle. Le bruit est assourdissant, il résonne dans ma tête, si bien que j'ai l'impression d'être en train de l'imaginer, mais non. Anaëlle est bien là, devant moi, et c'est son cœur battant qui est à l'origine de ces bips. Quant au mien, je ne sais même pas s'il bat encore.

Elle est allongée sur le dos, elle a seulement l'air de dormir. Son teint est parfait, ses cheveux impeccablement peignés sont éparpillés sur son oreiller, et ses cils noirs voilent ses yeux que je sais verts. Est-ce qu'elle est consciente ? Non, sinon elle ne serait pas admise en réanimation, n'est-ce pas ? Est-ce à cause de Juliann qu'elle est dans cet état ? Je m'avance vers elle jusqu'à pencher la tête au-dessus de la sienne, sans trop savoir pourquoi. Sa ressemblance avec Anna, la belle-sœur de Juliann, est si frappante que je serais absolument incapable de les distinguer l'une de l'autre si elles étaient côte à côte. C'est dingue qu'elles ne soient pas des jumelles.

« Vous n'avez pas le droit d'être ici ! »

Je me redresse vivement, et je fais face à l'infirmière qui se tient dans l'embrasure de la porte. Elle va sûrement appeler la sécurité, mais peu m'importe, je veux des réponses.

« Depuis combien de temps est-ce qu'elle est là ?
— Je répète...
— Je sais, je sais, mais je dois savoir. Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ? Depuis combien de temps est-ce qu'elle est là ?
— Madame, sortez ou j'appelle la sécurité.
— Mais...
— Sortez ! »

Je la fusille du regard, mais je n'insiste pas, je ne suis pas en position de négocier de toute manière. J'aurais mes réponses autrement. Je me rends dans le couloir et appuie frénétiquement sur le bouton de l'ascenseur comme si ça allait le faire arriver plus rapidement. Si j'ai été admise à cet étage, ce n'est évidemment pas une simple coïncidence. On ne met pas un patient victime d'un simple malaise en réa. La porte de la chambre d'Anaëlle était ouverte, et je n'aurais pas pu la manquer puisqu'il faut passer devant pour accéder à l'ascenseur. Quelqu'un voulait que je la voie, mais qui ? Je suis tellement désorientée par mes émotions que j'ai du mal à réfléchir, à penser de manière cohérente.

Je force un sourire lorsque João me rejoint, même si j'ai certainement la mine d'une personne que l'on viendrait d'enterrer vivante.

« C'est bon, on peut y aller. » me dit-il en souriant.

Je hoche la tête et le suis à l'extérieur. Le vent glacial fouette mes cheveux et frigorifie mes mains en un rien de temps. La ville est recouverte d'une fine couche de neige, et les rayons du soleil peinent à transpercer les nuages épais. Ce n'est pas un beau paysage, tout est chaotique. Les sirènes des ambulances ne cessent de hurler dans mes oreilles, et j'ai froid à m'en faire trembler les os.

La neige n'a plus sa couleur blanche qui la rend si belle : le sol a été piétiné, et le blanc s'est transformé en marron. C'est comme ce que m'a fait Julian : notre amour était pur comme de la neige fraîchement tombée du ciel, et maintenant, ce n'est qu'un tas de neige boueuse qui rend le paysage sale et austère.

Je soupire lorsque nous arrivons dans la voiture de João. Mon souffle provoque une fumée qui disparaît rapidement. Je n'ai pas envie de parler, pas envie de rentrer chez moi, ni envie d'aller chez mes parents et risquer de croiser Juliann. Je veux juste réfléchir. Repenser encore et encore à ce qu'il m'a dit, même si ça fait un mal de chien. Décortiquer chaque syllabe. Peut-être qu'à force, je comprendrai à quel point c'était absurde, tellement absurde que ça ne peut pas être réel. Et alors, c'est seulement à ce moment-là que je me réveillerai de cet affreux cauchemar, parce que je suis forcément dans un mauvais rêve, pas vrai ? Plus rien n'a de sens. Le père de mon fils n'est pas Théo. Anaëlle n'est pas morte. Juliann ne m'aime pas.

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