Pas de répit pour les pécheurs... (2)

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Après tout, certaines choses ne changent jamais. 

Même quand parfois elles devraient s'effacer pour votre propre bien,  elles ne le font pas. Peu importe le temps ou les circonstances, elles restent ancrées sous votre peau, presque dans votre ADN, à attendre patiemment. Lorsque le choc arrive, les réflexes s'éveillent. S'exécutent. La mémoire du corps reprend le dessus, la réflexion s'éclipsant du processus. En un rien de temps, vous avez rechuté. 

Avant de savoir ce qu'était vraiment la dépendance et de l'expérimenter par moi-même, j'ai toujours considéré les junkies comme faibles. Lâches. Mais il y a quelque chose de terriblement jouissif à vivre ce phénomène. D'un coup, toutes nos barrières tombent. Tout semble enfin reprendre son cours. Un sentiment de liberté et de plénitude nous frappe d'un coup, l'adrénaline prenant nos veines d'assaut, brouillant tout le reste. 

C'est sûrement pourquoi il nous est aussi facile d'oublier ce dans quoi l'on retombe. 

Saska. La plus toxique de mes dépendances. Et pourtant je crois que je ne cesserai jamais de retourner vers elle. 

Même si je voulais m'arrêter et faire demi-tour, je n'y arriverais pas. Elle est en danger. Elle a besoin de mon aide. Elle m'a appelé. Comment pourrais-je ne pas y aller ? Ces trois faits me lient, corps et âme. C'est aussi simple que ça.

Je réfrène la panique qui monte et me concentre. Charge mon arme cachée dans le compartiment secret de ma boîte à gants.

La voir va me dévaster. Trop de sentiments, trop de souvenirs, trop de tout. Si seulement je trouve la force de la laisser partir une  fois, elle hantera mon esprit pour les prochains mois. Peut-être même les prochaines années. Ce serait mieux pour nous deux qu'on ne se voie pas. Que j'appelle son frère - qui saura mieux que quiconque gérer la situation. Mais je ne peux — veux — pas, et je n'ai même pas d'explication pour cela. 

Le cœur a ses vices que la raison ignore... 

J'ai fait du mal à Saska autant qu'elle m'en a fait — sinon plus — et j'ai juré sur tout ce que j'ai de cher que je me tiendrais à distance de sa personne. Autant pour la préserver que pour avoir une chance de gagner mon salut. Mais bien avant, j'ai aussi promis d'être là. De ne jamais laisser personne lui faire de mal. Cette promesse innocente a détruit ma vie, mais je ne peux pas me résoudre à la briser. Les hommes de ma famille n'ont qu'une parole. 

Néanmoins, je ne peux pas me laisser perdre le contrôle. Je peux accepter de rechuter, mais pas de revenir là ou j'étais auparavant. Pas si profond. Je ne peux pas abandonner mon âme pour Saska. C'est pourquoi je canalise du mieux que je peux la colère qui bout en moi. J'essaie de respirer et de prioriser, mais je n'y arrive pas. 

Elle est enfermée. En état de choc. Peut-être post-traumatique. Terrifiée. J'ai laissé le téléphone sur haut parleur — je mourrais si quelque chose arrivait avant que je ne sois là — et elle n'a pas arrêté de gémir de douleur dans le combiné. Elle me supplie de venir la chercher, avant qu'il n'arrive. Elle me supplie de la sauver de lui. 

Une main de fer se resserre autour de mon cœur et j'accélère. L'adresse qu'elle m'a indiquée n'est plus très loin. Une simple maison de ville. Pas de surveillance, elle m'a dit. Juste les serrures qui l'empêchent de s'en aller. 

Quelqu'un l'a enfermée. 

L'a sûrement blessée. 

Dieux...

Saska est forte, mais la personne que j'entends... Elle est brisée. 

Ce n'est pas ta faute. Ce n'est pas ta faute. Ce n'est pas ta faute. 

RUSSIAN ROULETTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant