Prologue

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DARREN —

Plus rien ne m'attend.

C'est ainsi, lorsqu'on brise l'ordre des choses ; il n'y a plus de salut possible. Plus de seconde chance. Plus de rédemption.

Enfin, je comprends. Enfin, mes yeux s'ouvrent. Enfin, mon cœur se tait.

Me laissant apprécier le silence.

Ces derniers temps, je me rends compte qu'il n'a fait qu'imposer son chant, toujours plus fort, toujours plus sentencieux.

Boum. Boum. Boum.
Écrasant tout sur son passage.

Pas une seule fois je n'ai fait attention à celui de la fille devant moi. Même alors que tous les signes étaient sous mes yeux, je n'ai jamais essayé de comprendre.

Il est trop tard, désormais.
Trop tard pour tout, trop tard pour nous.
Je suis allé trop loin pour ne serait-ce qu'avoir l'espoir de remonter la pente.

Et quand on touche le fond de l'abîme, tout ce qui nous reste à faire, c'est s'y installer...

Le cœur est une machine étrange et capricieuse. Il n'y a pas si longtemps, j'ai cru que si je brisais celui de quelqu'un, il me suffisait de coller de vulgaires bandages et déposer un baiser sur la plaie sanguinolente pour que tout revienne dans l'ordre. J'ai cru qu'il était facile de redresser ce qui avait été troublé, que l'on pouvait effacer des erreurs aussi graves d'un coup de chiffon.

J'ai été idiot.

Mon idiotie a le prix de la plus grande de mes tentations. De la pomme que je rêve de croquer depuis que je suis gamin. Mon péché a le goût de sa peau ; ma damnation l'odeur enivrante de son parfum.

C'est fini.

Mon père prétendait qu'il y avait toujours quelque chose à sauver. À soigner.

Et il n'est même plus là pour que je lui montre à quel point il s'est trompé.

Je ricane, mais le son de mon rire est comme du verre cassé qui me lacère de l'intérieur.

Il n'y a plus rien à sauver, puisque je m'en suis personnellement occupé. Il ne reste que Saska et moi, et la seule chose que je puisse faire pour lui permettre de s'en sortir avec le moins de séquelles possible, c'est répondre de mes actes.

— Pars.

En prononçant ces mots, je sais que je ne la verrai certainement plus. Je sais qu'elle pense que partir serait m'abandonner avec mes démons, qu'elle pense m'aimer.

Mais ce n'est pas ainsi qu'on aime. Personne ne mérite d'aimer à genoux.

— Pars. Je ne me répéterai pas.

— Darren...

La pitié dans ses yeux me brûle si fort que je recule dans mon siège. J'avale une gorgée d'alcool avant de dire quelque chose que je pourrais regretter. Comment lui faire comprendre que si mes démons finissent par me vaincre, c'est certainement parce que je l'ai mérité ? Que je ne mérite pas qu'elle se ruine pour moi ?

Avant que je n'aie l'occasion d'ouvrir la bouche, son visage enfle de colère, et elle est de retour. Vindicative. Exigeante. Assurée comme si ce putain de monde lui appartenait, et je me demande où trouver la force de lui résister. Où trouver la force de ne pas la prendre dans mes bras et lui promettre d'être toujours là pour elle. Où trouver la force de ne pas nous enterrer dans le cimetière de notre amour.

Ce n'est qu'une question de temps avant que les larmes dévalent ses joues. Avant qu'elle ne commence à me haïr.

Je serre les poings.

Ça en vaut la peine.

Du moins, il faut que ça en valle la peine, parce que je ne me le pardonnerai jamais si ce n'est pas le cas.

Quelques secondes passent avant qu'elle ne comprenne que c'est vraiment fini, qu'elle ne peut pas me manipuler cette fois. J'essaie d'esquiver son regard, mais je réalise que ce n'est pas ainsi que je veux qu'elle se souvienne de moi : comme un lâche. Je veux qu'elle voie que je ne suis pas effrayé par la puissance de nos sentiments, que je n'ai pas peur de notre déviance. Les Dieux seuls savent ce que je donnerais pour pouvoir embrasser véritablement la passion qui pulse sous ma peau, mais ce ne serait pas le bon choix. Je le sais.

J'essaie de canaliser tout cela dans mon regard, de lui faire comprendre que l'un de nous devait prendre cette décision. Que rien ne pourra jamais la retirer de mon esprit, mais que je mourrais à petit feu si je devais être la raison de son mal-être. Je n'ai que des flammes et de la désolation à lui offrir. Elle mérite plus.

Tellement plus.

Saska n'a jamais vraiment été à moi ; je n'ai cessé de la perdre, de la revendiquer pour mieux l'abandonner.

À. chaque. putain. de. fois.

Et si on a passé toute notre vie à se manquer, c'est sûrement que nous ne sommes pas faits pour être ensemble, n'est-ce pas ?

— Tu ne peux pas...

Sa voix se brise en plein milieu, mais je ne flanche pas.

Il faut bien que l'un de nous soit fort pour deux, n'est-ce pas ?

— Je le dois, Saska.

Le pire, je crois, c'est qu'elle le sait. Elle sait que c'est voué à l'échec ; que notre union fait plier et brise tout ce qui mérite de vivre. Pourtant, elle persiste. Elle essaye de donner un sens au chaos que nous avons semé. Ou peut-être pense-t-elle que nous pouvons changer. Que nous pouvons trouver la porte de secours.

Mais je n'ai jamais connu la paix. Elle n'a jamais marché près de mes sentiers. Je n'ai jamais senti sa brise apaiser mes pensées. Mes cris. Mes peurs.

Lorsque j'ai péché pour la première fois, par lâcheté, je l'ai payé de mes rêves. Depuis, je n'ai plus jamais vraiment dormi.

Quand j'ai péché la seconde fois, par le feu, mon esprit s'est transformé en un énorme brasier.

Et la dernière fois que j'ai plongé mon âme dans la décadence, par pure jalousie, j'ai perdu tout ce que j'avais. L'amour. Le respect. L'affection. La quiétude.

La paix n'est pas un concept que mon esprit maîtrise. Depuis le jour où Saska m'a insufflé son poison dans les veines, je n'ai jamais arrêté de réfléchir. Encore et encore, jusqu'à trouver un moyen. Une ultime solution pour me sauver, nous sauver de nos péchés.

S'il y en avait une, je l'aurais trouvé.

Elle m'a laissée l'aimer avec des larmes, du poison et des belles paroles, parce qu'elle n'a jamais connu que ça. Je l'ai laissé m'aimer avec des mensonges, des roses piquantes et de la toxine, parce que c'est tout ce que je croyais mériter. On n'aime pas avec des larmes et des coups de couteau ; on aime avec des sourires, avec des actes. Si j'avais su le faire, j'aurais été le plus heureux des hommes en cet instant.

Mais nous n'avons qu'une chance. Rien qu'une.

Et j'ai gaspillé la mienne.



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hello !
j'espère que vous allez bien ^^
Quelles sont vos pensées sur ce prologue ?
Vos premières impressions sur Darren ?
Je vous retrouve bientôt pour le premier chapitre 🤎


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RUSSIAN ROULETTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant