𝐓𝐎𝐏𝐋𝐎𝐅𝐓𝐘,, 𝘬𝘢𝘪𝘴𝘦𝘳 𝘹 𝘳𝘦𝘢𝘥𝘦𝘳

- 𝐮𝐧𝐥𝐮𝐜𝐤𝐲 𝐛𝐫𝐞𝐚𝐤 -

— Aaah, j'ai bien mangé !

Repus, Alexis se laissa aller contre le dossier de son siège et promena son regard. Son observation déclencha une conclusion inébranlable, ces deux amis étaient partis et n'avaient pas payé, ce qui signifiait que l'une des quatres personnes restantes devrait le faire pour eux.

Aussitôt ces méninges se mirent à travailler et il décida, lui aussi, d'y échapper. Prétextant un passage aux toilettes, il fila en laissant aux autres le soin de payer l'addition qui promettait d'être salée.

•••

— Aah, mais où ont-ils bien pu aller ?

Le mauve traversait à une allure cadencée les ruelles en guettant les frimousses de ses deux amis, quand enfin son regard s'accrocha à l'orange vif du tee-shirt de Y|N. Un sourire malicieux s'étendit sur son visage, le fendant d'une oreille à l'autre. A pas de loup et en grandes enjambées, il se rapprocha, prenant bien garde à rester silencieux. Ses deux cibles étaient appuyées contre un petit muret en pierres d'ardoises qui leur parvenait à peine au bas du dos. Une faible distance séparait leurs têtes tournées vers l'autre et ils semblaient lancés dans une nouvelle et interminable chamaillerie.

— De vrais gamins, susurra Ness alors que lui même ne volait pas très haut sur le baromètre de la maturité.

Un mouvement de Michael capta son regard, là, la main du blond se déplaçait avec une lenteur teinté d'hésitation sur le petit muret. Alexis étouffa difficilement un rire et continua à avancer, bien décidé à freiner les pulsions de son ami. A tout les coups il allait encore faire une bêtise, se justifia mentalement Ness avant de sauter derrière leur dos et d'entourer leurs épaules de ses mains, interrompant ainsi la tentative de Kaiser qui lui jeta un regard noir clairement traduisible par "je te tue plus tard".

— Coucou les amis, ça raconte quoi ?

— Cet imbécile critique encore mes goûts.

— Tu rigoles ? C'est toi qui a commencé je te rappelle, s'offusqua Kaiser.

— Des glaces ? J'en veux aussi !

— Tu n'as qu'à aller t'en acheter une, observa Y|N en protégeant son cône.

— Oui Ness, va t'en payer une chez le marchand à six cents mètres d'ici, et pourquoi ne pas aller faire un tour plus loin après tant que tu y seras ?

— Oh ! Je vous dérange ? Tu préfères la garder rien que pour toi, c'est ça, Mich' ? Que c'est égoïste, Noa ne serait pas très content... enchaîna-t-il avec une moue angélique. Pas de bol mon pote, c'est ma pote avant d'être la tienne... Je te la pique !

Alexis enjamba le muret d'un saut et attrapa la main de la H|C. Avant qu'aucun des deux ne comprennent ce qu'il se passait, Ness avait emporté Y|N loin du blond. Le mauve avait définitivement signé son arrêt de mort mais qu'importe, il le referait cent fois s'il le fallait pour revoir la tête que son ami avait tiré lorsqu'il avait embarqué sa crush.

— Ness ! se réveilla son amie en tirant sur sa main après s'être brusquement arrêté.

— Oui ?

— Beh ? eh ?

Y|N semblait incapable d'articuler une phrase cohérente, elle se contentait d'agiter ses mains un peu dans tous les sens, désignant tantôt Alexis, tantôt la rue qu'ils venaient de traverser.

— Me dis pas que tu voulais rester avec le saccageur de milkshakes ?

La réaction ne se fit pas attendre, elle rougit et lui donna un coup dans l'épaule.

— Ooh ma meilleure copine est amoureusee !

— Ta gueule, Ness, s'affola la jeune fille en lançant des regards nerveux autour.

— Quoi ? T'as peur qu'il m'entende ?

— T'es insupportable

•••

Kaiser était tellement incrédule qu'il mit de nombreuses secondes avant qu'une fureur mêlée à une touche de regret ne remplace son précédent sentiment. C'était le moment idéal, il l'avait senti, elle ne l'aurait pas repoussé il en était persuadé. Et il avait fallu que ce boulet débarque à cet instant précis et fiche en l'air ses espoirs. Pour la première fois de sa vie, Michael Kaiser avait hésité à faire le premier pas, pour la première fois de sa vie, il avait ressenti une légère pression, un petit coup de stress accompagné d'un et si.

Mais il était passé outre, il s'était décidé et voilà que cet imbécile détruisait ses efforts à néant. Si Alexis ne lui était pas si utile sur un terrain ou s'il ne semblait pas autant compter pour Y|N, il ne faisait aucun doute qu'il l'aurait d'hors et déjà liquidé. Mais marché oblige, il devait se tenir à carreau et passer par dessus s'il ne voulait pas que ce cafteur répète tout à Noa.

Vaincu, le blond les regarda s'éloigner jusqu'à ce qu'ils franchissent les limites de son champ de vision. Il retourna ensuite à pas lent au complexe du Bastard München, un air songeur gravé sur son visage angélique.

•••

— Que t'arrive-t-il, Kaiser ?

Ledit Kaiser releva ses yeux quelques instants plus tôt plongés dans la contemplation du parquet pour les rencontrer avec les pupilles anthracites de son maître.

— Rien, bouda le blond, les reste de sa fierté l'empêchant d'avouer ses tourments.

Noa fronça ses sourcils et après un petit soupir il vint s'assoir en face de Michael.

— Inutile de mentir. Ca se voit comme le nez au milieu de la figure. Je suis plutôt satisfait de tes efforts, si quelque chose te perturbe, c'est aussi mon rôle de t'aider à y remédier.

— Et en quoi tu pourrai m'aider, Noa ? Et puis ça ne te regarde pas et j'ai pas besoin de conseils je suis assez grand, rétorqua ironiquement l'attaquant.

— J'ai été jeune, Kaiser, et crois le ou non, je n'étais pas si différent de toi à cette époque.

La curiosité de Michael s'éveilla à ses propos, Noa ? Comme lui ? C'était assez dur d'imaginer ce gaillard inexpressif en fêtard rebelle.

— Alors là, j'ai du mal à te croire.

— Moi aussi, j'ai fait n'importe quoi, l'ignora le blanc en poursuivant sur sa lancée. Mais il y a un temps pour tout, Michael, celui pour les bêtises et l'insouciance et celui pour le sérieux et le développement de soi. Dis moi, Kaiser, où en es-tu ?

Le garçon resta muet quelques minutes, ce devait être le plus long discours que Noa ait jamais prononcé et il prit le temps de méditer ses paroles. Après tout, Noa ne parlait jamais pour rien, c'était un homme à la sagacité remarquable qui ne s'exprimait que pour délivrer de précieux messages.

— Je suppose que je suis quelque part entre les deux, répondit-il finalement.

Si Noa lui avait posé la question une semaine plus tôt, la réponse aurait été évidente pour tout le monde, mais maintenant... Maintenant il ne savait plus exactement, il avait changé en si peu de temps. Son comportement était davantage réfléchi et il ne se laissait plus détourner de ses objectifs par les jolies filles qui lui lançaient des sourires aguicheurs. Sa façon d'entrevoir le monde et ses différents aspects avait sensiblement évoluée et avait, sans qu'il n'en prenne conscience, influé sur lui.

— Sachant cela, que comptes tu faire ?

Kaiser observa son mentor d'un œil neuf, ce n'était pas comme s'il le considérait d'un coup comme son ami, mais après tout peut-être devait-il mettre de côté la méfiance qui l'avait toujours guidé lorsqu'il s'adressait à lui. Il n'avait qu'à essayer, rien qu'une fois, ça ne le tuera pas de toute façon.

— Qu'est-ce que je devrai faire, d'après vous ?