Chapitre 6

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Les pensées noires continuaient leur voyage vers ce destin au dénouement tragique.

« Est-ce que si une chose mettait fin à mes jours, les mettait en danger, un accident, un meurtre, je ne sais pas... Est-ce que tu pleurerais ma perte? Serais-tu triste ? Serais-tu dévasté ? La première à me rendre visite à l'hôpital ? Appellerais-tu chaque minute afin de prendre de mes nouvelles ? M'accompagnerais-tu jusqu'à mon dernier souffle? Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir, ça ne sera pas douloureux, ni dangereux, mais tu auras peur, peur de me perdre. Comme une pause, je reviendrai. Si ce n'est pas le cas, sache que tu auras été ma dernière pensée. »

Je n'en voulais encore une fois pas à elle, un peu plus à toi cher Amour, mais surtout à moi. Je désirais me punir car je me considérais seul responsable de ce qui m'arrivait. Je cherchais n'importe quel moyen d'avoir mal ailleurs que dans mon cœur. Je voulais incarner, représenter cette noirceur qui m'enveloppait.

10 janvier 2019

« Je n'ai pas faim. Non, pas envie d'avoir faim. Manger, c'est échouer... Il faut que je continue. Je ne dois pas succomber, plus je résiste, mieux c'est. Le besoin ne se manifeste pas donc à quoi bon ? J'ignore ce qui me pousse à continuer mais j'en ai l'obligation, c'est un besoin. »

Comme ce fut rapide. En quelques jours à peine, les petites bêtes s'étaient déjà installées. Elles s'étaient déguisées en confidentes, en elles je trouvais une amie. Une amie que j'ai mis trop de temps à quitter, sa présence me réconfortait. Elle allait encore plus mal que moi... Je rêvais pourtant qu'on vienne me sauver de cette noyade. Je souhaitais que ma peine devienne visible, je voulais représenter ce mal que je n'arrivais pas à expliquer. La nourriture n'a jamais été un de mes démons, cependant il serait mentir de ne pas mentionner l'impact de mes émotions sur mon appétit. Je n'ai jamais cherché à le contrôler, il ne m'a simplement jamais laissé le choix. Deux options se sont alors offertes à moi : des séances de gavage, et des semaines entières dans l'incapacité d'avaler plus d'un bout de pain par jour.

« Garde les yeux ouverts, regarde, le monde t'appartient. Ne laisse pas tout tomber, tu es si jeune, si adorable, si doux, si beau, il te reste tant de choses à accomplir. Tu dois vaincre tes craintes, ne laisse pas la maladie t'attraper, ne lui donne pas cette joie, ne succombe pas. Traverse ce brouillard rempli de peur dont tu es prisonnier. Tu ressortiras vainqueur. Tu y arriveras, je te le promets. Tu pourras de nouveau sentir cette brume légère caresser ta peau, cette sensation de bonheur. Tu seras libre comme l'air, tu t'envoleras dans un monde meilleur, un monde dépourvu de malheur. Vole. »

Je me visualise encore écrire les mots de cette fiction. Le temps m'aura permis de comprendre qu'elle n'en était pas une. Encore une fois, c'était le fond de mon âme qui essayait de me parler. Ces mots étaient ceux que j'attendais. Et cette maladie, rien d'autre que la tempête qui se préparait.

« Nos souvenirs grignotent mon cerveau, ce sont des parasites. Chaque pas que je fais en avant est repoussé par ces scènes qui tournent dans ma tête... Encore et toujours les mêmes... Peut-être es-tu en train d'y penser à l'instant présent, peut-être pas. J'aimerais tant que tout puisse s'arranger, que ça soit si simple. Malheureusement, tu n'as pas fait une bêtise que je pourrais te pardonner ou à laquelle je pourrais n'accorder aucun intérêt. Tu as simplement menti, et cela depuis le début. Il n'y aura pas de réconciliation, ce n'est pas une dispute, c'est une fin. Le "nous" s'est envolé bien loin, je ne te verrai plus, ne t'écouterai plus. Tu es comme mort, une mort subite. Prévisible certes mais radicale, rapide, sans souffrance pour toi mais tellement douloureuse pour moi. La page ne se tourne pas, le livre se ferme. »

C'est une étincelle de foi en l'avenir. Une fenêtre entre-ouvert vers un futur incertain, loin mais désiré. L'acceptation de ma condamnation.

12 janvier 2019

« Une seconde.
Une éternité commence forcément un jour non ? Mais ce jour commence lui-même à une heure précise et ainsi de suite. Même les plus grands nombres partent tous d'une unité. Tout à un début, tout commence par une petite seconde, il suffit d'elle, tout part de cette minuscule seconde...

14h54: Tu m'aimes?

14h55: Je ne suis rien, pour toujours. Chaque seconde à venir sera la continuité de cette infinité. »

Remettre tout en question, le moindre détail devenait la plus grande des interrogations. Dans ma rencontre avec la vie j'en venais à douter de ma propre existence. Cher Amour, pourquoi as-tu tout rendu si flou ? Je t'avais toujours attendu comme celui qui m'apporterait les réponses quand tu n'as fait que me submerger de questions...

13 janvier 2019

« Je me souviens, il y a une année. C'était une nuit d'un bleu profond, je pouvais apercevoir des tonnes d'étoiles. On aurait dit des milliers de petites fées. Une étoile filante est apparue, je fis un vœu : "Faites qu'elle se souvienne de moi, que je le retrouve un jour." Je fis ce vœu tant de fois, il se réalisa.

Hier je regardais de nouveau les étoiles, mais mon vœu fut de l'oublier le plus rapidement possible. Je n'ai plus qu'à espérer qu'il se réalise également. »

Cher amour, tu le sais aussi bien que moi, toi et les étoiles filantes, vous êtes fait pour être ensemble. Encore ces temps-ci tu réussi à me surprendre. Je décidais alors de placer ma foi dans les étoiles qui depuis petit me fascinent tant. Elles avaient toute l'air si belles et pourtant si lointaines. Leur lumière fut pour longtemps la seule capable de m'éclairer. Perdu dans mes pensées nocturnes je me retrouvais toujours en levant la tête vers ces astres qui semblaient me comprendre avec tant de légèreté. Ce qu'il y a de magique avec les étoiles c'est qu'elles ne partent jamais vraiment, N'importe où sur Terre, il est possible de lever les yeux pour les contempler. Elles deviennent familières, un repère à portée de main. Souvent lors de moments de bonheur j'aime regarder l'une d'entre elles, je me dis alors qu'un soir plus triste je n'aurais qu'à lever les yeux pour retrouver un bout de cet instant magique.

To you dear LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant