La Sélection de Victoria (T1) - Descendance

Chapitre 15

Nous arrivons bientôt devant les deux grandes portes de la salle de bal.
- Je crois que c'est la première fois ou presque que je vais y entrer pour faire autre chose qu'un concours de glissade !, je rigole à l'oreille de mon petit cavalier.
Il glousse aussi, puis se redresse pour paraître le plus princier possible quand on arrive devant la salle.
Devant l'entrée, deux gardes que je n'avais encore jamais vus avant se tiennent droit comme des "i". Quand on s'approche, ceux-ci nous regardent d'une drôle de façon : un mélange d'étonnement et d'amusement.
- Votre Altesse, font-ils en direction de Maxime quand nous arrivons à leur hauteur.
- Messieurs, commence mon cavalier d'une voix autoritaire. Veuillez nous annoncer s'il-vous-plaît : Le prince Maxime Emilien Schreave d'Illeá, en compagnie de la princesse, Victoria Leger de Clermont.
Je pouffe. Et pour rentrer encore plus dans le jeu, je rectifie :
- La princesse Victoria Justine Ella Leger de Clermont, ça fait plus officiel.
Maxime étouffe un ricanement.
- Quoi ?!, je lâche en sa direction. Mes deuxième et troisième prénoms ne te plaisent pas ?!
Il me sourit malicieusement et rétorque :
- Si, je les trouve chouettes !
Puis, Maxime reprend son sérieux, se retourne à nouveau vers les gardes et ordonne :
- Allez hop ! Annoncez-nous ! Et plus vite que ça !
Un peu décontenancé par notre comportement, le garde de droite nous demande :
- Mais heu... Vous... Enfin... On doit vous annoncer ensemble ?
Je hoche énergiquement la tête. C'est normal qu'ils soient surpris. En principe, les Sélectionnées ne peuvent pas venir accompagnées par une autre personne que Joshua. Évidemment : elles doivent rester fidèles au prince durant toute la Sélection. Mais là je m'en fiche ! Maxime est mon cavalier et celui à qui ça ne plaît pas, et bien il peut aller se faire... !! Cordialement !
- Bien..., fait alors le deuxième garde.
Ils ouvrent ensemble les grandes portes. Je vois à l'intérieur de la salle des gens qui s'écartent. D'autres se retournent pour voir qui arrive. Au loin, je l'aperçois...
Jojo est en compagnie de Kamelia, de Rana et de la reine elle-même, au fond de la longue salle. Dès que je commence à m'avancer dans l'ouverture des portes au bras de son petit frère, nos regards se croisent. Je sens l'étonnement dans son visage. Même s'il est loin et que j'ai du mal à discerner son expression, sa surprise est flagrante. Et elle augmente encore quand le garde annonce d'une voix forte :
- LE PRINCE MAXIME ÉMILIEN SCHREAVE D'ILLEÁ, ACCOMPAGNÉ DE LA PRINCESSE VICTORIA JUSTINE ELLA LEGER DE CLERMONT !!
Je ne peux pas m'empêcher de sourire. Notre entrée fait grande impression. Tout le monde est maintenant tourné vers nous. Parmi les regards, je repère ceux stupéfaits de Clémence, Sissi et même Mélisandre -qui d'habitude arrive pourtant très bien à cacher sa surprise sous son air lointain et rêveur-. Il y a aussi les regards noirs de quelques autres Sélectionnées à qui je ne parle jamais. Mais surtout, il y a la tête inoubliable de Joshua. En le scrutant, je vois que son visage passe par des milliers d'expressions différentes. De la surprise, à l'amusement, à la stupeur, au doute, à l'admiration, à la colère, et même... Je crois avoir repéré une lueur de jalousie dans ses yeux sombres alors qu'il fixe son frère avançant, moi à son bras. En tout cas, mon Jojo ne semble plus savoir où donner de la tête.
Mais peu m'importe. Pour l'heure, mon seul but est justement de l'ignorer pour me sortir cette foutue dispute de la tête, histoire de lui montrer que l'on peut passer à autre chose. Surtout, mon but est de m'amuser le plus possible avec Maxime. J'en ai besoin ! Je ne fais alors guère plus attention que cela au prince ; moi et Maxime nous nous dirigeons sans plus attendre vers le coin qui nous paraît le plus intéressant : Le buffet !
- Ya plein de truc trop bon ici on dirait !, je m'écris en arrivant.
Maxime rigole et me propose une petite verrine de couleur rouge. En l'attrapant, je ne peux pas m'empêcher de tout de même jeter un discret coup d'œil à travers la foule, vers l'emplacement où se trouvait Joshua tout à l'heure. Je détourne aussitôt la tête quand je m'aperçois que celui-ci me fixe intensément. D'après ce que j'ai vu dans son regard, Jojo semble torturé entre deux idées : me faire très ouvertement la tête pour me faire comprendre qu'il m'en veut encore, ou bien laisser sa fierté de côté et se précipiter pour venir me parler et passer du bon temps avec moi. À cette dernière hypothèse, je ne peux m'empêcher de sourire en baissant les yeux. Calm down, je m'ordonne alors intérieurement.
En essayant de balayer Joshua de mes pensées, je me promets de ne plus le chercher du regard tant que lui ne cherche pas à me parler. Je dois lui paraître un minimum indifférente. Je veux lui montrer que je suis capable de le laisser tranquille, capable de ne pas être un boulet qui s'accroche tout le temps à lui et qui se mêle sans arrêt de ses affaires.
S'il est convaincu, il me pardonnera peut-être et se décidera sûrement à venir m'aborder avant la fin du bal. En attendant...
- On va danser ?, me propose le petit diable après avoir englouti une farandole de gâteaux apéritifs.
- Avec plaisir !, je m'exclame d'une voix joyeuse.
Nous attendons quelques instants que la musique de la première danse s'arrête et enchaîne sur une nouvelle pour nous placer au milieu de la piste, parmi les autres danseurs. Maxime et moi dansons ensemble au milieu de la foule, riant tous les deux. Les invités Italiens qui nous voient sourient et rient sur notre passage ! Alors que l'on file en passant tout proche du roi et de la reine dansant tous les deux, je vois sa majesté Kriss me faire un grand sourire, des diamants plein les yeux. Apparemment, nous amusons beaucoup de monde.
Mais surtout... nous nous amusons beaucoup nous-mêmes !
- Tu danses super bien Vica !, me lance Maxime alors que je tourne en rythme sur la musique, jusqu'à en avoir le tournis.
Je ris. Maxime joint son rire au mien et me fait tourner de plus belle. Au bout d'un moment, la musique s'arrête pour enchaîner sur une autre, plus énergique. Maxime et moi quittons la piste de danse pour laisser d'autres prendre notre place.
- C'est la meilleure soirée de toute ma vie !, je m'exclame en direction de Maxime.
La musique m'oblige à parler fort. Avec le bruit, je n'entends pas la personne qui s'approche discrètement de moi. C'est le froncement de sourcils de Maxime qui me fait me retourner sur un jeune homme qui m'est complètement inconnu.
Il a à peu près ma taille, les cheveux abondants, bruns, et un petit air italien très charmeur sur le visage.
- T'es qui toi ?!, demande Maxime.
- Hum..., fait le garçon avec un petit accent plutôt mignon. Excusez-moi, j'ai cru comprendre que cette jeune fille était Mlle Victoria Leger ?
J'arque mes sourcils, surprise, regarde un instant Maxime, puis toise le nouveau venu de bas en haut. Il me regarde avec un air charmeur et un sourire assuré. Je ne peux m'empêcher d'esquisser un petit sourire en coin en répondant :
- Heu... Oui c'est moi. Et... Vous êtes... ?
- Boris Arnaldi. Pour vous servir.
Sur ce, il se plie en une gracieuse révérence, le même sourire charmeur ne quittant pas ses lèvres.
Arnaldi ?... Arnaldi... Mais oui !! Bien sûr Arnaldi !!!
- Tu es mon cousin ?!, je m'exclame.
Le jeune garçon s'incline une nouvelle fois devant moi. Quelle élégance !, je pense.
- Exactement ! Et je suis ravi de faire ta connaissance ma charmante cousine.
Sur ce, il s'approche de moi et sans crier garde, il m'attrape la main pour me faire le baisemain. Tout ça en me faisant un petit clin d'œil.
Prise au dépourvu, je sens mes joues s'empourprer. Ou là... Du calme, c'est ton cousin, je me dis. Et ben... S'il est aussi charmeur avec moi, je n'imagine pas ce que ça doit être avec les filles qui ne sont pas de sa famille.
- Oh... Heu..., je bredouille un peu mal à l'aise. Enchantée.
Il se redresse et me sourit davantage. J'ai l'impression qu'il sent que son petit jeu me met un peu mal à l'aise et que cela l'amuse. Mais c'est quoi ce charmeur ?!!
- Tu me suis ?, me dit-il en me regardant droit dans les yeux. Je vais te présenter à la famille !
Je me retourne vers Maxime, un peu hésitante. Boris, mon cousin, semble voir mon hésitation et nous lance :
- Et viens aussi toi, le petit. Tu es trop chou ! Mes parents vont t'adorer !
Je lâche un petit rire en entendant ça et en voyant le visage de Maxime se décomposer. Puis finalement, je me décide à le suivre, Maxime sur mes pas.
Alors que l'on se fraye un chemin à travers la foule, j'entends Maxime grommeler :
- Le petit ?... Gningningnin... Et j'suis pas chou moi ! J'suis un caïd !
Je souris. Bientôt, Boris s'arrête devant un couple en train de trinquer au buffet. Quand la femme se retourne, je la reconnais toute de suite.
- Tante May ?, je dis.
- Victoria !!!, elle s'exclame aussitôt, un énorme sourire aux lèvres. Ma belle ! Tu vas bien ?!
Aussitôt, elle s'empresse de venir m'enlacer. Tante May a toujours été comme cela je crois. Je ne l'ai pas vue très souvent mais elle n'a apparemment pas changé depuis la dernière fois : énergique, joyeuse, débordante de charme. D'ailleurs en y pensant, ce n'est pas si étonnant que ses enfants lui ressemblent et qu'ils aient hérité de son charme naturel.
Cette hypothèse se confirme quand May s'écarte de moi et me révèle sa famille. Déjà son mari... Ok. Il est sans doute bien plus âgé que moi mais... Mon dieu c'est Apollon ce n'est pas possible ?! Grand, beau, les yeux sombres et veloutés. Avec ce genre d'éclat qui déconcentrerait n'importe qui !
- Ciao bella !, s'exclame-t-il avec exactement le même enthousiasme charmant que sa femme.
Je n'ai jamais fait d'italien mais bon, là ça va. Ce n'est pas trop difficile à comprendre.
- Hum... Ciao, je réponds en espérant ne pas avoir un accent ridicule.
Il me sourit à pleine dent avec le même air enjôleur que son fils.
Je vois ensuite arriver trois enfants. Un garçon, qui doit être un peu plus âgé que Boris. Une fille -sans doute l'aînée- et une autre fille qui doit avoir l'âge de Maxime. Bon... En fait, la famille de ma tante, c'est une famille de Don Juan... J'ai envie d'éclater de rire devant ce spectacle mais par politesse je me retiens. Cette famille est la mieux accordée que je connaisse ! Tous les enfants ont ce même charme irrésistible. Même la plus jeune a cet air un peu dragueur quand elle s'approche de Maxime et qu'elle s'incline devant lui.
- Voici..., commence Tante May avant d'être aussitôt interrompue par la plus grande des deux filles.
- Maman, on peut très bien se présenter tous seuls !
Celle-ci s'approche alors de moi en souriant, plonge ses yeux noirs dans les miens et dit :
- Moi, je m'appelle Maria.
Puis elle me sert un sourire en coin avant de laisser place au garçon dont je ne connais pas encore le nom.
- Je suis Dean. Enchanté.
Comme son frère, il me fait le baisemain avec un regard pétillant. Puis pour finir, la petite s'approche doucement et me lance :
- Telia. Ravie de te voir cousine !
Après avoir fait les présentations, je discute quelques instants avec ma tante pendant que Maxime semble bouder. Heureusement, sa petite moue se transforme vite en un petit sourire fier quand Telia entreprend de le féliciter d'être prince et de lui poser des tonnes de questions sur la vie au palais.
Je ris avec May et son mari en voyant la petite scène. Puis ma tante me demande des nouvelles de maman. Je n'ose pas trop lui dire qu'en ce moment, ma mère me paraît un peu perturbée... Ma participation à la Sélection lui a rappelé des souvenirs forts, et je ne suis pas sûre que ce soit une très bonne chose.
Puis, May me pose la question que je craignais :
- Et avec le prince, comment ça se passe ? Enfin... Je veux dire avec le plus grand !, dit-elle en lançant un regard joyeux vers Maxime avant de revenir à moi. Vous vous entendez bien ?
J'hésite un peu. Puis avant même que je ne puisse répondre, May enchaîne :
- Je suis sûre qu'il est très mignon ! Tu peux nous le présenter ?
Sur ce, elle me fait un clin d'œil. Je m'apprête à répondre que je ne suis pas sûre que ça soit une bonne idée quand une voix nous interrompt. Une voix un peu triste. Enfin... Disons plutôt déçue. Et frustrée. Une voix que je connais.
- Vous ne pourrez pas le voir ici. Il vient de partir.
Je me retourne vers Valentine, qui apparemment, nous écoutait depuis quelques minutes.
- Comment ?, je lâche presque involontairement.
- Il vient de partir, elle répète. Je ne sais pas où ni pourquoi.
Après un minuscule silence et un soupir lourd, Valentine explique :
- Juste avant de partir, il m'a répété au moins cinq fois qu'il allait dans un coquillage géant en espérant y trouver quelqu'un qui vit la nuit et qui sait jouer à cache-cache. Ça n'a aucun sens... Il a insisté comme pour que je m'en souvienne, comme s'il voulait que je fasse passer le message. Sauf que je n'ai rien compris. Je ne sais pas ce qui lui a pris...
Je lance un regard à Maxime qui a entendu la même chose que moi.
...
"...Sauf que je n'ai rien compris..."
Nous... Nous avons très bien compris...