Épilogue

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Notes de l'auteur : Merci d'avoir lu ce premier épisode en entier. J'espère qu'il vous a plu. N'hésitez pas à me dire en commentaire les points forts et les points faibles de ce texte (et ce que vous aimeriez découvrir dans les prochains épisodes). Gratias vobis ago. 谢谢你 !


Le dit de Lao


Vous craignez la mort. Les histoires de fantômes vous procurent des frissons délicieux. Voilà pourquoi vous venez vous asseoir, à mes pieds, dans un cercle parfait chaque soir. Vous êtes un auditoire très fidèle et je vous en remercie.

À cause de l'âge qui est le mien, la mort est comme une sœur jumelle. Nos rapports sont intimes, parfois tendus, mais il m'est impossible de me détacher d'elle. Je vous envie le voyage que vous ferez un jour vers les terres de l'Ouest, retrouvant vos aïeux et vivant dans une félicité tranquille pour toute éternité, ou jusqu'à la prochaine réincarnation. Je sais que mon temps viendra aussi, et que j'entreprendrai ce périple à mon tour, après avoir vu tant de vos frères et sœurs, mais aussi les miens, partir sur ces chemins, la peur au ventre ou l'esprit soulagé.

L'acte stupide de Son Altesse impériale le Prince Vertueux Kaecilius reporta sine diemon exploration des Terres de l'Oubli. Je me réveillai dans la maison de ses parents, à Alba, fatigué, mais en bonne santé. Le lit sur lequel je me trouvais était encore humide de mon sang. Ma tunique, elle aussi imbibée, avait commencé à se rigidifier et s'accrochait à ma peau, ce qui me démangeait. Même si ma blessure n'était plus qu'un souvenir, j'allais certainement garder une cicatrice. Je n'échapperai pas non plus aux douleurs que le fer stygien ne manquait jamais de laisser dans mon corps, comme une araignée qui pond ses œufs dans une blessure ouverte. Une odeur déplaisante semblait ne pas vouloir quitter mes narines. L'air était chargé de spiritus, de poussière et de mort, mais j'étais en vie et c'était ce qui m'importait le plus.

À mes côtés, Kaecilius dormait. Il avait la tête posée sur le lit, mais le reste de son corps gisait, vanné, à même le sol. Cette position ne convenait pas à un Prince de premier rang. Je le secouai, mais il ne réagit pas. Je vérifiai son pouls. Son spiritus était affaibli, mais son cœur vigoureux. Il s'en remettrait.

Son acte irréfléchi avait créé un lien entre nous. De quel type exactement, il m'aurait été impossible de le dire sans le tester. J'étais trop fatigué pour réfléchir à tout ce que cela signifiait, mais mon instinct me soufflait que rien de bon ne sortirait de cette affaire.

« Tu finiras par te faire tuer toi aussi, imbécile », lui dis-je, d'une voix éraillée.

Je le frappai mollement ; il n'eut aucune réaction.

Je laissai ma main sur sa taille. Entre l'éveil et l'assoupissement, j'écoutai le langage de son corps, la mélodie biologique de cette vie miraculeuse. C'était un Prince, peut-être le futur Fils du Ciel, mais à ce moment-là, il aurait pu être n'importe qui. Seule sa présence à mes côtés, cette proximité chaude, presque réconfortante, lui donnait de l'importance à mes yeux. Je pensai à d'autres corps chauds, qui étaient retournés à la poussière depuis longtemps ; je pensai à ce passé que je refusais habituellement de me remémorer. J'étais trop faible pour repousser les souvenirs. Kaecilius avait ravivé des émotions qu'il aurait mieux valu laisser, à défaut de s'éteindre, s'empoussiérer. J'ignore combien de temps nous restâmes ainsi, mais l'aube timide chassa la nuit et la lumière du jour pénétra la villa interdite, déterminée à en révéler tous ses secrets.

« Il est temps de partir, déclara Silvia, en entrant dans la pièce avec de la nourriture. Puisque tu n'es pas mort, nous ne pouvons pas t'abandonner. »

Le démon blanc de Fleur-Éclose (ép. 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant