La Maison de Jeux de Joies

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Tous avaient un jour entendu parlé de cette maison, pas comme les autres, au fond de cette ruelle tortueuse, peuplée des plus viles âmes. C'était le seul endroit lumineux de l'Allée des Embrumes.

La propriétaire était célèbre pour sa beauté, mais aussi son sens des affaires. Elle accueillait surtout les bourses d'hommes à la recherche d'expériences inédites et d'exotisme dans les bras de belles femmes. Il y en avait pour tous les goûts.

On racontait que comme sa propriétaire, la maison cachait des dangers pour les mécréant qui ne payaient pas ou faisaient trop de zèle auprès des belles demoiselles.

On disait que seul les fous osaient élever la voix, se montrer violent ou saouls. C'était cette la demeure des plaisirs les plus fous, mais il y avait des règles.

La première était de ne jamais frapper à la porte avant 19h, au risque de se faire piquer par une rose sauvage, ensorcelant alors le pauvre fou, le rendant impuissant et surtout stérile. La seconde était que seul les amis les plus intimes pouvaient entrer par la porte du haut, après avoir frappé trois coups.

C'était pourquoi, ce jour là, alors que l'été était encore chaud, que les habitants cherchaient la fraîcheur dans la rue, quitte à la partager avec des rats, tous furent surpris de voir un jeune garçon marchait sans aucune peur droit vers la maison étroite au fond de l'allée. Mais pire, le garçon brun, les cheveux parfaitement coiffés, gravit l'escalier en fer, droit vers la porte privée de la maison. Il n'avait qu'un sac en bandoulière, une cape sale noire, preuve qu'il venait de loin. Il posa ses yeux noirs sur la porte et inspira en levant le poing. Il frappa trois coups et toute la rue se tut. Les curieux observaient, prenant des paris sur le sort de ce pauvre fou, si jeune pour devenir eunuque.

La porte s'ouvrit et certains soufflèrent alors rassuré, d'autres soupirèrent déçus. Le garçon s'inclina et une main de femme fine et aux ongles rouges vif se posa sur son épaule.

— Entre ! S'exclama la voix d'une femme autoritaire. Que fais tu donc ici ?! Tes tantes sont sûrement mortes d'inquiétude et ton grand-père va être furieux ! Dépêche toi ! Entre ! Tu as tellement grandi !

Le rire du garçon se repentit alors dans la ruelle, et il entra comme un bienheureux dans la maison. La porte tut son rire chaleureux.

La femme, brune, les yeux bleus envoûtants, n'était pas n'importe qui. Elle s'appelait Lucie Rosier, mais tous lui donnait du « Miss » ou du « Mademoiselle ». Elle était comme une reine, sur un royaume de brigands, de voleurs et de charlatans mais surtout déesse des envies et de sept belles nymphes.

— Assis toi ! Tu dois être épuisé par ce long voyage ! Dit-elle avec un sourire en montrant un magnifique divan tapissé de velours rouge sang. Tu aurais dû écrire !

— Pardon de cette visite inopinée, répondit le garçon avec un sourire doux, un peu charmeur. Je devais venir.

— Pourquoi donc ? Tu devrais vite rentrer en Russie... Ta rentrée approche !

— Je ne peux pas. J'ai vu les journaux. J'ai vu la Marque des Ténèbres.

Lucie Rosier soupira et s'assit sur une méridienne aussi rouge que sa robe.

— Seth...

— Ma tante ?

Elle roula des yeux.

— Les gens te détesteront, dit-elle. Rentre chez toi et...

— Chez moi, c'est ici, coupa durement le garçon. Ils me le rappelle bien assez souvent. Nom étrange... nom imprononçable pour certains...

— Seth, ta sécurité est plus importante que ces problèmes de prononciation ! Ton grand-père a juré à ta mère de te protéger d'eux. Eux tous !

— Et qui la vengera ? Grogna le garçon, en serrant les poings. Il va revenir. Il m'a reconnu avant ma naissance. J'ai son nom, pas celui de ma mère. Il me cherchera. Il me trouvera. Je ne veux pas ça. Ce n'est pas ainsi que je vois la chose. C'est moi qui déciderai de le rencontrer ou non.

Le Serpent de la RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant