Chapitre 29

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Les yeux rivés vers le ciel, l'ancien soldat semblait se perdre dans de profondes pensées. Son fidèle manteau sur les épaules, il fut insensible au froid mordant de cette soirée. Seul le son du vent fut discernable, étouffant tout bruit extérieur. Une clope dans le bec, le noiraud se fit une soudaine réflexion. S'ils continuaient ainsi l'entièreté des habitants finiraient par devenir accros à ces bâtons de nicotines.

Comme si ce dernier avait perçu ses pensées, la porte du balcon s'ouvrait, découvrant ainsi le visage de son acolyte. Ce fut avec une certaine surprise, qu'il remarqua la cigarette présente dans ses mains. Face à cela, il laissa échapper un léger ricanement.

-Que me vaut une telle réaction ? Questionna le blond, curieux.

-Rien, une simple réflexion.

Voyant qu'il ne désirait pas étoffer ses propos, le jeune homme se contenta de hausser les épaules. S'avançant vers son ami, il se retourna pour s'appuyer dos à la balustrade. Décidant de l'imiter, il leva ses pupilles bleutés vers l'étendue sombre et nuageuse

-Il va bientôt pleuvoir...

-Sûrement...

-C'est ce soir hein ? Que William se rend chez Milverton...

-Ouais...

Le manque évident de paroles du noiraud n'échappa pas au blond. Habituellement, Moran semblait en proie à une bonne humeur communicative. Cependant, James savait que cela se révélait être une façade. L'ancien soldat se réfugiait dans l'alcool et dans la débauche pour oublier. Oublier les horreurs de la guerre. Il voulait tirer un trait sur cette partie de sa vie, la faire disparaître de sa mémoire. Ainsi, le jeune homme pourrait vivre en paix.

Pourtant, il ne pouvait se résoudre à faire cela. Il avait rencontré tant de personnes en Afghanistan, des hommes qui resteront à jamais ses compagnons d'armes, non, des frères. Si pour se débarrasser de ses tourments, il devait renier ses visages, alors il ne le ferait pas. Pour rien au monde.

Voir son unité se faire entièrement décimer fut un horrible traumatisme. Ce dernier le poursuivra toute sa vie, sans aucun doute. Il avait même cru à sa propre mort. Cependant, la faucheuse semblait clémente avec lui et ne désirait pas encore sa présence.

-Tu désapprouves la décision de William ?

-C'est son choix, je n'ai rien à redire là-dessus.

-Vraiment ? Dis-moi sincèrement ce que tu penses. Soupirant de lassitude, le noiraud éteignit brusquement sa cigarette contre la balustrade.

-J'aimerais qu'après tout cela, William puisse vivre une vie ordinaire. Qu'après tous ces sacrifices, il puisse enfin vivre en paix. Mais ce n'est pas ce qu'il désire...

-Il veut assumer tous nos crimes, tout porter sur ses épaules...

-C'est rageant ! On aurait pu croire qu'il faisait cela car ils nous considéraient comme de vulgaires pions, mais- !

-Mais c'est l'inverse... Il désire que nous, nous vivions heureux... Quitte à se sacrifier pour cela...

-Tous ces gens qui le considèrent comme un monstre, cela me rend malade ! En réalité, William est juste une personne extrêmement gentille... Pourquoi personne ne veut le comprendre ?

Face à cela, le blond ne sut quoi rétorquer. Il avait déclaré tout haut, ce que tous pensaient tout bas. Chacun d'entre eux désirait ardemment le sauver, le faire changer d'avis, mais ils savaient que cela n'était qu'un vain espoir illusoire.

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