Une bourrasque souffle soudainement pour rafraîchir cette journée chaude et ensoleillée, faisant virevolter feuilles et pétales, agitant les branches et rameaux des arbres dans un bruissement apaisant et emportant avec elle le parfum enivrant des fleurs sauvages. Là, au pied d'un chêne centenaire au tronc imposant et dont les racines s'abreuvent directement dans le lac de Cliona, un jeune homme est assis à contempler ce spectacle qui, même pour lui qui a la chance de pouvoir en profiter chaque jour que Aion fait, ne pourra jamais se lasser de la beauté de cette nature, riche en odeurs et couleurs, qui prospère en ce lieu idyllique qui, il en est certain, doit être l'endroit qui s'approche le plus du paradis à Elysea.
Il lève ses yeux gris au ciel et fixe cette masse imposante et menaçante qui s'étend là, à des centaines sinon des milliers de kilomètres au dessus de sa tête : une demi-sphère aux contours irréguliers, un amas de roche sombre et inhospitalière depuis lequel des nuages violets aux allures surnaturelles se dégagent...
Asmodae, l'autre moitié de ce monde brisé.
Pour l'esprit naïf et inexpérimenté de ce garçon de ferme, il est impensable d'imaginer qu'une guerre ait pu causer la destruction de la Tour de l'Éternité. Cette construction ressemblant à une immense colonne traversant la planète de pôle en pôle qui jadis était un joyau - outil du dieu créateur Aion pour pourvoir les espèces peuplant ce monde de tout ce dont elles avaient besoin - n'est plus aujourd'hui qu'une ruine. S'il ne peut pas voir la partie qui trône encore à Elysea - dissimulée par l'horizon derrière des montagnes, celle qui demeure encore à Asmodae est là, pointant vers lui, brisée et privé de son éclat d'autrefois.
— Fils, ta pause est terminée ! Viens m'aider avec ces sacs de grain ! s'exclame un homme d'âge mûr à quelques dizaines de mètres de là.
Le rêveur se lève alors, s'étire longuement en gémissant puis s'avance dans la lumière du soleil. Se découvre une force de la nature : une taille et une carrure imposantes, des cheveux bruns et les traits de son visage permettent de lui donner à peu près vingt-cinq ans.
Pendant qu'il marche vers son paternel pour lui prêter assistance, puisque ce dernier n'a plus la force qu'il avait autrefois, le jeune homme pense encore à Asmodae et se questionne sur ses habitants qui, depuis le cataclysme, sont condamnés à vivre dans l'obscurité, dans une moitié qui n'est jamais baignée dans la lumière d'Aion. Son père lui a raconté que ces années dans l'obscurité les ont transformés : des griffes ornent maintenant leurs mains et leurs pieds, leur peau est maintenant colorée d'un violet pâle à un bleu pastel, une crinière court tout le long de leur colonne vertébrale et leurs yeux rougeoient de haine telles des flammes.
Pourquoi Aion aurait-il abandonné la moitié de ses enfants ?
Une question malheureusement sans réponse et sa réflexion basée sur quelques livres et les maigres récits de son père ne peut de toute façon pas être très productive.
Il arrive près de ce dernier, qui a bien du mal à soulever ne serait-ce qu'un seul sac.
— Laissez, je m'en occupe... déclare le jeune homme qui prend des mains le sac en toile de jute, qui doit bien peser une vingtaine de kilos, comme un rien.
— Merci mon garçon, je vais reposer mes vieux os. Tâche de tout charger sur la charrette rapidement, j'aimerai faire un voyage jusqu'à Akarios avant le souper.
— Oui père.
Sur ces mots, le brun s'attèle à charger trois par trois les sacs de grain issus de leur dernière récolte. Leurs céréales sont très prisées dans tout Elysea pour confectionner l'un des meilleurs pain qui soit. Ceci pose d'ailleurs une autre question au garçon de ferme : comment font les Asmodiens pour se nourrir ? Ici, à Poeta, le climat s'apparente à un été éternel alors ils peuvent produire beaucoup de grain, toute l'année. En partant de ce simple constat et avec ce qu'il sait de ces gens, il ne peut qu'imaginer un peuple misérable qui se transforme lentement mais sûrement en troupeau d'animaux sauvages. Peut-être sont-ils déjà des bêtes assoiffées de sang...
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Aion & la Tour de l'Eternité - Tome 1 : Entre deux mondes
FanficAtréia, berceau de l'humanité jadis prospère et paisible, n'est plus aujourd'hui qu'un monde brisé et ravagé par la guerre. Le conflit qui unifia autrefois tous les humains sous une même bannière, guidés par leurs Seigneurs Empyréens champions du di...