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« Ils veulent récupérer toutes les sources de pouvoir ».

Collés sérrés au milieu des globes oculaires et des phalanges arrachés, rassemblés pour se rassurer, la sentence tomba. Un frisson me parcouru et je regardai mes mains en cachette. Je mimaginais manchot, borgne, ou les deux a la fois. Cette vue me répulsait. Pourquoi faire une chose pareille ?

-Par cruauté. Pour le pouvoir. Pour tout un tas de raisons que les âmes pures ignorent.

Je navais pas eu conscience davoir parler tout haut. Et contre toutes attentes, avoir une réponse mavait quelque peu rassurée. La cruauté : je connaissais. La soif de pouvoir : aussi. Je lavais même expérimentée un temps, enfermée dans ma cage. Bien sûr, javais peur, et je ne comprenais pas comment lon pouvait être corrompu a ce point. Mais je savais que je ne devais pas me battre contre une entité irréelle. Et cela me soulageait. Lutter contre une quelconque magie, oui, cela mhorrifiait. Mais contre un être fait de chair et de sang ? Personne nétait immortel.

Alors je commençais le grand nettoyage. Sans ordre, sans approuvation, ni demande. Je nattendais rien de mes amis. Je faisais ce que javais a faire et cétait tout. Je rammassais chaque main, chaque il, pour les ramener vers leur corps. Cétait bien peu, mais cétait déjà quelque chose.

Evidemment, je mattendais plus ou moins a ce quils finissent par faire de même. Mais pas a ce que ce soit Sorin qui me rejoingne en premier. Et encore moins a ce quil me regarde droit dans les yeux un instant, me pétrifiant tout en accélérant les battements de mon cur, avant de me relacher avec un petit signe de tête assorti dun sourire approbateurs. Je déglutis, puis me maudit dêtre autant destabilisée. Je minsultais carrement quand je sentis mes joues chauffer. Idiote ! Me souvenant soudain de ce que jétais entrain de faire, je me refroidis dun seul coup et repris ma tâche peu ragoutante suivie de près par Arhem, toujours prêt a me soutenir, puis dAfra et de tous les autres. Arhem sapprocha de moi et tout bas pour que je soit la seule a lentendre il me lança : « Continues comme ça. Tu es sur la bonne voie ». Ce simple encouragement me réchauffa le cur et me poussa a travailler avec plus dardeur encore.

De nombreuses longues et douloureuses heures plus tard, je ne pouvais plus me baisser, tourner la tête ou encore bouger un doigt sans grimacer de douleur, mais le sol était juste recouvert de cailloux et enfin vierge de tous organe humain. Les fosses étaient recouvertes de terre, recouvrant ainsi les corps. Jétais assez fière de nous. Nous étions tous recouverts de poussière et nos mains étaient toutes tâchées de sang et de terre (en oubliant évidemment Artan qui, lui, ne se déplaçait jamais sans ses gants) mais nos âmes étaient apaisées. Accomplir une bonne action, aussi pénible soit-ellen apporte toujours un sentiment de plénitude incomparable.

Evidemment cela nenlevait ni lhorreur ni la colère que je ressentais en pensant a ce massacre mais javais au moins limpression davoir pu réparer une part infime des choses. Je neffacerais jamais les morts et je ne pourrais même pas leurs offrir une sépulture individuelle et décente, avec des pierres sur lesquelles gravées leurs nom, je ne pourrait pas non plus me souvenir de leur visage, mais ils ne seront pas a demi exposés aux intempéries et aux fringales animals.

Je pouvais aussi tenter de leurs rendre un dernier hommage. Alors devant ce caveau rebouché, je pris les mains de deux de mes amis, ils firent de même jusquà créer une chaîne. Même notre chef participa. Quand tout le monde fut attentifs, je commençai a parler. Je ne madressais a personne ou peut-être a tout le monde. A eux, aux dieux, au ciel, a la terre, aux vivants, aux morts, a qui voulait mécouter. Au fond peu importait.

Seules les paroles et leur résonnance comptaient. Moi-même, plus tard, je ne souvenais plus de ce que javais raconté ce soir là. En revanche je me rappellerais toujours de lénergie qui était passée et des impacts que cela avait pu avoir, sur mes compagnons et sur moi. Cela, ça ne soubliait pas. Javais parlé longtemps. Très longtemps. Sans pause. Sans hésitation. Les mots coulaient tous seuls. Je crois bien ne navoir jamais autant parlé de ma vie. Et pourtant, il ny eut aucun signe dimpatience, de fatigue ou dennui. On écoutait. On ressentait. Bien après que jeus prononcé le dernier mot de mon discours, aucun de nous ne bougeait. Je ne me souviens même plus comment nous avons décidé de continuer notre route. Je crois que jaurais pu rester ainsi pour léternité. Vidée de toutes pensées.

Mais lUnivers avait dautres plans pour nous. Dont celui de renverser la Reine Cruelle et toute sn armée de soldats opposés a toute loi. Tout un programme. Qui ne laissait pas vraiment de place pour le repos et loisiveté. Et cela mes compagnons lavaient bien compris. Fini de se cacher, immobiles dans une clairière. Maintenant nous courrons, marcheront, ramperont, tans que cela nous ferait avancer. Les entraînements reprendraient, en deux voir trois fois plus intenses. La fin du règne de la terreur prendrait bientôt fin. Et le décompte était lancé.

Ces Souvenirs OubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant