Chapitre 1

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Texte brut - Non Corrigé
Attention, certains mots ou certaines scènes pourraient heurter la sensibilité du public.

Alana

Je suis en retard à cause de cet enfoiré de voisin ! Il prend un malin plaisir à battre sa femme, et ça tous les matins.

Depuis que je suis arrivée ici, dans cet immeuble, les cris et les coups ont remplacé la sonnerie de mon réveil. J’ai tenté de ne pas intervenir, de rester à ma place afin de rester discrète, mais aujourd’hui, je ne pouvais pas. C’est en débardeur et short de boxeur que j’ai tambouriné à leur porte. Il ne m’a pas fallu attendre longtemps pour qu’un homme dégoulinant de sueur m'ouvre. J’ai tout de suite remarqué son t-shirt plein de taches et de trous, mais surtout, ses phalanges écorchées. Vu l’état de ses mains, j’imaginais très bien celui du visage de sa femme.

Je ne lui ai pas laissé le temps de m’adresser la parole. Je me suis tout de suite mis en action en le poussant violemment à l’intérieur de son appartement. Il a évidemment essayé de me frapper, mais je ne l’ai pas laissé faire, j’ai esquivé son poing pour abattre le mien dans sa mâchoire. 
Une fois, deux fois… lorsque des hurlements m’ont stoppé net. Sa femme, l’arcade sourcilière ouverte et la lèvre fendue, se tenait à quelques pas. Dans ses bras, un bébé de quelques mois.
Des larmes, mais également beaucoup de sang recouvrait sa peau. Impossible de me faire une idée de son âge ou de son physique. L’homme qui lui servait de mari l’avait totalement défiguré.
Même si la colère s’était emparée de tout mon être, j’ai eu pendant un court instant, un moment de léthargie. Impossible de réagir, de bouger, de parler. Mon regard ne cessait de fixer ce petit ange innocent.

- S’il vous plaît, arrêtez !

Ce fut la voix de sa mère qui m’a ramené à la réalité, une réalité amère, guidée par la violence et le désarroi.
J’ai reculé, tandis que l’ordure que j’avais envie de tuer de mes propres mains s'étalait sur le sol.
Qu’avais-je fait ?... Je n’aurais pas dû laisser mes sentiments ainsi que ma colère agir à la place de ma raison. C’est donc avec une violente envie de vomir que j’ai quitté leurs appartements en courant pour rejoindre le mien.

Je devrais déjà être sur le chemin du boulot, au lieu de ça, je cherche mes saletés de godasses, qui me font horreur ! Je ne comprends pas comment c’est possible de ne pas se bousiller les pieds avec de tels talons hauts ! Bordel, ce n’est pas moi, ce n’est pas ce que je suis, mais je n’ai pas le choix !
Je les trouve enfin sous le lit. Je peine à rester debout et à garder l’équilibre lorsque je tente de les mettre, alors tant pis, je les jette dans mon sac et j’enfile à la place mes tennis. Je ne perds pas une minute, je fonce à l’extérieur de mon appartement en claquant la porte derrière moi, vêtue de mon costume et du masque que je porte depuis des semaines désormais…

Comme d’habitude, le bus est plein à craquer. Un bus qui peine à avancer et qui par miracle tient encore sur ses quatre roues. Une dispute dans le fond, de la musique à mes côtés, et devant moi, un gars qui parle au téléphone et qui pense qu’il est tout seul. Comme si ça intéressait tout le monde d’entendre que sa mère lui tape sur le système ! Un rituel journalier qui, désormais, m’est totalement indifférent.

Je laisse divaguer mon regard vers l’extérieur. J’observe sans vraiment y prêter attention, car mon esprit, lui, a décidé de me torturer un peu plus. Laissant la porte ouverte à la culpabilité ! C’est comme si cette dernière possédait la clé afin de s’installer à sa guise. Tous les deux s’amusent de ma personne, et cela, depuis des semaines ! N’ont-ils toujours pas compris que je ne peux pas faire autrement ? Que je me dois de la fermer ? Que j’ai les mains liées ? Cependant, rien ne m'empêche de penser, je n’ai reçu aucun ordre en ce sens, et c’est ce qui est le plus difficile à gérer. Car penser, dans mon cas, ne rime pas avec liberté, bien au contraire !
J’ai conscience de ce que je dois faire ou ne pas faire, toutefois, je ne peux pas m'empêcher d’avoir une boule au creux de l’estomac, une boule qui porte les visages de cette femme et de ce bébé innocent, que j’ai laisser aux mains de leur bourreau. Mais c’est ainsi et je dois faire avec, vivre avec cela sur la conscience, vivre avec l’incapacité de les aider… en tout cas, pour le moment.

NarkoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant