A Blue Christmas

I. J-9

Music : Santa Tell Me — Ariana Grande

L'enfance c'est de croire qu'avec le sapin de Noël et trois flocons de neige toute la terre est changée. Mais l'enfance est derrière moi maintenant, et je me suis aperçue au fil des ans que Noël n'était qu'un jour d'hiver parmi d'autres, une journée de plus où l'univers me rappelait que personne ne m'aimait.

Quand je regarde par la fenêtre de ma chambre et que je vois les rues enneigées, je ne me réjouis plus de passer un hiver blanc, je me fais simplement remarquer de ne pas oublier de mettre mes bottes de neige avant de quitter la maison. Mes yeux ont perdu leur éclat lorsqu'ils contemplent le sapin qui couvrent une multitude de cadeaux de toutes tailles qui ne me sont pas destinés.

Je me demandais donc pourquoi j'avais postulé au village de Noël au poste de lutin, assistante du Père Noël. Pour quelles raisons m'avaient-ils choisie moi plutôt qu'une autre ? Il ne m'avait pas semblé que j'étais très emballée, ma seule motivation étant une excuse pour fuir la maison. Ou peut-être n'y avait-il pas d'autres candidates ? Je penchais plus pour la seconde option, malgré le fait que l'homme qui se chargeait des entretiens paraissait agacé par tout ce qui touchait de près ou de loin au vingt-cinq décembre et à la magie de Noël. Nous n'étions pas si différents en fin de compte.

Je vérifiai une dernière fois qu'il ne manquait rien dans mon sac, attachai mes cheveux en une queue-de-cheval haute et poussai la porte de ma chambre. Je descendis les escaliers à vitesse grand V, pris une pomme sur le comptoir, attrapai ma veste au vol ainsi que mon bonnet, mon écharpe et mes gants.

Quand je passai par le salon, ni Astrid, ni les garçons ne relevèrent la tête. Ils étaient assis dans le canapé et regardaient un dessin animé que les jumeaux adoraient à la télévision. Quant à mon père, il était déjà parti travailler et rentrerait probablement tard, comme souvent. J'avais l'impression d'être une intruse dans ma propre maison. Je supposai que cela expliquait pourquoi je cherchais sans cesse une excuse pour passer du temps dehors. Donner des cours de soutien, m'inscrire au club de journalisme du lycée, des leçons d'athlétisme le samedi et des jobs d'étudiants à toutes les vacances scolaires.

Une fois mes bottes enfilées, je fermai la porte à clé derrière moi et m'engouffrai dans les rues froides où la bise me fouettait le visage. Je soufflai tout le long du chemin pour tenter de me réchauffer, mais rien n'y fit. Même emballée comme un bonhomme de neige, le froid me saisissait, m'attaquant de toutes parts. J'étais cernée par les courants d'air glacés d'hiver et je frissonnai avant d'accélérer le pas.

Je finis par arriver à destination et entrai dans un petit café très chaleureux où j'avais l'habitude de retrouver une amie pour discuter. Nous n'étions pas dans le même lycée étant donné qu'elle se rendait dans un établissement privé à New York, à près de quarante minutes de route.

— Annabeth !

Hazel me fit un signe de la main depuis une table du fond qui donnait sur la fenêtre. A travers la vitre, on avait une vue imprenable sur la rue enneigée et les maisons scintillant des décorations de Noël.

— Salut, dit-elle.

— Salut.

— Je t'attendais pour commander.

Le serveur, seul employé en salle, vint justement à notre rencontre. Il ne devait pas avoir plus de dix-huit ans, voire dix-neuf ans. Il avait les cheveux châtains et des yeux de la même couleur. Son tablier rouge attaché autour de sa taille et son carnet en main, il nous offrit un grand sourire.

— Bonjour mesdemoiselles. Je m'appelle Ethan, je suis le nouveau serveur.

— Bonjour, Ethan. Je m'appelle Hazel et voici mon amie, Annabeth.