Chapitre 5 : les ruelles de la mort

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Point de vue de Cham :

Je me réveille dans la salle vide des combattants, je savoure cette sensation de calme avant de descendre de la planche sur laquelle j'étais installé pour mon "rêve" et de quitter la pièce. Une fois les portes passées l'effervescence des rues de l'Alouette me fait vraiment revenir à la réalité. La cargaison de nourriture doit avoir eu lieu il y a quelques instants sur la place surmontée d'un tas de ferraille. Les plus grosses familles se battent pour accéder à leur repas. Au centre des affrontements un des deux anciens combattants éliminés la vieille. Je m'imagine à sa place en espérant ne jamais y être. Soudain un homme, connu comme le plus gros meurtrier, soulève un morceau de métal qui doit faire mon poids et lui écrase sur le crâne. L'ancien combattant s'écroule, dans sa chute sa tête vient heurter le sol en une mare de sang. Cette image me donne envie de vomir. Je détourne le regard conscient qu'il faut que je quitte cette place au plus vite si je ne veux pas finir dans le même état. Je fais alors demi-tour pour emprunter des rues plus calmes. Partout, au sol des hommes, des femmes et des enfants dorment. En tout cas c'est ce que j'espère, la vérité c'est que la plupart d'entre eux est mort ou le sera bientôt.

Un flash me fait alors revenir quelques mois en arrière. C'était la fin de matinée après mon entrainement avec les combattants. J'avais été repéré quelques jours auparavant dans la rue, affamé, j'avais tué des innocents pour pouvoir manger. Ce jour-là des combattants avaient vu la scène et m'avait proposé de les rejoindre, me promettant que je n'aurais plus à me soucier de la nourriture pour mon père et moi. J'avais cru à leurres belles paroles. Mais la vérité c'est que lorsque l'on rentre chez les combattants on goute à des privilèges que l'on sait éphémères. Je savais très bien qu'un jour ou l'autre, ils s'apercevraient que je ne suis pas fait pour faire partie des leurs, ni assez vif, ni assez fort. Ce jour-là j'avais seulement eu un coup de pouce du destin, mon grand-père aurait appelé ça l'adrénaline.

Cet après-midi, l'adrénaline ne pouvait rien pour mon père que j'avais retrouvé seul, sur le sol. J'ai eu beau le secouer, lui faire un massage cardiaque et du bouche-à-bouche comme il avait pu m'enseigner, rien ne l'a réanimé. Depuis ce jour tout a changé. Avant, il était ma lueur d'espoir, le seul qui me restait. Je le revois gisant sur le sol et  me dis que depuis ce jour je n'ai jamais eu aussi peur de la mort mais paradoxalement je n'en ai plus peur car tous les miens, tous ceux à qui je tenais ne sont plus là. Son cadavre à mis plus d'une semaine à être enlevé. Pendant une semaine, j'ai du luter pour que personne ne mange ce qui restait de lui. Je connais maintenant les familles qui se nourrissent de chair humaine.  Avant ce jour, je ne pensais pas que les personnes étaient désespérées au point de devenir cannibales mais maintenant je sais que c'est le cas.

Mes pieds butent contre un corps ce qui me ramène à la réalité. Je baisse les yeux pour voir ce que j'ai heurté. C'est le cadavre d'un bébé et d'une mère. Une larme coule le long de ma joue, j'ai du mal à accepter autant d'injustice. Je repense au mot de Rubis : « on va faire quelque chose, on va faire une révolte ». Je souris en repensant à la détermination dans son regard, si seulement elle savait à quel point elle a de la chance. Je donnerai tout pour être de son côté, ne plus avoir à me soucier de survivre. Je m'imagine avec Rubis, peut-être que dans une autre vie elle serait MA Rubis. Je secoue la tête pour me ramener à la réalité. Je franchis les derniers pas pour rejoindre mon petit bout de cet immense vaisseau. Je m'assoie sur le vieux bout de carton qui me sert de couchette.

Callie : Cham, vient vite ! je t'en supplie.

Je n'ai pas besoin de lever les yeux pour reconnaitre la voix de cette petite fille blondinette. Elle d'ordinaire si calme, sa panique m'inquiète.

Cham : Calme toi Callie, qu'est-ce qu'il se passe ?

Callie : C'est ma maman, elle est blessée, vient vite s'il te plait, Cham vite !!!

Je me lève en précipitation et prends Callie par la main. Elle court dans les ruelles de l'Alouette pour m'indiquer le chemin. Sa mère git sur le sol un morceau de ferraille planté dans la jambe. Je m'assoie à côté d'elle et lui prend la main.

Cham : Je suis là tata ne t'inquiète pas, je vais t'aider.

Elle me regarde les yeux pleins de larmes.

Tata : Promets-moi que tu veillerais sur Callie, si je ne survivais pas.

Je lève la tête vers Callie qui est restée debout regardant sa mère, les yeux trempés.

Cham : Je te promets mais tu vas survivre.

J'enlève le morceau de tissu qui me sert de ceinture pour le placer autour de sa cuisse un peu au-dessus de sa plaie pour stopper l'hémorragie. « Ca saigne beaucoup trop ». J'arrache un bout de sa jupe pour recouvrir sa plaie et appuie du plus fort que je peux dessus. Elle lâche un cri de douleur.

Cham : Courage ça va aller

La vérité c'est que je n'en sais rien. Je repense à mon père, qu'aurait-il fait dans ce cas ? J'aimerais tellement qu'il soit là. Sa voix apparait dans ma tête « Prends ton temps Cham, ne te précipite pas, analyse la situation et respire ». Je prends une grande inspiration, et j'analyse. Mise à part la plaie à la cuisse, elle ne présente pas de blessures apparentes. L'entaille à la cuisse n'est pas très profonde mais assez large. Le corps étranger est encore dans la plaie mais ne touche pas d'os. Rien ne semble fracturé. Je dois agir vite pour qu'elle ne perde pas trop de sang. J'expire et tout me paraît plus clair.

Cham : Serre les dents ça va faire mal mais tout ira bien.

Les mots me sont dictés par mon père, j'ai l'impression qu'il est avec moi. Je tire le morceau de ferraille en essayant de lui faire faire le même mouvement qu'il a fait en se plantant dans sa cuisse. Du sang gicle de la plaie, je me nettoie le visage avec le revers de mon bras gauche tout en compressant de plus belle la plaie avec mes mains. Les cris de ma tante et les pleures de Callies en arrière-fond me brisent le cœur mais je sais que je ne dois pas y prêter attention, ce n'est pas la priorité.

Cham : Callie va me chercher de l'eau.

En attendant qu'elle revienne je sors le fil et l'aiguille que j'ai toujours dans une poche de mon pantalon. J'enlève les morceaux de tissu qui agissaient comme des compresses. Mon garrot a été efficace le sang a arrêté de couler. Le moment que j'appréhende le plus est arrivé, c'est la première fois que je vais devoir recoudre quelqu'un seul. « Prends ton temps Cham, visualise puis agit, une plaie bien refermée peut éviter beaucoup de complications ». Ma main tremble quand elle s'approche de la paie. J'inspire et en expirant je plante mon aiguille dans sa peau. « Tu en es capable mon fils, je suis fier de toi ». Les mots de mon père me portent à mesure que je recouds la plaie. Une fois fini je coupe avec les dents le fil et consolide mon travail avec un nœud. Je nettoie ensuite la plaie avec l'eau que Callie vient de me rapporter. Je dessers ensuite le garrot pour l'enlever. La plaie redevient alors celle de ma tante et plus seulement un bout de viande. Je réalise qu'elle est blanche et que les prochaines heures seront décisives. J'ai à peine le temps de respirer qu'une tempête de cheveux blonds saute dans les bras.

Callie : Tu l'as sauvée Cham, tu es le meilleur !

Comment dire à cette fillette de 12 ans que la vie de sa mère n'est pas encore sauvée et que si elle ne meurt pas de sa blessure, elles mourront surement de faim. Mais ça je n'arrive pas à lui dire et je préfère lui sourire et la serrer fort contre moi.

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J'espère que ce chapitre vous a plu et que vous avez été content d'en apprendre plus sur Cham et la triste réalité de l'Alouette. 

Pour ma part j'adore inventer l'univers de L'Asuris. J'ai essayé de faire un chapitre avec une scène de "médecine" mais je ne m'y connais pas du tout dans ce domaine alors j'espère que ça ne s'est pas trop ressenti ;) 

Merci de lire Asuris <3 A dimanche pour le prochain chapitre et ça sera du point de vu d'Elias, j'ai hâte que vous le découvriez un peu plus  ! 

Asuris - Tome 1 : DésillusionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant