Derniers mots

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Une planche s'écrasa devant lui. Les flammes la recouvrant lui chauffa le visage mais il ne ressentit rien. Il ne l'avait même pas vu tomber.

Non, son regard restait fixé sur le brasier rougeoyant qui dévorait vigoureusement une bâtisse éventrée.

Katsuki ne comprenait pas. Il ne voulait pas comprendre. Il ne voulait pas réaliser.

Dans un flou total, il observa des héros se précipiter sur les décombres. Il sentit à peine Kirishima le tirer en arrière et le serrer contre lui. Un sifflement dans ses oreilles l'empêcha d'entendre les pleurs étouffés et meurtris de ses camarades de classe.

Non il ne réalisait pas.

Il ne réalisa pas qu'il était de retour chez lui dans les bras de sa mère cette fois.

Il ne réalisa pas l'arrivée d'Inko chez lui pour le remercier d'avoir essayé de sauver Izuku.

Il ne réalisa pas lorsqu'une carte grise avec une photo d'Izuku atterrit dans les mains de ses parents.

Il ne réalisa pas lorsqu'il dut se vêtir de noir.

Il ne réalisa pas ce que signifiait le discours de la mère effondrée d'Izuku.

Il ne réalisa pas lorsqu'il posa son regard sur une photo du vert qui lui souriait chaleureusement.

Il ne réalisa pas lorsque le cercueil fut posé au fond d'un caveau avant d'être obligé d'y jeter une rose blanche.

Izuku était parti. Pour de bon cette fois. Et il ne réalisait pas.

Tout s'était enchainé si vite. L'évacuation, la confirmation de la mort d'Izuku, l'annonce à Inko, ses excuses et remerciements, la carte, le discours, la photo, l'enterrement, la rose, les pleurs, son retour chez lui.

Rien ne lui était parvenu. Il se sentait comme dans un autre monde. Il ne faisait que regarder ce film sans en saisir le sens. La réalité.

Alors le voici après les funérailles, assis sur son lit, toujours dans son costume sombre, la cravate de travers. Il s'obstinait à observer un point imaginaire dans le coin de son mur comme si ce dernier allait être le déclic. Comme s'il allait lui annoncer que ce film qu'il vivait depuis deux jours n'était qu'un simple cauchemar.

Trois coups furent donnés contre sa porte et sa mère entra lentement dans la pièce plongée dans l'obscurité. Elle s'assit à côté de lui, faisant bouger le matelas et plongea sa main dans ses cheveux en une caresse maternelle.

_ Mon chéri... Viens.

Elle le serra contre elle, mais les larmes ne vinrent toujours pas. C'est simple, il était incapable de pleurer. Cela le rendait encore plus ignoble à ses yeux.

_ J'ai trouvé ça dans ton costume de héros mon cœur.

Le cendré vit apparaitre sous ses yeux sur un papier plié en 4, mais il ne fit pas un seul mouvement pour l'attraper.

_ C'est de la part d'Izuku...

Aussitôt ses yeux se fixèrent dans ceux de sa mère pour déceler un mensonge. Mais rien de tel. Juste de la compassion et beaucoup d'amour. Il récupéra alors en tremblant ce qui ressemblait à une lettre et eut beaucoup de mal à l'ouvrir pour y lire les nombreux mots qui dansaient sur la page.

Izuku lui avait écrit une lettre.

Il réussit enfin à la lire.

"Katchan,"

Oui. C'était Izuku à n'en pas douter. Ce surnom lui enserra la poitrine.

"J'ai peu de temps. Je t'écris pendant qu'All For One est encore affaibli par la seringue. J'arrive à reprendre plus de contrôle avec l'alter d'Eri et j'ai bon espoir de faire échouer son plan d'évasion, et peut-être même, à le tuer."

Katsuki sentit une boule se former dans sa gorge. Izuku avait tout prévu.

"Je ne sais pas si je te reverrais avant Katchan, mais je sais bien que cette lettre est sûrement la dernière que j'aurais la chance d'écrire.

Je souhaite te demander pardon pour toutes ces années où je n'ai fait que te coller alors que tu ne le désirais pas. J'espère que tu pourras me pardonner. J'espère aussi que tu parviendras à te pardonner toi-même. J'ai vu tes yeux le jour où All For One a dit toutes ces méchancetés au camp. J'ai bien compris que tu t'en voulais. Mais sache que moi je ne t'en veux pas.

D'ailleurs, je suis aussi désolé de t'avoir dit que tu n'étais plus mon héros. J'ai menti. Je t'ai toujours admiré et cela ne changera jamais. J'aurais aimé te voir devenir le numéro 1, mais je ne serais sûrement plus là.

Je suis sûr que tu seras le meilleur héros de l'Histoire. Un héros droit et juste que tous les enfants et parents pourront admirer. Peut-être même que tu feras rêver tous les sans-alters. En tout cas, tu m'as fait rêver moi, le petit sans-alter. Donc c'est comme si tu avais déjà réussi.

Si jamais je t'ai vu avant ma fin, j'espère que nous aurons pu parler. J'ai tellement à te dire. Et sache que même si tu m'as dit des choses méchantes, je ne les prendrais pas en compte. Je ne veux pas mourir avec des remords et je ne veux pas que tu vives avec des regrets. Ce serait pour moi terrible si tu t'en voulais pour ma mort.

Si nous ne nous sommes pas vus alors je te souhaite le meilleur. Je veux que rien ne t'arrête, que tu te relèves après chaque coup dur, que tu réussisses tes années à UA, que tu sois entouré de pleins d'amis comme tu l'as toujours été. Continue de te battre, deviens le numéro 1, crée ta Bakugo Héros Agency, et va défoncer du vilain ! Tu es né pour ça.

Malgré tout, j'aurais aimé savoir si j'ai été important à tes yeux au moins une seule fois comme toi tu l'as été pour moi. T'entendre dire que tu t'excuses, que tu voudrais être de nouveau mon ami. Trainer avec toi, rire, faire des sorties...

Je sais bien que ce ne sera pas possible. Mais tout le monde a le droit de rêver pas vrai ?

Sache que de là où je suis je te soutiendrais toujours.

Adieu Katchan

Deku".

Katsuki était enfin revenu à la réalité. Et les larmes coulaient à flots.

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