12. Mauvais vin rouge

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On a tous en nous quelque-chose de Dionysos.

- Nous, complètement saouls. 



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Ce matin chez les Midoriya, un bourdonnement sourd et désagréable s'élève dans toute la maison. C'est le mécanisme de la plate-forme élévatrice qui remonte. C'est exceptionnel de l'entendre ronronner aussi tôt dans la journée. Lorsque le petit ascenseur est au plus haut, le bruit cesse et la porte s'ouvre dans un déclic bien particulier. Le fauteuil roule et s'engouffre dans la chambre.


- Tu me fais chier !


La porte claque. 

La colère qui flotte dans l'atmosphère ne redescend pas pour autant et les sanglots épuisants de sa mère lui parviennent même à travers la porte fermée. Au moins, il ne les ressent plus. Il se laisse tomber du fauteuil pour retrouver sa place sur la moquette toujours plus crade au fur et à mesure que les jours passent et s'allonge sur le dos, bras et jambes écartés, en prenant soin d'expulser l'air de ses poumons jusqu'à ce qu'il ne reste rien. Puis il bloque sa respiration. En quelques secondes, sa gorge brûle et son cœur palpite. Son corps envoie des signaux d'alerte à la partie encéphale de son cerveau pour le forcer à reprendre de l'air mais rien n'y fait, il se laisse suffoquer. C'est agréable de passer aussi près de la mort. Ce n'est qu'au moment où les larmes commencent à poindre au coin de ses yeux qu'il lâche l'affaire et s'autorise à respirer. Dans un violent bruit d'aspiration, il prend une grande bouffée d'oxygène. 

Au rez-de-chaussée, la crise de larmes n'est toujours pas terminée. Il s'est encore montré injuste envers Inko et lui a hurlé des choses qu'une mère ne devrait jamais entendre de son fils.

C'est con putain, parce que ce matin il avait faim et sa tête n'était pas broyée sous de violents tourbillons d'alcool comme il en est coutume depuis qu'il est rentré chez lui. Il n'a pas bu la veille, seulement gobé deux doses de Bliss pour s'exploser la gueule et apporter un peu de légèreté à ses pensées. A son réveil, quelques résidus du psychotrope se promenait encore dans les multiples rues de sa cervelle et trompait sa dépression. Pendant quelques instants, il s'est laissé avoir. L'illusion était forte, c'est tout le problème avec ce genre de came. Elle vous créer des émotions que vous n'êtes plus capable de ressentir, des trucs factices qui vous font croire au bonheur le temps d'une soirée sans préciser son impermanence. Et quand tout fout le camp, c'est encore pire qu'avant. La réalité vous rattrape et vous pisse dessus sans même essayer de vous faire croire qu'il pleut. Les effets de la drogue s'estompent et vous réalisez que votre plaisir venait de là, pas de vous. Il faudrait en reprendre un peu, juste un peu... 

Toujours est-il qu'au moment où ses paupières se sont ouvertes et où son ventre s'est mis à gronder de faim, il pensait qu'un petit-déjeuner avec sa mère lui ferait plaisir. Mais tout s'est effondré d'un coup quand il est entré dans la cuisine et qu'elle s'est mise à émettre ces émotions de compassion et de chagrin à l'arrière-goût dégueulasse. 

Il a essayé. Il a vraiment essayé de passer au-dessus. Il aurait pu y arriver si seulement Inko ne s'était pas mise à parler du train de vie désespérant de son fils en plus de ça. Elle s'inquiète parce qu'Izuku ne sort pas et elle voudrait reprendre contact avec le psychiatre qui le suivait à la maison d'accueil. Mais ça ne sert à rien, putain, pourquoi elle ne veut pas comprendre ça ? Pourquoi s'acharne-t-elle à penser qu'il y a quelque-chose à sauver ?

C'est affligeant de naïveté.

Il a dit non une première fois. Elle a insisté. Elle n'aurait pas dû insister, bordel. C'est sa faute s'il a dû se mettre en colère, c'est parce qu'elle n'écoute pas. Personne n'écoute jamais Izuku quand il veut dire non. Mais maintenant c'est différent parce qu'il veut se faire entendre malgré tout. Alors ce matin, tout naturellement, il a laissé sa rage prendre le dessus sur le reste, si tant est qu'il reste quoi que ce soit, et il a crié jusqu'à ce qu'elle se brise.

DéliquescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant