Chapitre 3 - Un dernier moment de calme

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Dans la capitale d'Elysea, il n'y a guère plus agréable que de regarder la ville du Sanctum s'éveiller, assis au bord du vide dans les docks. Ici, tout est calme. Les navettes sont arrêtées, elles ne s'activent pas encore dans leurs allers-retours incessants vers l'île à plusieurs centaines de mètres de là, point de départ pour embarquer vers des destinations dont Hiraeon n'a pas la moindre idée.

La caresse du vent qui agite ses cheveux et caresse son visage, la douceur de l'épaisse brume qui rend humide ce début de journée autant qu'elle masque à son regard ce qu'il se trouve sous la ville - perchée à une hauteur vertigineuse dans le ciel par une magie qu'il ne saurait comprendre - et les premiers rayons chaleureux du soleil qui réchauffent son cœur toujours aussi meurtris de sa perte récente... Toutes ces choses parviennent à produire en lui un subtil sentiment d'apaisement.

Il apprécie tout particulièrement cet endroit vide de tout âme vivante sinon des quelques shugos plus loin qui s'affairent déjà à préparer des caisses de marchandises.

Ici, à cette heure-là, tout est beau.

Les rues qu'il peut voir de son perchoir son vides, seulement arpentées par quelques animaux qui doivent, tout comme lui, profiter du petit matin lors duquel la ville dort encore.

Ici, maintenant, c'est le seul moment où il peut réfléchir, entouré d'une bulle rassurante que lui offre la solitude.

Le genre de choses qu'il aimait faire quand il habitait encore Poéta.

Il soupire puis s'avachit en arrière sur ses bras tendus afin d'observer le ciel, comme il le faisait là-bas.

Face à lui, oppressante et menaçante, Asmodae demeure. Aussi loin qu'il s'en souvienne, il a toujours eu une étrange fascination pour la seconde moitié de ce monde.

Il sourit, trouvant étrange d'utiliser l'expression « aussi loin que je m'en souvienne » alors que sa mémoire n'est pas capable de remonter plus de deux ans en arrière.

Pourtant, il a toujours été attiré par la magnifique obscurité qu'il devine au sein de ce gigantesque caillou suspendu dans le ciel, subjugué par le dégradé de violet et de bleu dessiné par les nuages de gaz et de poussière, curieux de savoir à quoi peuvent ressembler les paysages là-haut.

La faune et la flore sont-elles différentes d'Elysea ?

Question idiote, c'est certain.

Si même les Asmodiens ont changé physiquement au fil des siècles, il doit en être de même pour toutes les autres espèces qui peuplent cet endroit abandonné par Aion.

Le flot de ses pensées se retrouve dérangé, parasité, coupé par le son de pas non loin de lui. Il n'y aurait certainement pas fait plus attention que ça s'il ne devinait pas des talons et ne comprenait pas qu'ils s'approchent de lui.

Le soldat se redresse alors et jette un coup d'œil par-dessus son épaule.

Une jeune femme aux oreilles pointues, à la peau mate et aux yeux d'un vert étincelant se trouve là, figée au milieu de cette plate-forme des docks depuis qu'il s'est tourné vers elle, nerveuse à en triturer le tissu de sa robe blanche - bien plus simple que la veille mais qui n'est pas moins bien choisie pour la mettre en valeur.

— Arieluma, accueille le daeva avec un petit sourire avenant.

La jeune femme sent une chaleur poindre dans ses pommettes et elle se sent soudainement idiote.

Qu'est-ce qu'elle fiche ici ?

Enfin... A part le besoin étrange et irrépressible de revoir cet homme, qu'est-ce qu'elle fout vraiment ici ?

Aion & la Tour de l'Eternité - Tome 1 : Entre deux mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant