10 | Chapitre Dixième

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Lorsque leurs regards se croisèrent, Hyunjin reconnut aussitôt dans ces yeux bruns les deux flammes ardentes.

L'homme restait légèrement en retrait, à moitié plongé dans la pénombre, comme s'il faisait partie d'elle.

Non, réalisa brutalement le coréen, le souffle coupé. C'est le contraire.

C'était la nuit, qui avait l'air de faire partie de lui.

Il semblait drapé dans l'obscurité, vêtu d'un costume trois pièces d'un noir profond sur lequel ressortait le blanc éclatant de sa chemise. À demi-éclairé par les lumières de l'Ephebus, sa peau avait la teinte de l'or et ses cheveux, d'un noir encore plus prononcé que celui de sa tenue, chatoyaient comme le plumage d'un corbeau. Ils étaient assez longs pour que quelques mèches retombent sur son front, habillant un regard dont les yeux s'étiraient comme ceux d'un chat. Ses cils, noirs et épais, flottaient au-dessus de ses joues lorsqu'il clignait des paupières, et ses sourcils figés dans un léger froncement ainsi que ses pommettes hautes renforçaient le superbe de sa sévère apparence.

Tout en lui était beau, harmonieux. Et pourtant, il dégageait en même temps cette aura de force tranquille, froide et féroce, comme s'il détenait rien que dans son auriculaire le pouvoir d'assujettir le monde.

Hyunjin n'avait jamais vu d'être humain aussi beau. Ni n'avait jamais ressenti autant de signaux d'alarme se déclencher en lui.

Cette angoisse qui l'avait écrasé quelques secondes plus tôt, cette sensation d'être un animal blessé pris au piège, à la merci de dangereux prédateur, avait précédé l'arrivée de cet homme. Il avait pressenti sa venue, et son corps avait réagi en passant instinctivement et immédiatement en mode danger.

Pourtant, il n'avait opté pour une attitude défensive, et n'avait pas non plus cherché à prendre la fuite.

Non, il était resté là, paralysé, incapable de faire un geste tandis qu'une force extérieur, une force qui le dépassait, avait pris le contrôle de son propre corps. Avait-ce été de la peur ? Autre chose ?

Hyunjin n'en savait rien.

Encore maintenant, il demeurait incapable de détourner son regard de cet homme.

Complètement hypnotisé, le coréen le regarda s'avancer d'une démarche grâcieuse, presque féline, et ce fut alors qu'il se rendit compte que le nouvel arrivé ne le lâchait pas des yeux.

L'intensité avec laquelle il le toisait faillit liquéfier le jeune homme sur place. L'autre l'observait de haut en bas, examinant à distances chaque millimètre carré de sa personne comme s'il avait pour objectif de graver son apparence dans sa mémoire. Aucune expression ne traversait son visage, aucun geste trahissant un quelconque ressenti, quel qu'il fusse.

Cet homme semblait être le flegme incarné.

Hyunjin se serait probablement assez vite senti mal à l'aise, si lui-même n'avait pas été à ce point fasciné par le nouveau venu.

Il fut tiré de son état second par un mouvement, capté du coin de l'œil. Le coréen dut faire un effort immense pour s'arracher à sa contemplation, et ce fut alors qu'il vit que l'homme-mystère n'était pas seul.

Il était accompagné de deux personnes ; un homme et une femme. Ils étaient vêtues de tenues aussi sombres que celle de leur compagnon, et tout autant élégante. Même à cette distance, leurs vêtements hurlaient bon goût et luxe. Ils devaient probablement appartenir tous les trois aux hautes classes sociales ; et à l'évidence, ils n'étaient pas originaires de Devil's Creek. Leurs tenues étaient bien trop chic pour un village pareil, qui avait tout du minuscule patelin un peu rustre.

COVEN (livre I) - 𝐿'𝑎𝑝𝑝𝑒𝑙 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝐹𝑜𝑟𝑒̂𝑡Où les histoires vivent. Découvrez maintenant