11.

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Rosa

tw: automutilation

Me voilà à nouveau coincée dans cette chambre que je croyais ne plus jamais revoir. Cette fois-ci, mariée au propriétaire des lieux, qui dort paisiblement dans la pièce à côté.

Et dire qu'Elena a failli se retrouver à ma place.

Hors de question.

Pendant mon court séjour ici, qui m'avait semblé une éternité, une conclusion s'était imposée à moi : Angelo DeRossi est un homme impitoyable, violent, dénué de remords, et prêt à faire souffrir les autres pour son simple plaisir personnel.

Il est dangereux.

Quand mon père avait annoncé cette union, j'avais été envahie par une rage sourde. Les pires scénarios s'étaient précipités dans mon esprit : la violence physique qu'il aurait pu infliger à Elena, allant jusqu'à causer sa mort.

Étrangement, lorsque je m'étais proposée à sa place, persuadée que mon père refuserait, c'est ma petite sœur qui avait pris les devants. Pourquoi ? Parce qu'elle le trouvait beau et intrigant, et qu'elle croyait naïvement qu'elle ne risquait rien, convaincue que DeRossi jouerait le rôle du protecteur.

Heureusement, mon père n'avait pas pris en compte les arguments d'Elena. Il m'avait laissée endosser ce rôle à sa place.

Après tout, ce n'était pour lui qu'un moyen de se débarrasser de moi, tout en en tirant un avantage dont je ne connais même pas encore la nature.

Je me retourne pour la énième fois dans ce lit dont les draps m'enveloppent, espérant vainement que le sommeil finisse par me trouver. Un soupir lourd s'échappe de ma poitrine face à cette bataille perdue d'avance. Mon regard finit par tomber sur mes livres, encore entassés dans ma valise.

D'un mouvement lent, mes jambes glissent hors du lit pour retrouver le sol. J'allume la veilleuse, sa lueur douce projetant des ombres dans la pièce. Sur la pointe des pieds, je m'approche de ma valise, la retourne d'un geste brusque, libérant une pile de livres dans un plof sonore.

Merde... j'espère que ça n'a pas réveillé le Fou.

Quarante-cinq minutes passent, ponctuées par mes hésitations sur l'ordre parfait pour les ranger. Finalement, satisfaite, je contemple le résultat avec une fierté disproportionnée, comme si j'avais achevé un chef-d'œuvre. Pourtant, la fatigue se refuse toujours à m'emporter. À contrecœur, je choisis un livre au hasard et commence à lire.

Les pages se succèdent rapidement, absorbant mon esprit jusqu'à ce que je me sente transportée dans l'univers qu'elles décrivent. Peu à peu, la triste réalité de ma vie s'efface, remplacée par un ailleurs qui me semble presque palpable.

C'est seulement en atteignant la page des remerciements que je me rends compte qu'il est temps de fermer ce livre. Le retour à la réalité est brutal. Ce moment où l'évasion se termine et où tu retombes dans le poids de ta propre existence est toujours difficile.

Revenir à la réalité après s'être plongé dans un univers où tout semble éloigné de nos problèmes est toujours une chute brutale. Quand tu réapparais dans le monde réel, tu n'as qu'une seule envie : retrouver au plus vite cette paix intérieure, au point de te demander si la lecture t'aide vraiment ou te nuit, en t'éloignant de ton entourage et de tes proches. Physiquement, tu es avec eux, mais mentalement, tu es littéralement ailleurs.

En me levant pour ranger mon bouquin, une vive douleur me traverse le ventre, me clouant instantanément au lit. La plaie. Elle est toujours là, me rappelant sa présence à chaque mouvement brusque.

BROKEN [ en réécriture ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant