27 - Carpet burn

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                   « Bien dormi ?

J'éclate de rire, au garde à vous.

— Oh, mon Général, il y a des années que je n'avais pas aussi bien dormi !

Il rayonne. Le soleil hivernal fait briller une aura blanche tout autour de ses vêtements, ses yeux bleus ont troqué les cicatrices de fatigue qui les entourent d'ordinaire contre des joues peintes de davantage de vie, une jolie couche cramoisie du repos de la nuit passée.

— Vous avez bien de la chance. Mes courbatures me torturent.

— Désolé, mon Général !

J'ai dormi sur le Général, avec ma joue sur son torse et sa main dans mon dos, croyez-moi que rien au monde ne me fera regretter cela.

Pas même ses mensonges.

— Tenez.

Il fait glisser un sachet de coton jusqu'à moi, sur le bois ciré de son bureau.

— C'est pour moi ?

— Oui, soldat. Vous m'avez offert un pull, sans mon accord, et je hais être redevable à qui que ce soit. Prenez donc cela en échange.

Je m'en saisis, tout guilleret.
Au poids et à la texture, lorsque je palpe le tissu, je devine :

— Des graines de lavande, emblème floral national du Portugal, pas vrai ?!

— Je dois avouer être impressionné par votre déduction, mais oui, c'est correct.

— Merci, mon Général !! J'en prendrai grand soin !!

— Comment se porte la salacia ?

— Elle n'a pas encore fleuri, mon Général ! Je vous emmènerai la voir quand ce sera le cas !

— Très bien. Oh, et vous pouvez rompre.

Je me défais de mon salut militaire et vais m'affaler sur le sofa, — celui où on a dormi~...

— Dites, mon Général, est-ce que vous avez des amis ?

— Non. Je n'ai pas d'amis.

— C'est triste.

— Ça n'est triste que dès lors que l'on considère que l'amitié est indispensable au bien-être. Ce n'est pas mon cas.

— Qu'est-ce qui est indispensable à votre bien-être alors ?

Il passe une main dans ses boucles angéliques, si désinvolte que je dois me retenir de hurler.

— Le bien-être n'est pas un mot que je choisirais pour me qualifier.

Moi je pense que je pourrais l'utiliser, pour moi.

J'aime plutôt bien ma vie.

Ce n'est pas toujours évident, mais je m'amuse bien, et je rigole beaucoup. C'est une existence qui me plaît.

— Vous avez eu des amis, mon Général ?

— Non.

— Jamais ?

— Jamais.

— Aucun ?!

— Non, aucun.

— Alors la personne qui vous manque, elle n'était pas votre ami ?!

— Non. Pourquoi vous passionnez-vous tant pour mon deuil, soldat Rao ?

Je soupire.

En vrai, je pense que c'était son ami.

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