Je me réveillais brusquement. Encore ce même rêve qui se poursuivait nuit après nuit, depuis exactement un an. Chaque fois, je me voyais lire une nouvelle page de ce grimoire, apprenant de nouvelles choses sur son univers enchanté. Et tout ça dans une continuité parfaite, sans aucunes incohérences. Comme un film qu'on me passerait jour après jour, scènes après scènes.. mais cette nuit, je le savais, mes songes seront peuplés d'autres histoires, j'avais définitivement tourné la dernière page de ce livre.
Pourtant je ne parvenais pas a la sortir de ma tête. Elle résonnait bien trop en moi. Et j'avais l'étrange impression que ce n'étais que le début d'autre chose, beaucoup plus grand qu'un simple songe évaporé.
Puis la réalité me frappa de plein fouet et je basculai trop brusquement, sans transition du rêve a l'enfer. Comme chaque matin, comme a chaque réveil, l'horreur de ma condition se rappela a moi.
Dans la cage qui me servait de chambre, j’essayais, en vain, de faire disparaitre de mon esprit cette dérangeante envie d’incendie qui s'était soudainement réveillée. Tel un démon me possédant, la flamme orange caressait mes doigts, pulsait derrière mes yeux, brulait mon estomac. Je n’avais qu’une seule envie, que ce brasier sorte, enflamme la pièce et que tout ce laboratoire parte en fumée avec elle. Tant pis pour les horribles gens qui s’y cachaient. Prenant conscience de ce que je venais de souhaiter, je repoussais cette idée avec angoisse tout en me grattant la peau du bras jusqu'au sang. C'était devenu une vieille habitude me laissant des cicatrices mais qui réussissait a m'empêcher de trop penser. Je me concentrais alors sur la douleur plutôt que sur le feu me torturant. Depuis quand mon esprit était devenu aussi malsain ? Avant, jamais une chose pareille ne me serait venue à l’esprit. Détruire tout un bâtiment, rempli de centaines de personnes, simplement pour ma satisfaction et ce, avec un certain soulagement, ne me ressemblait pas. Mais depuis quelques temps, j’étais poussée à bout. Cela devenait trop dure et la présence dérangeante dans mon esprit ne faisait que croitre, prenant de plus en plus de place. C’était bien la preuve qu’il me fallait trouver un moyen d’arrêter cette étrange possession, coute que coute et malheureusement seule, sans pouvoir demander de l’aide à quiconque. Et encore moins aux Hommes me gardant enfermée ici. Si jamais les scientifiques, ou plutôt mes tortionnaires, apprenaient que mon esprit est si dérangé, ils redoubleraient d’efforts pour parvenir à leurs fins. Et s’ils réussissaient à trouver le
Ni moi, ni personne d’ailleurs, n’arriverait à me contrôler. Il y aurait de la casse, du sang, des brulures, peut-être même des morts. Je ne serais plus moi-même, mais rien de plus qu’un horrible monstre dévorant tout ce qui se trouve sur son passage par les flammes. Et alors, ce sera la fin. Evidemment, je n’aurais plus à me cacher, je serais libre et forte. Le feu ne dicterait plus ma vie et aurait ce qu’il veut. Je deviendrais la plus puissante des créatures. Plus personne ne pourrait me faire du mal. Mais était-ce vraiment ce que je voulais ? Evidemment, la réponse était non. Pourtant, de jour en jour, au fur et à mesure que les scientifiques revenaient me pousser à leur livrer ce don, ce fardeau, cette perspective me semblait de plus en plus alléchante. Et cela me terrifiait. Je devais absolument m’échapper avant que leurs innombrables expériences ne viennent à bout de ma résistance et que ces simples pensées, pour l’instant inoffensives pour les autres, ne prennent la forme de véritables décisions.
Soudain, la cloche retentit et une voix me tira de mes sombres pensées, m’entrainant dans un cauchemar plus horrible encore. Mes poils se dressèrent sur mes bras et une boule de stress se forma dans mon estomac. Malgré tout, je masquai ma peur et relevai la tête. Ces monstres ne devaient pas voir qu’ils avaient de l’emprise sur moi. Une voix grave et faussement mielleuse dérangea le silence de ma cellule.
-Chère Oriya… quel plaisir de te revoir !
Evidemment… le pire de tous mes geôliers.
-Ne fais pas semblant avec moi, Xar. La seule chose qui te fait plaisir dans l’idée de me revoir est de pouvoir m’extirper mon pouvoir.
Un sourire mauvais fleurit sur son visage.
-Tu es bien perspicace ma petite dragonne.
Une colère sourde monta en moi. Ce surnom faisant référence à son horrible but me mettait hors de moi.
-Arrête de faire semblant. Qu’on en finisse une bonne fois pour toute. Soufflais-je.
-Tes désirs sont des ordres. Tu connais les règles. Sois-tu collabores, soit tu souffres. Dans tous les cas, je gagnerais.
Mon regard haineux fut ma seule réponse.
-Très bien.Ces séances de tortures me laissaient toujours extenuées, quelques fois même inconsciente. Mais mes efforts étaient toujours récompensés, aucune étincelle n’illuminait jamais mes doigts. Seulement aujourd’hui, c’était différent. Je l’avais senti, le feu avait envahi mes veines, jusqu’à illuminer mes doigts d’une lueur orangée. J’avais essayé de le cacher mais mon tortionnaire avait agrippé mes poignets, éclatant d’un grand rire. Moi, j’étais resté tétanisée, horrifiée. Décidant qu’il m’avait assez fait souffrir pour l’instant, il me repoussa violemment dans ma cage, toujours souriant, triompheur.
-A bientôt jolie dragonne.
Quand il eut enfin refermé la porte, je m’effondrais. Une flammèche crépita alors, atteignant une mèche de mes cheveux. Alors que je pensais qu’elle ne ferait que roussir, ma mèche disparut carrément, totalement brulée. Regardant mes doigts toujours orange, je me sentais comme trahie. C’en était trop. Il fallait que je fuie, très vite. Mais pour l’instant, je n’avais pas la force de réfléchir à quoique ce soit. Assise, je repliai mes genoux contre ma poitrine. De peur que l’on m’entende, je refoulais le cri que je rêvais d’entendre. A la place, ce fut de gros sanglots qui résonnèrent dans la pièce exigüe. Je sentis l’angoisse s’emparer de moi, m’empêchant de réfléchir correctement. Une seule chose tournait en boucle dans ma tête « je suis dangereuse, il faut que je parte. Je suis dangereuse, il faut que je parte. »
Certes, mais comment faire ? Muée par une étrange intuition, j’avançais ma main vers les barreaux, curieuse de ce que la chaleur pourrait faire. Je ne m’attendais à rien, ou au mieux, à ce que le métal fonde très légèrement. Pourtant, ce ne fut pas un simple creux que mes doigts produisirent, mais carrément un trou, faisant largement ma taille si je passais à quatre pattes. Mon cœur rata un battement, et je retins mon souffle alors que je passai ma main par la sortie, pensant à une illusion de mon cerveau fatigué. Mais ce n’étais pas un rêve, loin de là. C’était ma seule chance. Je n'avais pas le choix, si jamais les gardes voyaient cela, ils comprendraient de suite et en plus de redoubler d’efforts pour que je recommence, ils me mettraient dans une cellule bien plus protégée où il me serait bien plus difficile de m’évader. Je devais partir maintenant, sans même prendre le temps de réfléchir. Prenant mon courage à deux mains, je me répétais comme une prière la formule porte-bonheur que ma mère m’avait appris. Ma mère me parlait souvent dans une langue connue d’elle seule. « I’sha nur lifi » : regarde toujours les étoiles. Sans vraiment comprendre le sens de cette phrase, je l’utilisais maintenant comme un mantra, héritage de ma mère maintenant morte, je l’utilisais comme si son souvenir pouvait me protéger. Le cerveau comme embrumé, j’avançais à quatre pattes vers l’ouverture. J’entendis alors des bruits de pas dans le couloir. Mon cœur se mit à battre a cent à l’heure. J’avançais plus vite, soucieuse de sortir de ma cage avant qu’un des scientifiques n’ouvre la porte. Quand soudain, une terreur inexplicable me prit. Je ne pouvais plus bouger, j’étais paralysée par une force inexplicable. Et ce fut sous les yeux ébahis de Xar que je disparus. Je sentais comme une force me tirant vers le bas. Puis je fus comme noyée par mes propres pensées, matérialisées sous la forme d’un océan. J’avais beau me débattre, les sombres vagues me ramenaient encore et toujours sous l’eau. Je commençais à paniquer lorsque qu’un trou s’ouvrit sous mes pieds. La chute me sembla durer aussi vite qu’un éclair et aussi longtemps que l’éternité. Malheureusement, je n’eus pas le temps de voir ou je me trouvais car mon atterrissage fut brutal. Ma tête tapa contre quelque chose de dur et je perdis connaissance.
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Ces Souvenirs Oubliés
FantasyTout commence d'un grimoire. Un grimoire qui ne vit que dans ses rêves. 365 pages qui la reliaient sans qu'elle le sache a son histoire. Une enfance dont elle ne se souvenait pas. Un monde magique, en guerre. Des pouvoirs surnaturels. Des amis, des...