Pandora's Curse

Les champions d'Arès

Le lendemain, dans l'après-midi, non seulement le Pandora's Curse vint à eux, mais en plus il était chargé d'un ravitaillement bienvenu. Que ce soit la jeune femme ou le pirate, aucun n'avait adressé la moindre parole aux pêcheurs aimables, puisqu'ils ne les auraient pas compris. Ils s'étaient contentés de sourires remplis de gratitude dès qu'ils leur apportaient eau et plateaux. Ils se nourrirent essentiellement de poissons, au grand dam de Sophia qui détesta chaque plat, mais elle les mangea sans se plaindre, épiés par leurs hôtes qui attendaient sa réaction. James ne manqua pas de ricaner dans son coin. 

Elle ne savait plus comment s'y prendre avec celui-là. Un jour, il l'humiliait, lui criait dessus, la blessait de ses mots acérés ; un autre, il la protégeait, la charriait comme une amie et abandonnait son armure de rustre et barbare pirate. Et parfois, il tuait une pauvre bête qui n'avait rien demandée. S'inquiétait de l'avoir abusée. Il oubliait très vite, passait à autre chose, se délestait des tracas quotidiens. Ce que Sophia ne réussissait pas à faire. Elle était rancunière au possible. Par conséquent, cette journée en sa compagnie se traduisit par de très longs silences, des regards posés nonchalamment sur la mer. 

Plus que ravie – étonnamment – de remonter à bord du Pandora's Curse, elle ne se réfugia pas dans la cale cette fois, mais descendit à la hâte jusqu'à la cabine du timonier, ignorant superbement les coups d'œil insistants de l'équipage sur elle. Juste quand elle arriva, l'écoutille s'ouvrit et Bellamy leva les yeux vers celle-ci, écoutant les indications du matelot. Cap sur Tégée, voici la directive qu'il reçut et qu'il mit en oeuvre. Elle se glissa derrière lui et s'assit par terre, les genoux repliés. Il lui sourit sans piper mot. Rien qu'à son air enjoué de se retrouver là, il se douta que les heures écoulées avec James ne l'avaient pas satisfaite du tout.  

— Vous m'avez laissée seule avec lui, rechigna-t-elle. Dieu seul sait ce qui aurait pu se produire !

— Oh, j'ai suffisamment confiance en James pour être parti l'esprit léger. L'épreuve d'Aphrodite l'a trop chamboulé. Il ne vous approchera plus pendant quelques temps, j'en suis sûr. 

— A cause de Preciosa ?

Son sourire s'évapora à la mention, et Sophia s'en voulut. Mais, le timonier se ressaisit et décréta :

— Une sombre histoire..., mais James n'a jamais tourmenté les femmes, à contrario d'autres pirates. D'après ce que le second m'a dit, il n'aime pas l'idée d'abuser des femmes. Il les préfère toute offerte à lui...

Il se stoppa net au rougissement de ses joues. 

— Je vous gêne. Pardonnez-moi, Lady Sophia. Je ne me rends plus compte des limites de la bienséance.

— Il n'y a pas de mal, répondit-elle en un raclement de gorge. Vous me rendez curieuse quant à cette sombre histoire. C'est évident qu'un poids la pèse toujours... Peut-être se confiera-t-elle.

— Voyez-vous, tout l'équipage est au courant, parce que James a tenu à nous prévenir avant que quiconque ne commette une erreur. Preciosa était d'accord pour que nous apprenions son histoire. Mais, après tout, nous ne sommes que des hommes et nous n'en parlons pas avec elle. Je pense qu'une conversation avec une femme lui ôterait ce poids que vous évoquez. Elle le fera. 

La discussion s'acheva là-dessus. Un calme agréable se déposa entre eux et Sophia en profita pour réfléchir à tout ce qu'elle avait fait jusqu'à présent et ce qu'il lui resterait à accomplir pour se sortir de cette situation. Plusieurs sentiments s'étaient succédé, notamment la colère et le chagrin. Elle semblait peu à peu se résigner. 

Le reste du trajet se déroula sans encombre. Bellamy lui enseigna quelques savoirs maritimes dont elle prit note dans un coin de sa tête, au cas où elle doive s'en servir plus tard. L'un d'entre eux la marqua plus que les autres : ne surtout pas user du mot corde, mais cordage, car les cordes rappellent leurs camarades forbans pendus pour leurs crimes. Elle tâcherait de ne pas l'oublier.