Chapitre 24 : Infiltration

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     Après une bonne demi-heure à faire le guet devant la maison des Judrel, Ewen et Maggie relâchèrent la pression qui s'était installée et s'assirent sur le pas de la porte.

« —Tu ne veux toujours pas m'expliquer ce qui est en train de se passer ? demanda Ewen plein de rancœur.

—Oui, de toute façon je me suis sûrement encore trompée alors...

—Dis quand même. »

      Maggie n'eut pas le temps de dire un mot qu'une voiture fit son apparition au loin et en sortirent leurs deux collègues qui avaient visiblement l'air morose.

« —Autant te raconter quand elles seront là elles aussi.

—Je ne suis plus à ça près. »

      Les deux jeunes femmes s'approchèrent des détectives assis sur le sol, et prirent place à leurs côtés, Djamila auprès d'Ewen et Béthanie de Maggie.

« —C'est quoi ces têtes ? les questionna Ewen sans pour autant avoir récupéré une once de bonne humeur.

—On vient d'échouer lamentablement à une mission que nous avait confiée Patron, lui répondit Béthanie.

—Et c'était quoi cette mission ?

—Surveiller quelqu'un, lâcha  rageusement Djamila.

—Oh sûrement le même quelqu'un qu'attendait Maggie et dont je suis incapable d'en deviner l'identité. »

      Cette dernière réplique fut lancée sur un ton cinglant, accompagnée d'un regard noir en direction de sa jeune collègue.

« —De votre côté aussi c'est pas la joie on dirait, se moqua Djamila.  C'est pas bien de garder ses petits secrets pour soi Maggie.

—J'allais lui raconter juste avant que vous arriviez, tenta de se justifier la dernière recrue de la petite équipe. J'avais besoin de réfléchir, je voyais l'enquête sous un jour nouveau, alors il fallait que je remette chacun des éléments à sa place.

—Et ça donne quoi ? l'interrogea Béthanie tout doucement.

—Pas grand-chose je pense. Malheureusement...

—Dis quand même, peut-être que ça a un rapport avec la personne que nous devions surveiller.

—Je pensais... »

     Maggie s'arrêta net dans sa lancée et se figea de tout son corps, jusqu'à en réduire sa respiration, tous sens en éveil.

« —Ah non ça va pas recommencer ! s'énerva Ewen.

—Chut ! lui ordonna Maggie. »

      Les trois autres détectives se figèrent à leur tour, espérant repérer ce qui avait déjà fait réagir Maggie juste avant eux. Un silence abyssal régnait dans le jardin des Judrel. La maison était isolée de tout, loin de la circulation, dans un endroit paisible où seulement quelques agriculteurs venaient perturber ce silence à quelques moments clés de l'année, ce qui n'était pas le cas actuellement.

      Quelques secondes s'écoulèrent. Ewen, Béthanie et Djamila allaient perdre patience et relâcher la tension qui s'était installée dans leur corps lorsqu'un bruit inhabituel se fit entendre. Des pas. Des pas étouffés par l'herbe, mais des pas tout de même, ils en étaient certains.

      Tout en leur faisant signe de faire le moins de bruit possible, Béthanie se leva et incita ses collègues à l'imiter. Les quatre détectives avancèrent tout doucement à pas feutrés, pliés en deux pour ne pas être vus des fenêtres sous lesquelles ils passaient en longeant le mur de la maison, à la queue-leu-leu avec Béthanie à sa tête, guidant leur petite troupe. Béthanie essayait de se concentrer au maximum sur son audition pour tenter de repérer la provenance des bruits de pas, sans pour autant négliger l'attention qu'elle portait à sa discrétion.

     Les bruits de pas perçus une première fois par Maggie et une seconde fois par tout le monde semblaient s'être de nouveau tus. Béthanie s'arrêta, stoppant par la même occasion l'avancée de ses collègues. Tous les quatre tendirent l'oreille, or les bruits paraissaient avoir complètement disparus, laissant de nouveau place au silence normalement apaisant de la campagne mais incroyablement stressant dans ce cas.

« —Putain je crois qu'on l'a encore perdu, pesta Béthanie en chuchotant, donnant ainsi le ton à la conversation qui s'ensuivrait.

—On ne peut pas l'avoir perdu dans un jardin, rationalisa Maggie qui était entièrement consciente de la dangerosité de la situation. D'autant plus qu'il ne doit pas être très loin étant donné qu'on a réussi à entendre ses bruits de pas étouffés par l'herbe de là où on était.

—Oui, tu as raison. Mais on doit rester à couvert, on ne sait pas ce qui pourrait se passer dans la précipitation.

—C'est quand même étrange qu'on ne l'ait pas aperçu plus tôt, dit Ewen dans ses pensées. De là où on était, on avait une bonne vue sur toute une partie du jardin et s'il était si près que ce qu'on imagine, on aurait dû l'apercevoir.

—Sauf si on s'attendait à le voir, renchérit Béthanie avec un soupçon d'excitation dans la voix.

—Je ne veux pas casser ton délire, reprit Ewen qui était de retour dans le monde réel, mais je ne m'attends à voir personne ici mise à part Carla, Rosalita et ses parents. Et encore, je ne vois pas quel intérêt ils auraient à essayer de se dissimuler de nous.

—Ou alors on l'a vu sans le voir, dit Djamila en pointant son doigt dans une direction du jardin. »

     Les trois autres détectives suivirent la ligne imaginaire qui liait le doigt de Djamila à un endroit précis et comprirent tout de suite ce qu'elle voulait dire. Toute une partie du jardin était constituée de statues de pierre représentant des femmes nues et ornées de belles fleurs parfaitement entretenues. C'était un petit espace de repos où se trouvaient un jacuzzi à demi enterré dans le sol, quelques bancs de pierres, des transats à l'air beaucoup plus confortable que les bancs, ainsi qu'un petit cabanon, sûrement pour se changer avant de s'immerger dans le jacuzzi.

« —Alors nous recherchons une femme qui pourrait prendre l'apparence de ces statues, affirma Ewen toujours dans le flou depuis le début. »

     Personne n'eut le temps de lui répondre puisqu'un grincement se fit entendre tout près d'eux, sur une autre face de la gigantesque maison.

« —La fenêtre de la chambre de Carla ! s'écria Maggie qui avait perdu toute notion de discrétion et qui entama un petit sprint, aussitôt imitée par ses collègues qui comprirent ce qui était en train de se passer. »

      Juste avant d'atteindre la fenêtre de l'adolescente, Maggie s'arrêta net dans un équilibre parfait, toujours imitée par ses collègues. Elle leur fit signe de ne pas faire de bruit, comme l'avait fait Béthanie quelques minutes avant elle, et ils se remirent à écouter ce qui se passait. Cette fois, l'attente ne dura pas longtemps puisqu'un cri aigu provenant sans aucun doute possible de Carla retentit dans la maison et le jardin.

     Oubliant qu'elle n'avait pas fait de sport depuis un moment, Maggie sauta par la fenêtre ouverte de la chambre de Carla avec une facilité permise par l'adrénaline qui avait pris possession de son corps. Ses collègues l'imitèrent et ils se retrouvèrent face à une Carla terrorisée, prise au piège par la personne qu'ils pistaient depuis un moment.

Fête de fin d'annéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant