Chapitre 15 : Jeté dans l'arène

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Qu'est-ce qu'il y a derrière la barrière ?

Cette question enfantine, presque innocente, avait depuis bien longtemps quitté les pensées de Kale. A Venatio, le monde s'arrêtait aux clôtures qui protégeaient le quartier. Immenses paravents de bois surmontés de barbelés, le seul signe de l'extérieur étaient ces ronces qui jetaient leurs épines vers le ciel. Sortir, regarder ou ne serait-ce que poser des questions quant au monde du dehors était inutile. On savait. On savait que par-delà les clôtures, existait un monde sauvage et cruel. Ainsi, Kale n'avait jamais souhaité rien d'autre que ce qui se trouvait en ces murs.

Le soleil s'était levé depuis un moment déjà, mais il perçait tout juste derrière la barricade. Enfant, Kale regardait ce spectacle avec angoisse, terrifié que la barrière ait pu céder pendant la nuit et que le monde extérieur se tienne à sa porte. Mais depuis dix-huit années, il était protégé par Venatio. Et aujourd'hui, son existence prenait sens. Aujourd'hui, il allait enfin pouvoir remercier son quartier pour tout ce qu'il lui avait apporté.

« Kale ! Wima t'attends. »

Il sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Le jeune homme s'arracha de l'astre ascendant et dévala les escaliers. En bas, l'attendaient ses deux parents, ainsi qu'une jeune fille aux cheveux noirs et aux yeux en amande. Un immense sourire illumina le visage de Kale. 

« Qu'est-ce que tu fais ici ? »

- Je viens partager un bout de chemin avec toi. T'es une vraie star maintenant, je pourrai même pas te parler quand tu arriveras devant l'arène. »

La fierté gonfla la poitrine de Kale. Il était l'élu, le trente-quatrième. Le prodige qui allait une fois de plus prouver leur supériorité. A chaque solstice d'été se tenaient les jeux. Cet évènement autour duquel gravitait la vie du quartier rassemblait tout le monde dans l'arène, édifice de pierre blanche bâtie en plein centre. On y célébrait l'honneur, la bravoure, l'entraînement mais surtout, la pureté d'une existence sans pluralité de forme.

Toute sa vie, Kale ne l'avait vécu que pour cet instant. Depuis sa plus tendre enfance, avec les autres de son âge, il était éduqué dans l'espoir que lui revienne cet honneur. Les instructeurs veillaient à ce que chacun sache lire, écrire, compter. On transmettait les connaissances de l'ère humaine mais aussi, chaque élève apprenait à se battre. L'art martial prenait la moitié de chacune de leurs journées.

« Ce sera ton tour l'année prochaine, t'inquiète pas. » Rit Kale, sautant la dernière marche pour passer un bras autour des épaules de Wima.

Elle était comme son ombre, son bras droit, son double. Toujours ensemble, ces deux-là ne restaient jamais bien longtemps loin de l'autre. Plus que des partenaires d'entraînement, ils partageaient tout : leurs valeurs, leurs joies, leurs peines, leurs secrets.

D'une année la cadette de Kale, Wima était la prochaine à candidater pour les jeux. Elle lui accorda une œillade suffisante et se dégagea de sa prise.

Après une étreinte chaleureuse et quelques encouragements, Kale quitta ses parents et ainsi sa maison. Un petit sourire lui creusa la joue, car pour la première fois, il ne les accompagnerait pas dans les tribunes. Les deux jeunes gens s'éloignèrent sur les pavés de la rue. Tout ici, et en particulier pour ce jour spécial, était entretenu, propre, taillé. Kale ne put s'empêcher de détailler une dernière fois sa maison du regard.

« Fais pas ton nostalgique, railla Wima. Tu devrais plutôt regarder vers l'avenir. »

Un sourire timide teinta le visage de Kale.

« Je sais mais... Je fais une croix sur ma vie d'avant. C'est terminé tout ça, à mon retour, j'aurais ma propre maison. 

- C'est vrai. Je vais devoir t'appeler Monsieur pendant un an avant de gagner à mon tour. »

Legend of Shapeshifters (T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant