Chapitre 11 : Exile

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Steve

Quand je suis venu rejoindre Mia j'ai fais une longue pause sur la route. Je ressentais un besoin soudain de me reposer, comme une voix intérieure qui me disait de stopper la voiture. Cela faisait déjà plusieurs heures que je roulais et je profitais d'une aire de repos pour m'assoupir un moment.

- Salut mon ami !
Une voix me tirait de mon demi sommeil, ou du moins je le pensais. Mais c'était impossible ...
- Eddie ??
- En personne ! Je t'aurais bien dis en chair et en os mais je ne pense pas que ce soit adéquat.
- Mais comment c'est possible ?
- Y'a encore des choses qui te surprennent ? Oh Steve ce que t'es pénible !
- Je suis en train de rêver, je vais me réveiller.
- Tu n'es pas en train de rêver. Enfin si mais c'est réel.
Eddie me tira les cheveux et me pinça.
- Wow ! Ok ! Mais si je ne rêve pas comment t'expliques que tu sois là, que je te parle et qu'on soit sur une ile paradisiaque ?
- Harrington stop ! J'ai pas tout mon temps, tu vois c'est un peu le problème des morts. Tu es endormi mais tout ce qu'il se passe là est réel et le décors c'est ton rêve. Tu as surement besoin de vacances ! J'ai besoin que tu m'écoutes et qu'on discute. Tu peux faire ça pour moi ? Ou tu vas encore me poser dix fois la même question ?
- Je t'écoute.

C'était incroyable de revoir Eddie. J'avais encore du mal à croire que ce soit réel.
- Comment va Mia ?
- Je sais pas Eddie ... J'étais en route pour la rejoindre, ça fait des mois qu'elle avait disparu sans me donner un signe de vie.
- T'es qu'un crétin. Je t'avais demandé de la surveiller.
- Elle est partie comme ça, le soir ou je lui ai donné ta lettre. C'est toi le crétin qui écrit des lettres qui font partir les gens.

On se regardait et on ne pouvait pas s'empêcher de rire. Comme si rien n'avait changé. Pourtant tout avait changé.

- Elle ne va pas bien. Je la ressens depuis que je suis ... mort. Enfin je sais pas si je suis vraiment mort mais quelque chose se prépare. Quelque chose de terrible. C'est pour ça que je devais te voir.
- Mais si tu n'es pas mort tu es quoi ? Et ou ? Et surtout pourquoi tu me parle à moi ? Pourquoi tu ne parle pas à Mia ?
- Elle a retrouvé ses pouvoirs Steve. Je ne sais pas comment, j'ai accès à peu de choses de son réel. Parfois j'arrive à forcer les choses et je la vois quelques secondes mais tout se brouille très vite. Et je payerais très cher ces tentatives si ca venait à se savoir. Mais comme je te le disais je la ressens et Henry m'a fait voir des moments de sa vie ces derniers mois. 
Le visage d'Eddie s'obscurcit et quand il reprit sa voix était comme brisée. Je ne l'avais jamais entendu comme ça.
- Pour autant que je sache Harrington je suis comme mort. Je ne pourrais jamais revenir à moins qu'Henry le décide et on sait tous les deux que ça n'arrivera pas. Je suis condamné à rester comme ça aussi longtemps qu'il le voudra. Mia ne doit pas savoir ça. Jamais tu m'entends ?
- Mais si elle a retrouvé ses pouvoirs elle pourrait t'aider, elle pourrait te contacter et vous pourriez être réunis et ...
- Steve ! La seule façon que nous aurions d'être réunis serait la mort. Et je ne veux pas ça pour Mia, je veux tout sauf ça pour elle. Si elle savait que je suis là, quelque part, elle voudra me rejoindre. Je te le redis tu ne dois jamais lui parler de notre rencontre.

Eddie me demandait la lune. Je le comprenais bien sur mais Mia ne me pardonnerait jamais de lui cacher ça si elle l'apprenait.
- J'ai déjà plus beaucoup de temps Harrington. Il y a quelques jours j'ai ressenti Mia plus fort que d'habitude et d'une manière affreuse, c'était rien d'heureux. Juste après j'ai ressenti ses pouvoirs. J'ai du bloquer ses tentatives de communication elle aurait su sinon que je suis ... ni mort ni vivant.
- Tu veux que je fasse quoi Eddie ? Je ne l'ai pas vue depuis huit mois. Je ne sais pas comment l'aider, elle ne supporte pas ton absence.
- Je ne supporte pas la sienne non plus ... mais on n'est plus à l'heure de choisir. J'ai peur Steve, Henry me garde ici pour une raison mais je ne sais pas laquelle. J'ai peur qu'il se serve de moi comme une arme contre Mia. Ici c'est comme si j'avais des pouvoirs moi aussi, différents de ceux de Mia mais sans ça je n'aurais pas pu entrer en contact avec toi. Ou l'apercevoir juste assez pour me souvenir à quel point elle me manque.
- Je suis désolé Eddie. Si j'avais écouté mon instinct tu serais encore là.
- Arrêtez de vous blâmer. Personne n'aurais pu rien changer. Je voudrais juste que vous soyez en sécurité mais ce n'est pas le cas.
- Henry continue ses meurtres. Au début on pensait que c'était pour trouver de la force et passer à l'attaque mais ça semble pire que ça.
- C'est aussi pour ça que je devais te parler. Tu sais là bas, c'est comme un monde à part. Hostile. Je suis au milieu d'âmes qui errent, tous ces gens qu'Henry a tué mais ils comprennent pas ce qu'ils font là. J'sais pas mon pote j'ose pas trop m'approcher d'eux, je me cache la plupart du temps. Mais l'autre jour j'ai essayé de me projeter avec l'un d'entre eux comme je le fais avec toi. Il parlait seul et j'étais assez près pour l'entendre. Il disait j'aurais du accepter. J'aurais du accepter sa proposition. J'ai changé d'avis je peux être un assassin. J'aurais du accepter. En boucle tu vois.
- Mais ça voudrait dire quoi ? Que ces gens ont refusé une proposition d'Henry et qu'il les a tués ?
- De ce que j'en ai vu oui. Leurs esprits sont trop tourmentés pour établir un contact clair mais j ai pu saisir quelques bribes. Henry lui proposait de rejoindre son armée et lui ne voulait pas. Quelques secondes après il était en feu.
- Putain mais c'est quoi ce bordel ...
- Le problème Harrington c'est pas eux. Ils ont refusé et ils sont morts. Le problème c'est ou sont ceux qui ont accepté ?

J'avais pas toujours aimé Eddie. En réalité je ne l'aimais vraiment pas au début. On cohabitait dans nos vies uniquement pour faire plaisir à Mia. Bien sur je le trouvais drôle parfois mais je me mefiais de lui. Nancy passait son temps à jalouser Mia et ça nous éloignais parfois. Je ne voulais pas qu'Eddie s'y mette aussi. Étrangement ça ne s'est jamais produit. Au fil du temps je le trouvais intéressant sous ses airs de loseur débile. Il était en fait l'opposé de l'image qu'il renvoyait.

Lorsque j ai perdu ma mère j'étais dévasté. C'est ce jour qu'Eddie est vraiment devenu mon ami. Il m'a rejoint alors que j etais assis dans ma voiture, un peu comme à cet instant et il m'a dit :
- J'ai perdu ma mère aussi. Rien la remplace mais j'ai appris à vivre avec son absence. Et tu apprendras aussi Harrington. Laisse juste pas le temps te voler le son de sa voix, fais la raisonner dans ta tête tous les jours et reconnais les signes qu'elle t'envoie. Si t'as besoin de pleurer ou d'hurler j'suis là.
J'ai pleuré dans les bras de celui qui était devenu en quelques secondes mon ami ce soir là, et on en a jamais reparlé. Je comprenais pourquoi Mila l'aimait autant.

Autour d'Eddie tout commençait à devenir rouge.
- Il se passe quoi Eddie ?
- Henry. Mon temps de protection à me rendre invisible aux yeux de ce monde est limité je te l'ai dis. Ramène Mia Steve. Elle doit rentrer auprès de vous. Tout ce que je ressens d'elle est atroce, elle est tellement seule et triste. Elle a retrouvé ses pouvoirs mais isolée comme ça elle ne pourra rien faire. Restez ensemble, tous ensemble autant que possible.
- Attends Eddie j'ai encore tellement de choses à te demander !
- J'essayerais de revenir dans quelques temps. Je dois y aller. Restez ensemble ! Jour et nuit ! Essayez de trouver qui sont ces gens et ce qu'ils ont accepté. Le pire est à venir Steve. N'oublie pas, ne parle jamais de ça a Mia. Je continuerais à bloquer ses tentatives.
Eddie commençait à se brouiller devant moi, comme une mauvaise réception.
- Je ne lui dirais rien. Mais elle continuera d'essayer de trouver un moyen de te ramener.
- Elle ne peut pas. Elle rencontrera quelqu'un d'autre Harrington un jour et elle sera heureuse. Tu sais avant tout ça je voulais lui demander de m'épouser.
- Toi ? Te marier ?
- Ouais ... Adieu mon ami.

Je me réveillais en sursaut dans ma voiture, trempé de sueur. Est ce que j'avais rêvé ? Tout ça me semblait impossible. "Y'a encore des choses qui te surprennent?" me revenait en tête. Je soulevais la manche de mon t-shirt. Vu le bleu qui recouvrait l'avant de mon coude aucun doute, Eddie m'avait bien pincé et tout ça était bien réel. Je dis à voix haute :
- Tu m'as manqué mon pote.
Et j'ai cru entendre
"Toi aussi crétin".

Et puis la nuit / Eddie Munson /Où les histoires vivent. Découvrez maintenant