2 - Ahriman's Seraph

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« Rajan...

Lorsque je laisse tomber mon buste vers le bas, pendu par les jambes à un arbre, mes cheveux frôlent les épaules de l'Infirmière Blome.

— Oh, salut Cajsa.

Je me rattrape à la branche, et descends par le tronc.

— Je ne t'avais jamais vu les cheveux détachés, Rajan. Je ne savais pas qu'ils étaient si longs...

Jusqu'à ma taille, oui. Plutôt courant dans mon pays d'origine, très peu ici à Åland.

— C'est interdit d'avoir les cheveux détachés dans les bâtiments de la garnison, et dans les situations où je dois avoir mon uniforme, aucun cheveu ne doit dépasser de mon crâne, d'où les chignons très serrés. Mais c'est dans ma culture, il est mal vu de se les couper.

— Pourtant, sur toutes les gravures que j'ai pu voir de lui, Arun de l'Ocre a les cheveux courts.

— Le Président Arun de l'Ocre ne respecte que les traditions qu'il accepte. Je ne dis pas que c'est un mauvais président, mais il a tort sur beaucoup de choses.

Je m'assois à côté d'elle contre l'arbre, dans l'herbe du jardin de la caserne.

Un grand espace vert, vraiment très large. Il y a même un labyrinthe de haies, quelques statues de marbre un peu partout, une fontaine à eau et de grands rosiers. Les gars d'ici aiment se promener le long des sentiers de graviers blancs avec les infirmières qu'ils courtisent ou toute femme qui a une autorisation temporaire de séjourner à la caserne. Ils sauteraient sur n'importe qui, d'où les quelques curieux qui se croient discrets à observer Cajsa qui parle à un autre homme. Moi.

— Qu'est-ce que tu faisais, perché à cet arbre ?

— Je faisais des abdos, pardi. Ce n'est pas la manière la plus efficace d'en faire, mais c'est tellement plus marrant comme ça !

Je fais preuve de pudeur, pour une fois, et lui cède de m'attacher les cheveux. Rien que pour ses beaux yeux. Cajsa, elle, ingrate de la noblesse de mon geste, dépose un livre sur mes genoux. Elle désigne de l'index un dessin sur une des pages.

— J'ai trouvé cet ouvrage dans la bibliothèque, et il mentionne une fleur dont je n'ai jamais entendu parler. Puisque tu es le plus grand expert que je connaisse, je me suis dit que tu pourrais peut-être me renseigner.

— Oh, bien sûr. C'est une palāśa. C'est une plante médicinale, elle est sacrée pour les Hindous. Qu'est-ce que tu veux savoir dessus ?

— Tu es hindou, Rajan ?

Je ne sais pas comment Cajsa est devenue infirmière ici, dans la garnison Örn, alors qu'elle aurait pu faire bien d'autres choses. Elle est cultivée, instruite, et désireuse d'apprendre. Elle s'intéresse à beaucoup de choses, tout en prenant toujours soin de préserver ses pairs. Cajsa est jolie, aussi, avec sa longue tresse toute rose, sa peau pâle cramoisie sous ses yeux et ses lèvres en cœur, et ses yeux agates qui scrutent mon visage sous de longs cils fins.
Les demi-sels de chez moi la vendraient cher.

Je pense que ce que les mecs aiment chez elle, ce sont ses seins ronds qui tendent le tissu du tablier de sa robe, ou ses cuisses dodues que l'on devine par le mouvement de ses jambes contre sa jupe. Je suis sûr que même ses chevilles, enfermées dans ses bottines, sont objets d'attraction. Moi, ce que j'aime chez elle, c'est qu'elle sèche toutes les fleurs que je lui offre pour me demander de les accrocher dans ses nattes. Et aussi qu'elle me prend la main quand je lui conte des histoires sur les pays lointains.

— Non, je ne suis pas hindou. Harshad l'est, mais pas moi. Tous les Indiens ne sont pas hindous, tu sais.

— Oui, je sais., rit-elle. Ils sont aussi bouddhistes, et musulmans ! Entre autres...

Ropes and InkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant