Chapitre 10

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Il n'y avait que lui, que ça, ce rien, ce vide si plat et pourtant d'une violence bouleversante.

4 février 2019

« Seuls, voilà ce que nous sommes. Nous le sommes face à nos problèmes et au bonheur. Trop souvent confrontés à nous-mêmes, seuls à faire des choix. L'unique personne en mesure de connaître ce que l'on ressent, à connaitre les solutions à nos problèmes aussi radicales soient-elles. Peut-être est-ce une mauvaise chose. Vous pouvez me mettre en garde, je n'appartiens qu'à moi-même. Je suis seule à pouvoir comprendre pourquoi j'ai ce besoin interne. Par défaut de ne pas comprendre la douleur, je me dois d'en créer une à laquelle je pourrais donner une identité. »

C'est alors que se créait cette persuasion intense, celle de devoir souffrir plus pour aller mieux. Elle me murmurait au creux de l'oreille que la seule chose dont j'étais encore capable était de ne plus vivre. Je me réfugiais lentement dans le confort de ma solitude. Je m'attachais progressivement au sentiment de tristesse, accompagnée par la sensation étrange qu'il s'agissait d'une partie de moi que je devais entretenir. Je semblais savoir comment aller mal, à défaut de ne rien maîtriser d'autre, je me sentais puissante face à cette noirceur.

8 février 2019

« J'ignore où tu es, j'ignore même si tu peux m'entendre. Je viens te voir chaque jour, et je ne cesse de voir cette phrase écrite sur ta tombe: "Chaque étoile brille pour une raison". Comme tu aimais dire cela, tu pouvais passer des heures à les observer. Pour toi, chaque âme égarée rejoignait les étoiles pour devenir l'une d'entre elles. Sûrement pour nous rassurer, tu nous disais que tu veillerais sur nous chaque nuit. Que peu importe où nous serions il suffirait de lever la tête pour te trouver dans ce ciel parsemé de mille lumières. Tu riais jusqu'à ton dernier souffle, nous promettant qu'on se reverrait. Impatient de découvrir ce qui se cachait derrière, impatient d'aller jusqu'après les étoiles. Pourtant je ne te vois plus et tu me manques tant, tu n'es plus là et c'est si dur loin de toi.

Elles brillaient pour nous, mais la nuit de ton départ, toutes les étoiles du monde ne brillaient plus que pour toi. Il ne me reste plus qu'elles, et une tombe aux fleurs violettes. »

Lorsque les mots de ce 8 février touchèrent le papier, j'étais le garçon au comptoir. Assis sur ce siège, occupé à faire basculer mes pieds. Je n'étais rien d'autre que le jeune homme polie, qui attend, le jeune homme, rien d'autre. Pourtant se cachait en moi une douleur qui ne devenait que trop quotidienne, se cachant même dans les moments les plus habituels. Je parlais de moi, j'étais déjà mort. J'étais moi-même spectateur de mon écroulement. C'était un deuil, il ne me restait plus que ce corps. Je n'étais pourtant rien d'autre que ce jeune homme qui attendait. J'essayais autant que je le pouvais de ne pas craquer, ne rien montrer, ne jamais dévoiler. Puis vint ce jour, cette nuit, l'alcool eut raison de moi. Nous étions jeunes, bien trop nombreux sont ceux à m'avoir pris pour un acteur, un menteur. Pourtant c'était si vrai, si sincère. Ce soir-là mon cœur ne sut supporter, il n'était plus capable de faire semblant. Alors tout est sorti, je ne me souviens que de cris, de pleurs, d'une première fois avec l'alcool. J'étais envoûté par la sensation de mer déchaînée que mes veines prenaient, les ondulations que le sol dessinait, les visages que ma vision déformait. Ce liquide agissait comme le plus grand des poisons de vérité. Alors j'ai dû dire, j'ai dû montrer. Comme le dit si bien une amie à moi : "La vérité sort de la bouche des bourrés." Malheureusement, je n'étais que le jeune homme qui devient fou en soirée. Le jeune homme qui allait être dévisagé dans les couloirs. Tout n'était devenu que plus noir. J'avais parlé contre mon gré, et rien de tout cela n'avait été réellement entendu. J'étais le jeune homme qui ne savait pas se gérer.

14 février 2019

« Pourquoi je ne me réveille pas ? C'est un cauchemar, je dois me réveiller. Ils sont tous partis, je croyais avoir surmonté le pire mais il ne fait qu'arriver. Seul, encore. Personne pour me croire, je les ai tous déçus. Pourquoi j'ai si mal? J'ai peur, j'ai honte, je suis désolé. Ils doivent revenir... Je vous en supplie, ne me laissez pas. Je suis à bout de force. Je fonce droit vers ce noir obscur. J'ai tout gâché, je me suis fait tomber bien plus bas que je ne l'avais jamais été. Seul, seul à blâmer. Ce jour arrivera-t-il ? Ce matin où je me réveillerai avec une hâte absolue de vivre ma journée, ce soir où je m'endormirai paisiblement et heureux? Aurai-je un jour quelqu'un pour m'aimer ? Quelqu'un qui sera là dans le meilleur et qui acceptera que je sois plus doué pour le pire? Un jour je n'aurai plus rien à faire de ces jugements, de ces personnes ne me comprenant pas. Un jour j'aurai grandi, j'aurai compris et je serai enfin réellement en vie. »

Toujours ce même espoir cher Amour, j'attendais que tu me tendes la main. Tu devais être mon sauveur, il ne pouvait y avoir que toi. L'unique bataille qui me maintenait encore debout, l'unique chose que je me devais d'accomplir. Tu sais mon tendre Amour, je pense que tu l'as fait. Tu m'as sauvé. Pourquoi devrais-je t'offrir ce mérite alors que tu ne t'es jamais présenté ? Car tu m'as donné un but cher Amour, tu m'as donné une raison de me battre. Parfois il m'arrive de songer au fait que si je ne t'avais pas cherché, si je ne m'étais pas promis de te rencontrer un jour, j'aurais peut-être mit fin à tout bien plus tôt. Je te le disais, je vis pour toi, je te le dis encore, je t'attends et je te le dirai toujours, tu es ce pourquoi je suis. Alors oui, ton absence m'a sauvé, elle a réussi à me convaincre que j'avais encore des choses à découvrir, peut-être me sauve-t-elle encore.

To you dear LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant