Chapitre 5

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« Prenez soin de vous ma Sœur, ne parlez pas ».

La chute fut impressionnante pour moi. Les autres nonnes n'ont sans doute pas réalisé la gravité de la situation, probablement parce qu'il faut avoir vu, vécu et senti tant de ténèbres ou au contraire de lumière pour y parvenir.

« Il est encore là ».

Sœur Miriam souffle ces quelques mots en me regardant dans les yeux. Qui peut bien être encore là ?

« Je ne comprends pas, ma sœur.

— Celui dont je vous ai protégé. Il est forcément là ».

Sans que mon cerveau n'ait le temps de correctement assimiler l'information, mon corps réagit et, conséquemment, avec lui, l'épée. Je sens des larmes couler le long de mes joues, sous les chocs multiples. L'épée, déjà très active, commence à laisser échapper ses amas quasi-solaires. Sœur Miriam reprend son souffle et me dit d'une voix douce :

« Allez-y. Je vous ai promis. Tout ira bien. Poursuivez-le ».

J'ignore totalement pourquoi mais les mots de cette religieuse encore inconnue il y a quelques minutes me bouleversent. Elle m'a protégé et je me sens investi d'un devoir monumental : accéder à son vœu. Je me relève, arrache l'épée croissante de mon cou et laisse pleuvoir mes dernières larmes sur le pommeau.

Sans regarder derrière moi de peur de continuer à laisser couler les orbes salés qui rendraient mon arme bien trop grande pour un homme, je m'engouffre dans les pièces suivantes. Elles sont vides. Sœur Miriam a raison. Elles ne devraient pas l'être. Si plus personne n'est ici, c'est parce qu'il est là.

Trois, quatre pièces, et je ne croise aucune âme. Jusqu'au moment de me retrouver devant le sarcophage de Portonaccio. Une bataille sanglante y est figurée. Une présence se fait sentir. De derrière le sarcophage émerge une ombre ténébreuse qui me fait frémir. L'homme se retourne.

Il a mon âge. Il est du moins jeune. Il porte un costume noir, une cravate noire, une chemise noire. L'obscurité remonte le long de ses veines. Ses yeux sont rougis malgré des pupilles profondément noires. Il n'inspire que l'horreur.

« Tu n'as pas honte de te réfugier derrière une nonne ? me lance-t-il.

— Qui es-tu ?

— Tu sacrifies une nonne pour te protéger.

— Réponds, qui es-tu ?

— Mon nom importe peu. En revanche, si je te dis Abaddoh, je suis convaincu que tu comprendras ».

Je suis contraint de fermer les yeux. Ce mot. Je le connais. Je l'ai entendu. Il ne m'inspire que terreur et horreur. Je ne réponds plus de mes actes. Je dois simplement combattre. L'épée à la main, légèrement teintée de splendeur verte, je saisis la lame entre mes doigts.

« Je sais ce que tu comptes faire, Sacha.

— Tu m'épargneras donc de t'expliquer la suite des événements ».

A force de serrer, inévitablement, des perles ensanglantées commencent à ruisseler le long de la lame. Désormais, son incandescence est telle que mon adversaire ne peut s'empêcher de placer sa main devant les yeux.

« Je te laisse une chance. Pourquoi t'en prends-tu à moi aujourd'hui ?

— Parce que cette épée ne devrait pas t'appartenir.

— J'imagine que tu te penses plus légitime.

— Moi ? Non.

— Rends-toi au Vatican, alors.

L'Éclatante revanche du Protecteur (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant