12

2 0 0
                                    

Un beau jour d'automne, un fermier se leva de bon matin. Bon, il faisait froid, et pas particulièrement beau à vrai dire. Le brouillard tapissait les alentours de sa ferme. C'était dans la campagne profonde, mais pas trop, une heure de voiture séparait la ferme de l'homme de la ville la plus proche, Lyon. Le jour commençait timidement, le brouillard n'aidant pas la percée du Soleil. Le fermier déjeuna rapidement, il savait sa journée baignée de son travail routinier et parfois pénible.

Il gagna le bâtiment où étaient enfermées ses vaches, dont il avait donné un nom à chacune, les connaissant presque toutes depuis leurs années de génisses. Il ouvrit la porte de la bâtisse, entra et ouvrit l'autre bout pour laisser passer le bétail dans son champ d'une taille assez importante. Il surveilla si tout se passait bien, jusque là tout était parfaitement normal. Mais à peine quelques minutes passées, les vaches s'agglutinèrent peu à peu au milieu du champ, curieuses. Le fermier pensa qu'un autre animal était dans le champ, ce qui n'était pas étonnant dans la région, les biches et autres gibiers venaient parfois profiter du lieu, ou passaient comme en coup de vent. Mais cette fois-ci, les vaches paraissaient agitées, apeurées. Le fermier, ne voyant pas spécialement loin étant donné le temps couvert d'une fine grisaille de terre fumeuse, décida de rentrer dans le champ, aussi curieux que ses vaches. Ces dernières s'écartèrent sous ces cris et il tomba sur quelque chose qui brisa son quotidien train-train. Un homme, probablement mort, à demi enterré comme s'il avait poussé tel un légume, nu, était là. Un homme ? Pas sûr, on aurait pu y voir une femme aussi, les cheveux mi-longs, longiligne, mince mais athlétique, mais ayant un peu de chair néanmoins. Le fermier lâcha un cri de surprise qui alarma son bétail, et il courut rejoindre sa maison pour gagner son téléphone fixe, composant le numéro de la police.

Elle vint rapidement, au bout d'une quinzaine de minutes. On prit des photographies, précises et nombreuses. Une autre équipe arriva et on déterra la personne du sol. Les policiers furent tout aussi confus du genre du corps, femme, homme, les deux, tous avaient un pronom différent en bouche, ce qui énerva certains.

L'otopsie également ne pu déterminer le sexe du corps. Une petite poitrine, avec assez de chair pour ne pas être des pectoraux masculins, mais cela pouvait également être de l'embonpoint, car le ventre n'était pas totalement plat, mais un peu quand même, dénué de nombril. La chose la plus étonnante, et ce qui était rare, c'était ses gonades. Ni féminines, ni masculines, à mi-chemin entre les deux. Un penis flaccide était présent, au dessus d'un appareil genital du sexe opposé. Les médecins légistes furent perdus, les deux sexes semblaient avoir une prédominance égale, peut-être tous deux parfaitement fonctionnels. On ouvrit les yeux du corps, des yeux vairons, en amandes, un bleu-vert, l'autre châtain foncé. Ses cheveux étaient bruns, avec des mèches blondes. Et sa peau était parfaitement égale entre blanc et noir, métisse. Un métissage qui n'était pas spécialement précis, car chaque médecin voyait une ethnie différente, impossible de déterminer de quelle origine précise était cette personne. On fit une batterie d'autres tests, afin de préciser ce que le visuel ne montrait pas, mais les résultats furent tout aussi étranges : l'ADN était particulier, il semblait que le corps avait un ADN commun à toutes les ethnies présentes sur terre. Les concordances étaient nombreuses. De plus, srs chromosomes n'avaient aucun sens, il semblait que l'homme, ou la femme, avait à la fois les chromosomes masculins et féminins. D'autres tests, cette fois-ci sanguins, furent tout aussi troublants. Le sang était apparemment frais, en santé excellente, mais ayant quelques prédispositions au diabète et au cholestérol. Le groupe sanguin était inconnu, se rapprochant du O, mais sans l'être.

Le corps, pour revenir à l'aspect physique, ne présentait aucune trace de lutte ou de violences pouvant expliquer sa mort. Pas d'eau dans les poumons, pas de coupures, une mort parfaitement inconnue, probablement naturelle. La seule chose que l'on remarquait, c'était que le corps était un peu terreux, de la tête au pieds, de manière égale. Pourtant, le trou n'était pas profond, et la terre autour du corps n'avait pas été retournée ou dérangée, comme si le corps avait simplement poussé comme un légume. Le corps était en si bon état que l'on crû qu'il avait été placé là dans la matinée, dans l'heure de sa mort.

On questionna le suspect numéro un : le paysan. Ce dernier était confus, raconta les choses exactement comme elle s'était passée, sans jamais dévier de sa version. Il avait simplement trouvé cette personne là. Toutes les charges furent bientôt levées, la justice n'ayant pas assez de preuves.

On fit aussi de nombreux appels à témoins ou connaissances du corps dans différents journaux, mais personne de sérieux ne répondit, tous les appels ou lettres mentionnaient une connaissance ou une autre sans qu'une piste solide ne construise. Après avoir été parue dans les journaux locaux, la télévision réitéra l'appel à connaissances, mais rien de sérieux non plus. Que des "il ressemble à quelqu'un que je connais" mais il y en avait des milliers du même acabit, rien de bien sérieux qui méritait d'amples enquêtes.

Mais ils eurent une lettre bien particulière. Un prétendu enquêteur du surnaturel. Un homme qui se présentait comme spécialiste de la question surnaturelle. Il disait qu'il avait quelques théories. La chose la plus étrange, c'est que la police reçut une lettre d'un corbeau blanc. Ils ne surent pas si cela était sérieux, mais le moyen dont la lettre leur était parvenue était presque aussi étrange que leur enquête, qui, à dire vrai, patinait depuis quelques mois. Le corps était toujours en excellente qualité de préservation, aucune trace de décomposition, ce qui sidéra les médecins légistes qui scandaient au surnaturel. La police décida donc, en dernier recours, de répondre à cet enquêteur bien particulier, qui, dans tout le bazard de bizarreries, pourrait donner quelques pistes. Tous les membres de l'enquête de l'affaire disaient qu'il devaient maintenant répondre aux charlatans, certains même disaient que l'enquête n'avait plus ni queue ni tête.

Mais, à la surprise générale, l'enquêteur vint au commissariat, habillé sérieusement d'un trench-coat gris au bandes noires sur le bas et les manches de l'habit. Sous le manteau, une tenue semblable à celle d'un prêtre. Il portait cinq médailles étranges au niveau de son cœur, certaines argentées, une autre en bronze et d'autres dorées. Il se dégageait une aura de mystère autour de ce personnage. Son bras avait visiblement été perdu. Il demanda à voir le corps, on lui concéda, malgré que la procédure l'interdisait. Mais l'affaire était hors norme, et le bonhomme l'était tout autant. Quelques minutes plus tard, après avoir analysé le corps et parlé aux médecins légistes (il y en avait plusieurs, avec des théories différentes), et leur dit qu'il avait des théories surnaturelles. On l'écouta avec une sorte de fascination incrédule :

<< Je pense que c'est un homonculus. >>

Les policiers et le médecins se regardèrent. On demanda plus de détails.

<< Les homonculus sont des créations. Cette création est soit naturelle, soit produite d'un homme. Mais tout porte à croire qu'elle soit naturelle. Plutôt surnaturelle. >>

On laissa parler l'homme, tous ne savaient comment réagir, rire serait déplacer, y croire relèverait de la folie.

<< Dernièrement, nombre de choses se déroulent dans le monde surnaturel. La nature, surnaturelle aussi, doit compenser tout ce qui se déroule dans le monde paranormal, elle a donc créé une chose qui équilibre le tout. C'est un humain créé par la nature pour balancer le monde surnaturel, pour que la logique ne soit pas brisée. Voilà tout. Ce n'est personne, il n'est né d'aucune mère humaine, voilà pourquoi il n'a pas de nombril et pas de groupe sanguin existant. De plus, il existe tellement de type d'humains différents qu'il fallait à la nature un moyen de balancer le tout en un, en une seule entité. C'est un substrat de l'équilibre naturel, une créature née morte pour libérer ce qui bloque. >>

La police resta silencieuse. Voilà qui expliquait certaines choses, mais c'était du surnaturel et du conditionnel. On remercia l'enquêteur, on nota sa théorie et l'affaire fut classée sans suite. L'entité que l'on avait trouvée fut incinérée, car personne ne pouvait payer une place dans un cimetière, et l'on ne voyait pas l'inconnu finir dans une fausse commune. Alors on l'incinéra, ne laissant plus aucune traces de ce mystérieux personnage ni femme, ni homme, ni blanc, ni noir, ni rien et tout à la fois. Cela resta le plus grand mystère de la police, faisant parfois résurgence dans les médias ou émissions sur le surnaturel. Le fermier n'eût plus aucune nouvelle de la police, il n'essaya pas non plus d'en connaître davantage, peut-être tentait-il d'oublier car l'étrange n'avait pas la place dans son quotidien. 

Jason Corbert / Chasseur d'EntitésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant