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Alféa tourmentée

Avant, Lélia aimait peindre. Dans sa chambre, au palais, il y avait un chevalet. Une toile reposait dessus. Parfois, elle était blanche. Parfois, elle était décorée. Une multitude de taches de couleurs, des détails aux nuances multiples. Des hommes, des femmes, des paysages. Tout et rien à la fois. Une multitude d'idées qui fourmillaient dans son cerveau. Elle avait envie de finir le tableau avant même de le commencer ; car une autre idée la submergeait déjà.

Mais c'était avant, avant que le monde s'écroule autour d'elle. Que son esprit se brise ; qu'elle se sente si coupable. Depuis, elle n'osait plus toucher à ses tableaux. Elle n'avait plus le droit de s'épanouir.

Sa première nuit à Alféa fut difficile. Elle était allongée sur le dos, la couverture poussée jusqu'à ses chevilles. La lueur de la lune filtrait par la fenêtre dépourvue de volets. Ses yeux, grands ouverts, fixaient le plafond. Un silence profond régnait dans la pièce et bien plus encore, dans toute l'école. La porte était fermée à clé. Elle était seule. Désespérément seule.

Elle repensa à Brandon, qui se tenait bien droit sur l'estrade, derrière la reine. Il n'avait même pas daigné la prévenir qu'il accompagnerait la reine. Il ne lui avait pas dit qu'il serait ici, lui aussi. Pourtant, il savait que Lélia avait besoin de l'avoir à ses côtés. Pour lui assurer qu'elle ne faisait rien de mal. Quelqu'un qui connaisse tout d'elle ; jusqu'à ses pensées inavouables. Mais il ne l'avait pas prévenu ; peut-être en avait-il marre d'être son Ange-Gardien. Lassé de répéter les mêmes choses sans être écouté.

L'angoisse de Lélia arriva peu à peu, doucement, avant de la submerger. Comment allait-elle faire, toute seule ? Emprise avec elle-même et son esprit ? C'était la pire chose qui pouvait lui arriver. Il fallait qu'elle rentre au palais. Le plus tôt possible, par tous les moyens.

Sans réfléchir, elle sortit de son lit. La plante de ses pieds rentra en contact avec le froid du sol, ce qui lui provoqua un frisson dans tout le dos. Elle enfila le premier gilet qu'elle trouva, enfila ses chaussures sans chaussettes et ouvrit la porte le plus silencieusement possible.

La lune éclairait le salon de manière effrayante. Des ombres, invisibles le jour, campaient sur les murs, si immenses. Ce ne fit qu'accentuer l'angoisse de Lélia. Il fallait qu'elle sorte. Les paumes de ses mains devinrent moites et son pouls accélérait à chaque seconde qui passait. Ses jambes lui offraient des impulsions électriques désagréables. Elle ne devait pas rester dans cet endroit.

Sortir dans le couloir des dortoirs était une étape facile. Il ne semblait pas y avoir de garde, ni de ronde. L'école était moins gardée que le palais. Lélia était persuadée de pouvoir emprunter le chemin principal sans rencontrer la moindre embûche.

Sa respiration lui paraissait bruyante dans ce vaste endroit, si calme. Qui aurait pû imaginer qu'une guerre s'était menée ici, quelques mois plus tôt ? Que des crimes y avaient été commis ? Elle repensa à la plaque ornée de fleurs qu'elle avait aperçu dans la journée. Comment l'école pouvait encore tenir debout et accueillir de nouveaux étudiants sans la moindre honte ?

Soudain, alors qu'elle se pensait seule, elle entendit des pas. Elle s'arrêta immédiatement, au milieu du couloir. Elle coupa sa respiration et tendit l'oreille. Les pas semblaient s'éloigner. Sa curiosité l'incita à se diriger vers le bruit. Cachée derrière un amas de plantes, elle avait une vue imprenable sur le hall d'entrée. Une jeune femme lui tournait le dos, une immense cape sur les épaules. Elle semblait chaude et Lélia imagina que c'était de la fausse fourrure. Pourvu que ce soit de la fausse fourrure. Des cheveux blonds, courts. Une autre jeune fille arriva. Elle avait des vêtements bleu foncé, qui ressemblaient à une tenue de sport. Elle avait les cheveux très courts et bouclés. Sa peau était noire.

Burning Water | Fate the Winx SagaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant