11 - Visions spirituelles

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Notes de l'auteur : Avertissement de contenu - ce chapitre fait référence, plus qu'il ne les décrit, à des sévices sexuels.


Septième rouleau de Kaecilius

Quand je revins dans la chambre de Silvia, celle-ci avait disparu. J'ignorai si elle avait suivi mon conseil et avait quitté Alba pour de bon, ou si elle se cachait dans une des nombreuses pièces de la demeure familiale. Quand nous étions petits, elle disparaissait des demi-journées entières sans que je ne puisse la retrouver, ce qui ne manquait jamais de susciter en moi une angoisse sourde. Vingt ans plus tard, il m'était plus aisé d'ignorer ce sentiment, de chasser cette crainte qui ne disait pas son nom. Depuis son départ en exil, j'avais dû apprendre que ma sœur jumelle et moi étions deux êtres distincts, aux volontés contraires et contradictoires. Et si retrouvailles il y avait un jour, elles ne seraient que temporaires. Cet épisode venait de me donner raison.

Lao respirait encore. Sa peau, recouverte de sueur, était plus blanche que celle d'un cadavre. On aurait dit qu'il se trouvait aux portes de la mort. Comme il s'agissait d'une impression qu'il m'avait faite lors de notre première rencontre, deux jours plus tôt, je décidai de ne pas y accorder trop d'attention. Il s'éveilla quand je l'épongeai. Je lui racontai le remède que la Divine Alba avait prescrit. Les yeux mi-clos, il me dit :

« Qu'est-ce qu'ils t'ont donc appris, tes maîtres ? Tu n'es qu'une brute. Garde ton spiritus et laisse-moi mourir.

— La fièvre te fait délirer, remarquai-je, de mauvaise foi. Si je ne te sauve pas, la Divinité protectrice d'Alba me le fera cher payer. J'en suis certain. Maintenant, si tu as un conseil, c'est le moment de le partager avec moi. »

Quand il ouvrit ses yeux, son regard clair rencontra le mien. Il respirait de manière laborieuse. À sa place, j'aurais souhaité pareillement qu'on me laissât tranquille. Pour l'éternité.

« Imagine que... je suis une larve et... essaye de me tuer. Comme durant notre voyage.

— Ne sois pas ridicule. Je refuse de te laisser mourir. C'est un ordre, tu m'entends ?

— Imbécile, dit-il, avec l'ombre d'un sourire sur ses lèvres gercées. Repousse-moi avec ton spiritus. Au même moment... retire ton glaive. Fais-le sans ménagement.

— Mais tes blessures vont empirer.

— Je ne peux rien faire si tu es en moi, Matheus, extravagua-t-il.

— Reste avec moi, Démon, fis-je, saisi d'horreur. Ce n'est pas le moment. C'est moi, Kaecilius. Reprends-toi. »

Je frappai gentiment ses joues. Il voulut me repousser comme une mouche agaçante, mais ses bras retombèrent sur le lit, sans force.

« Tu n'es qu'une brute, Matheus, poursuivit-il. De la finesse avant toute chose. Laisse-moi t'apprendre. »

Comme il perdait connaissance sur ces dernières paroles, je poussai un cri de frustration.

Il me fallut un long moment avant que je ne retrouve des pensées claires. Malgré l'épuisement qui alourdissait chacun de mes membres, je me mis à faire les cent pas.

C'est maintenant ou jamais.

Je décidai d'appliquer les conseils du Démon blanc à la lettre. Ce n'était pas le plus sage, vu qu'il délirait à moitié quand il me les avait prodigués.

Mes maîtres m'avaient enseigné la meilleure manière de projeter mon spiritus pour me protéger ou pour attaquer. C'était ainsi que je m'étais débarrassé le matin même – ou était-ce déjà la veille ? – de la larve qui avait pris possession de la jeune fille.

Le démon blanc de Fleur-Éclose (ép. 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant