Chapitre 18

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D'un commun accord, alors, j'ai demandé à Raiden et Tristan de me rendre visite demain matin, laissant ainsi mon appartement libre. Sœur Miriam et Sœur Raphaëlle pourront de ce fait y entrer sans difficulté, grâce à ma clef, et œuvrer tel qu'elles le souhaiteront dans ma chambre.

Que ce récit fut tranchant. Me rappeler les épisodes avec ces prêtres, l'un victime, l'autre sauveur, n'est assurément pas sain pour ma santé mentale. Allongé sur un lit d'hôpital bien davantage pour ma sécurité que pour mon bien-être, je suis contraint à la pensée, celle qu'on laisse défiler parce qu'elles s'imposent à nous.

Pourtant, puisqu'elle ne fait que se tourner vers ces épisodes si obscurs de ma vie, je préfèrerais l'empêcher d'être libre. Quel ignoble concept, parfois. Si je pouvais lui donner un cadre, un endroit pour évoluer, ma conscience éviterait peut-être de fouiller les mêmes scènes, de creuser les mêmes trous.

Ma mémoire est désormais complètement claire et sans tâche d'ombre. Je sais exactement ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu, ce que j'ai dit. Je m'en veux si souvent. J'ai péché par naïveté, pour une conviction qui n'en était pas réellement une. Ce sentiment ne me quittera probablement jamais.

La nuit me semble bien longue, parsemée de tous ces éclairs. Même en ayant éteint toutes les lumières, la blancheur de la foudre pénètre jusque dans ma chambre, qui n'est pas équipée de rideaux occultants. Je suis soumis à la pression du ciel qui m'envoie ses pulsions électriques.

De temps en temps, à cause des machines auxquelles je demeure branché pour justifier que je sois encore alité, un infirmier vient me rendre visite et contemple avec moi le spectacle offert par les nuages. Nous restons silencieux, parce qu'il a compris que parler serait vain, au moment où j'aurais dû dormir.

La perspective de revoir Raiden et Tristan n'est pas aussi enthousiasmante que prévu. Au fond, je crois que je n'aurais pas voulu croiser ces deux dimensions de ma vie. Chacun avait accès à une part de moi, à celle que je voulais bien lui montrer. Désormais, je dois assumer l'image que ces deux lumières me renvoient.

Dans un souffle, j'entends quelques mots. « Il dort ». Non. Mais vous pouvez partir, j'ai besoin de ma solitude physique, soudainement. Est-ce parce que je la recherche qu'elle m'échappe désormais ? En serait-il de même pour le sommeil ? Je l'ignore, puisque je sombre sans retenue.

Réveillé par le petit-déjeuner, je fais mine d'être grognon. Je me glisse dans la peau de ce personnage si spécial. Pire que la malade imaginaire, le patient qui sait délibérément qu'il n'est pas souffrant. Ou bien si peu : le cardinal continue ses investigations et pense que j'ai été affecté par le sort lancé au sein de l'église au Royaume-Uni.

Les sucreries terrestres me semblent bien insuffisantes face aux douceurs célestes observées la nuit entière. Ce matin, Rome est mouillée, placée sous un filtre digne des meilleurs miroirs. Si je ne l'avais pas déjà été, j'aurais été conquis par la ville éternelle. Ce serait tomber amoureux une deuxième fois.

Raiden se présente finalement seul. Avec trente minutes d'avance.

« J'espère que cela ne te gêne pas, je dois partir toute la journée ensuite, tu comprends... ».

J'ai l'audace de ne pas écouter la suite des explications de mon colocataire. Je suis simplement ravi que l'Église Catholique ait la journée entière pour agir. Non pas que je serais pressé de les savoir chez moi, mais je ne tenais pas du tout que Raiden croise la route des deux religieuses.

« Comment vas-tu, depuis ce temps ? lui demandai-je.

— Depuis ce temps ? Nous nous sommes vus il y a quatre jours, tu ne t'en souviens pas ?

L'Éclatante revanche du Protecteur (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant