03 | Chapitre Troisième

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Ce furent les voix qui le réveillèrent.

En fait, il ne les distingua même pas, au début. Quasiment inaudibles, elles étaient à peine plus perceptibles qu'un murmure de fond. De plus, il avait encore le cerveau aux trois quarts endormi. Comme d'habitude au réveil, son corps retrouvait péniblement ses fonctionnalités ; se remettre sur les rails lui nécessitait toujours un certain temps d'adaptation.

Non, ce qui parvint plutôt à le tirer des bras de Morphée, ce fut la sensation sourde, étrange qui l'étreignit doucement, un peu comme celle que l'on ressentait au sommet d'un roller-coaster. La même où l'on sentait son cœur se soulever juste avant la fameuse descente, ou encore, que l'on éprouvait lors du décollage d'un avion, et qu'on se retrouvait plaqué contre son siège à cause de la vitesse.

Le corps encore lourd de sommeil, Hyunjin entreprit de se redresser à l'aide de ses avant-bras. Il s'était endormi sur le ventre ; ainsi, en se redressant, il se retrouva nez à nez avec la fenêtre qui surplombait son lit.

Au-dehors, les nuages qui s'amusaient tantôt à cacher le soleil semblaient s'être lassés de leur petit jeu. Les ombres avaient commencé à s'allonger, signe que le soleil amorçait déjà sa descente dans le ciel. La voûte céleste s'était teintée d'un magnifique dégradé d'or et de mauve, sur lequel s'effilochaient quelques derniers cumulus peu désireux de disparaître.

Le soleil de fin d'après-midi réchauffait le visage de Hyunjin et inondait la pièce toute entière, parant chaque murs, chaque meubles d'un flamboyant halo doré. Le jeune homme poussa un grognement agacé. Sa sieste avait été beaucoup trop courte, et il se sentait à peine reposé. Il maudit son corps de s'être tiré seul du sommeil, et aussi tôt.

Les yeux rendus sensibles par autant de lumière, il fit mine de se frotter les paupières, lorsque son cœur fit un nouveau bond dans sa poitrine.

Il jura que son bracelet devint subitement chaud sur son poignet.

La seconde suivante, il les entendit.

Il crut tout d'abord que Madame Miyazono recevait de la visite. Les voix étaient si basses qu'il dut tendre l'oreille pour tenter de comprendre ce qu'elles disaient ; en vain. Ce qui était indéniable, c'est qu'il y en avait plusieurs. Hyunjin n'aurait su dire combien, en revanche. Mais il y en avait beaucoup. Il les entendait chuchoter à toute vitesse, parlant toutes en même temps dans un chaos incompréhensible, si bien qu'il était impossible d'y discerner quoi que ce soit.

Les chuchotement semblaient provenir du rez-de-chaussée. Il n'avait pas encore retenu la configuration de la demeure, mais il supputa que les voix provenaient sans doute du séjour, ou peut-être de la cuisine. Hyunjin s'imagina toute une congrégation de petites vieilles aux cheveux gris et au dos courbé, papotant gaiement de leurs petites voix chevrotantes et échangeant les derniers potins du moment. Peut-être même faisait-il partie de leurs sujets de conversations ?

Il ne sut par quelle motivation il trouva la force de se redresser et de quitter son lit.

Le plancher grinça sous ses chaussures alors qu'il se glissait hors de sa chambre. De l'autre côté de la porte, le couloir était plongé dans l'obscurité.

Il descendit les escaliers sur la pointe des pieds, refaisant le chemin qu'il avait pris tout à l'heure en sens inverse. Il jeta un rapide coup d'œil en passant devant la cuisine, et sentit sa gorge subitement devenir sèche.

La pièce était complètement vide. Il n'y avait pas l'ombre d'une personne, pas une seule âme qui vive.

La maison toute entière avait l'air atrocement déserte.

Et Hyunjin entendait toujours les voix. S'il y avait eu une quelconque réunion de personnes âgées dans cette demeure, où que cela se passe, les voix auraient dû être à présent nettement audibles. Or, alors même qu'il progressait au sein du chalet, le niveau sonore n'avait pas bougé d'un décibel.

COVEN (livre I) - 𝐿'𝑎𝑝𝑝𝑒𝑙 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝐹𝑜𝑟𝑒̂𝑡Où les histoires vivent. Découvrez maintenant