D'un pas décidé, je traverse l'étage sans la moindre attention aux personnes qui m'entourent. Je suis folle de rage. Comment a-t-il pu me faire ça. Des explications s'imposent et je compte bien les avoir maintenant. Je ne prends pas la peine de frapper et rentre sans y être invitée fracassant la porte contre le mur.
Mon cher patron ne semble même pas surpris de ma visite et affiche un sourire sournois sur son visage. Il savait que j'allais réagir violemment à son mail.
- Tu te fous de moi ? m'énervé-je aussitôt.
- Bonjour, chère Morgane, un souci peut-être ?
Il maintient son regard assuré comme pour me pousser à bout. Si seulement l'acte de frapper son patron pouvait être blâmer seulement par un avertissement... J'en aurai beaucoup, soit, mais je garderai mon travail. Je ne peux que le regarder sévèrement, retenant toutes les injures qui s'accumulent dans mon esprit.
- Tu l'as fait exprès. Tu savais pertinemment que je ne voulais pas de ce sujet. Arsène aurait adoré le faire mais non tu me le colles et pour une immersion de 6 mois, c'est quoi ces conneries encore ?
- Tu n'as pas lu le mail en entier je vois ... intervient-il en essuyant le bord de son bureau du plat de la main. Comme si une poussière pouvait traîner dans ce sanctuaire.
Haussant les sourcils, je me plante devant lui attendant la suite de son projet complètement ridicule.
Semblant reprendre son sérieux, il appuie son menton sur ses mains et me regarde sévèrement.
- Comme tu le sais, notre magasine s'intéresse de près depuis plusieurs mois à tout ce qui concerne ce que nous appelons communément les « no life ». Nos derniers numéros ont cartonné. A croire que de voir des gens dépérir sur internet passionne. Bref ...
- Et ?
- Nous allons faire un article sur les réseaux sociaux mais selon nos estimations ce type de public n'y adhère pas du tout et vivrait plus dans une sorte de monde virtuel...
- Purée Manu je le sais tout ça ! Mais pourquoi moi ? Tu sais que j'ai en horreur ce type d'article et avec un compte rendu chaque jour en plus ! T'es sérieux ?
- Ah tu vois que tu as vu le mail ! rigole-t-il.
Je boue intérieurement. C'est bien simple, il se moque complètement de moi. Son statut m'impose une certaine retenue malgré que, finalement, je ne me retiens pas tant que ça. Il a beau être mon patron, nous nous connaissons depuis toujours. Je ne préfère pas m'énerver plus. Après une bonne inspiration, je tente de comprendre :
- Oui mais ...
- Tu es parfaite pour ça Morgane, me coupe-t-il. Ce n'est que 6 mois... Nous ne pourrons pas le publier au fur et à mesure pour ne pas attirer les foudre des utilisateurs s'ils se rendent compte que tu es en immersion mais le journal de bord sera important, oui. Franchement, je pense que c'est une chance pour toi de t'intéresser à ce monde. Et puis ... Tu n'as pas vraiment le choix... insiste-t-il rappelant qui commande.
Une fois sortie de son bureau sans avoir oublier de claquer de manière théâtrale sa porte de l'épaisseur d'une feuille de cigarette, je l'entends pouffer de rire sans retenue, n'arrangeant rien mon état d'énervement.
Je travaille pour un magasine sur les nouvelles technologies et leurs utilisateurs. Passionnée d'informatique, j'ai tout de suite accepter la proposition de Manu quand il est venu me chercher. Je ne connaissais pas du tout le monde de l'édition, des magasines et tout ce qui en découle mais je me suis adaptée très vite au vu des taches demandées. La plupart du temps, je dois tester du matériel que j'avoue ne pas rendre à chaque fois, des jeux ou des logiciels. Je suis entrée dans l'entreprise, il y a cinq ans. J'ai tout appris seule sans formation. Le web a été mon meilleur guide pour apprendre tout ce que je sais. A maintenant 25 ans, je me rends compte que j'ai eu une chance inouïe d'être embauchée au sein de cette entreprise. Il y a deux ans, Manu est devenu une des têtes importantes. Nos rapports se sont dégradés largement. Nous nous entendions pourtant très bien mais les choses de la vie nous font changer. Enfin surtout lui.
Depuis plusieurs mois notre magasine, GamePro, concentre ses publications sur les « no life » ce qui signifie « pas de vie ». En réalité les « no life » sont juste des personnes vivant leur vie sur le web par le biais des jeux ou de réseaux bien particuliers. Ils évitent ainsi la vie réelle et vivent finalement leur propre vie sans embêter personne à distance. Leur appellation pour moi est loin d'être la bonne et non justifiée. Par contre même si je les comprends, je n'ai jamais aimé ce monde et Manu le sait très bien. Je ne suis pas une « no life »... Enfin je l'espère. Vivre seule et en complet décalage avec les autres ne me fait pas non plus rentrer dans cette catégorie.
J'ai appris ce matin que je devais donc participé à plein temps sur le nouveau projet : intégrer le jeu « lifetime» et y passer le plus de temps possible en 6 mois voir plus si le sujet nous apporte de l'interêt dans nos recherches. C'est à priori non négociable, au vu de ma conversation avec Manu. Je ne connais pas ce jeu ou cette application, ça dépend du point de vue.... J'en déprime d'avance.
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Only a game
قصص عامةMorgane, journaliste dans le monde de la nouvelle technologie, se retrouve avec une mission atypique. Elle va devoir infiltrer un monde virtuel de tchat 3D pour comprendre les "nolife" fréquentant ces applications. Elle va se retrouver imergée dans...