14- Souvenirs et similitudes.

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- Allez, on y est là, ne me fais pas languir, je suis assez secouée comme ça s'il te plaît. Quels souvenirs as-tu ? De quelles vies te souviens-tu, je veux dire ?

- Je n'ai rien de très précis. Je sais qu'on a été séparés plus d'une fois. Je sais que j'ai désespérément manqué de toi plusieurs fois. J'ai une image bizarre d'un temps lointain, probablement à la grande époque de l'Égypte. Tu es une prêtresse, quelque chose comme ça, tu es quelqu'un d'important, dans un palais, et il y a une histoire de jalousie, je vois un homme et une dague. Je crois bien que j'ai été tué par mon rival.

Il fait une pause, fouillant sa mémoire.

J'essaie d'intégrer ce qu'il me dit, mais je dois dire que pour mon esprit cartésien, c'est un sacré défi...


- Je me souviens aussi être mort sur un bateau. Je serais bien incapable de te dire si j'ai été tué ou si le bateau à coulé. Tout ce dont je me rappelle, c'est ce sentiment atroce de te laisser seule, de te perdre, de ne plus jamais te revoir... et je sais que c'était toi, Tessa. Je le sens, au plus profond de mes tripes. C'est toujours la même sensation, et jamais aucune autre femme ne m'a fait ressentir ce genre de choses.

Je me mords la lèvre. Pour être honnête, je ne sais plus très bien ce qui me bouleverse, mais ça me bouleverse. Tout je crois : les histoires, l'amour qu'il exprime, l'angoisse de la folie...


Il me regarde avec douceur, et vient légèrement caresser mon bras du dos de ses doigts.

- Ok, fait-il, reprenons le jeu des musiques si tu veux bien, ça te parlera peut-être plus : y a-t-il des chansons d'amour qui te rendaient particulièrement nostalgique, ou te faisaient anormalement vibrer, comme si ça te renvoyait à un amour que tu ne connaissais pas encore ?

Lisant le scepticisme sur mon visage, il explique :

- Moi, certaines chansons, dans cette vie, me faisaient penser à toi, bien que je ne sache pas encore qui tu étais, ni même que j'avais vécu une relation amoureuse sur plusieurs vies. J'ignorais tout ça, et pourtant, la chanson me tordait le bide et me renvoyait un manque insoutenable. De toi...

Je lève un sourcil, perplexe.

- Est-ce que tous les ados ne vivent pas ce genre de choses quand ils se retrouvent soudainement baignés d'hormones sexuelles ?

- On va voir ! Répond-il en se levant, pour ramener un papier et deux crayons.


Il déchire le papier en deux, et m'en tend un bout.

- Note là-dessus les chansons qui faisaient pleurer ton cœur d'adolescente, s'il te plaît.

Je m'exécute, et fouille ma mémoire.

Immédiatement, me revient ma première vraie boum, à treize ans. Et mes premiers slows. Avec un gars, Victor. Pourtant, j'admets que l'émoi que le titre provoquait en moi n'était pas lié à lui, Victor, mais bien à un sentiment amoureux qui se remplissait de vide. Comme un manque...

Je le note.

Ah oui ! Il y a aussi Brian Adams ! Everything I do I do it for you... Bon dieu, cette chanson me faisait chialer à chaque fois, tant mes tripes réclamaient l'homme de mes rêves... Merde... Je me décompose un moment en le notant, mais me raisonne rapidement : ça ne veut rien dire. Tout le monde vit ce genre de trucs.


Attila affiche un sourire de vainqueur, trop heureux que j'ai joué le jeu.

- J'en ai deux, tu en veux plus ?

- Ça ira, répond-il en me tendant son bout de papier. Ça, ce sont les trois chansons qui me faisaient irrémédiablement penser à toi, même avant que je n'ai des images de vies passées, ou de rêves, vois ça comme tu veux.

Intriguée, j'ouvre le papier, et mes yeux lisent sans que je comprenne immédiatement :

- Still loving you.

Bingo... Je n'ai pas pensé à l'écrire, mais putain oui... Cet air me serre le cœur à chaque fois, depuis des années, entre espoir et manque...

Mes yeux ont déjà vu le titre suivant sans que je ne le lise, c'en est presque flippant...

Je les ferme fort et les rouvre, puis cherche ce deuxième titre.

- Hôtel California.

Putain. La chanson de la fameuse première boum...

- Everything I do.

J'en lâche le papier.

Je le regarde sans le voir...

Je n'arrive pas à comprendre...

Le sourire d'Attila s'éteint.

- Flippant hein ? Je sais... On n'est même pas exactement de la même génération. Et pourtant...


Il me laisse digérer quelques minutes en silence.

Je n'y arrive pas. Tout s'emmêle.

- Je comprends pas...

C'est tout ce qui arrive à sortir de ma bouche.

- Je comprends pas...

- Il n'y a rien à comprendre.

- Comment tu as su ?

- Je n'ai pas su ! J'ai ressenti. Je t'ai ressentie. Ou peut-être qu'on s'est mutuellement ressentis.

- Comme... De la télépathie ?

- C'est l'idée oui, en tous cas, un lien qui traverse le temps et l'espace...


Je suis scotchée.

Je me couche contre lui en priant le ciel.

Papa... Papa, si tu es là, fais moi un signe, je t'en supplie. Je te promets de faire des efforts pour le voir, pour y croire. Papa...

Dis-moi si Attila est bon pour moi, s'il te plaît. Dis moi si cette histoire est saine, bénéfique et bonne pour moi, s'il te plaît. Je t'en conjure de tout mon cœur... De toute mon âme, plutôt.

Amour SacréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant