La nuit noyait une départementale à proximité de Langon en Nouvelle-Aquitaine. Deux silhouettes occupaient le sommet d'un poids lourd avec remorque renversée. On discernait avec peine un homme en blouson moto enlaçant une femme en veste tailleur. La pénombre nocturne assombrissait les alentours. Du sang s'écoulait sur les joues, la barbe naissante du trentenaire. Le casque l'avait protégeait de la chute, mais pas totalement son visage de l'explosion de produit inflammable. Il ressentait entre ses bras l'inquiétude de l'inconnue rencontrée peu après l'accident entre une voiture de sport et un véhicule de transport. La rouquine aux cheveux mi-longs tremblait de peur. La fraîcheur de la tôle sous ses pieds nus lui faisait rechercher la chaleur de son sauveur. Le motard peinait à garder l'équilibre malgré ses bottes à semelles épaisses.
Grégoire se remémorait le sauvetage ! Il l'avait hissée hors de sa voiture par la vitre passager. Ce fut à ce moment qu'il avait entendu, les cris, les gémissements provenant de l'est. Ils avaient au préalable remarqué les automobilistes se faufilant entre les voitures à l'arrêt. Ce fut ensuite les hurlements de douleurs, les lacérations des victimes par des silhouettes ensanglantées ! Grégoire avait immédiatement réagi en empoignant la dame pour prendre la fuite. Il ne croyait pas aux morts-vivants, mais leur existence ne faisait pas l'ombre d'un doute.
Il distinguait en contrebas les mouvements tels des vagues sur un littoral nocturne ! Seuls les gémissements confirmaient la présence mortelle. Tout le monde connaissait les morts-vivants, mais personne ne souhaiterait réellement les côtoyer ! Grégoire regrettait amèrement sa participation aux courses urbaines de motos. Sans cela, il n'aurait jamais emprunté cette route. Le destin se vengeait-il de ses excès de conduite ? L'absence quasi totale de mobilité, de vison le faisaient tanguer.
La femme sentait bon, il huma la douce odeur de mélange d'agrumes, canne à sucre, orchidée. Aurait-elle toléré sa présence en temps normal ? Peu probable ! Elle puait la haute société.
Le motard avait une capacité d'adaptation incroyable, toute son attention était entièrement dévouée au charme de la femme. Il l'empoigna aux épaules pour tenter de la rassurer.
— Ne vous inquiétez pas, nous sommes à l'abri. Nous ne...
— Ils vont nous tuer, hurla-t-elle en le repoussant. Nous allons mourir. C'est horrible. Je ne veux pas...
Les cris redoublèrent l'excitation des morts-vivants qui frappèrent avec hargne le poids lourd. La dame trébucha en arrière pour battre des bras afin de rattraper son équilibre. Une explosion subite éclaira le sol sur une large superficie. Grégoire découvrit avec horreur une horde de centaines de zombis les entourant à perte de vue ! Il aperçut avec satisfaction un monospace renversé contre le poids lourd. Un break avait enfoncé son capot dans les portes-arrières. Deux voitures étaient collées l'une à la suite de l'autre du véhicule allongé. Il aperçut quelques mètres en arrière une moto cross avec démarrage au kick. Les zombis étaient agglutinés autour en laissant un accès possible de fuite grâce au véhicule deux roues tout terrain.
Il prit immédiatement sa décision ! Le motard bouscula violemment la dame pour la projeter dans une foule la réclamant. Elle hurlait de douleur en l'insultant que Grégoire bondissait sur le monospace. La position le mettait hors d'atteinte des morts-vivants, mais il devait rester sur ses gardes. Il courut sur le break en se concentrant sur les derniers véhicules. Il glissa dangereusement sur le côté gauche, mais parvint à stopper sa chute en empoignant la vitre passager avant. La dame hurlait encore de douleur en disparaissant totalement sous les mordeurs. Aux grands maux les grands remèdes !
Le film fut mis en pause sur le motard se relevant.
— Tous les mêmes, s'exclama une voix féminine.
Le volet coulissant presque entièrement descendu ne laissait passer qu'un faible quadrillage de lumière du soleil. Une femme était étendue sur le canapé, le repose-pied en tissus, sa peau suintait à grosses gouttes. Elle n'était habillée que d'une culotte trempée de sueur, d'un tee-shirt court.
Les glaçons crépitaient dans l'eau aromatisée à la citronnade. Le verre transpiré sous l'excessive température de la pièce approchant les quarante degrés Celsius. Le ventilateur crachait de l'air à peine moins chaud que celui du salon. Elle passa les doigts dans la chevelure humide de transpiration pour la faire aérer. Ça n'eut pas le but escompté, mais inspira le dégoût avéré de la situation. Dans le meilleur des mondes, elle aurait tressailli sous la fraîcheur de la climatisation de la demeure parentale à Saint-Tropez ! Là, elle ressemblait à une clocharde. Elle prit appui sur son coude pour se lever. La désagréable odeur de transpiration lui fit plisser les narines de dégoûts.
Stella piétina avec douleur le rebord d'une soucoupe en bois contenant des restes de coquilles de pistaches. Elle était parvenue à économiser le moindre centime nécessaire pour acheter cent cinquante grammes pour quatre euros dix ! Mon Dieu, que c'était cher ! Le pack de six bières à huit euros soixante-dix étaient assez excessifs, mais 6,8 degrés d'alcool lui permettrait d'oublier un court instant sa misérable vie ! La situation était assez comique, elle avait fréquenté les plus grandes boîtes de nuit, les casinos les plus célèbres, les soirées mondaines, sans n'avoir jamais payé la moindre boisson ! Certains prétendants étaient prêts à débourser dans la soirée le salaire mensuel d'un revenu minimal d'insertion.
Elle relança le film.
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Zombie
TerrorRenoncer ou accepter ? On reprochait à Stella d'avoir choisi l'amour au détriment de sa fortune familiale. Elle luttait désormais pour rester financièrement à flot ! Et si ce désarroi n'était que le début ? Si même la mort lui refusait ses droits ...