Jason Corbert / Chasseur d'Entités

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Six janvier deux mille treize.

A cinquante-et-un ans, Jason était debout, toujours debout. Un corbeau blanc, qui volait au dessus de sa tête, vint se poser sur la manche droite de son trench coat gris. Il faisait noir, la nuit tombait, le froid était plus que mordant, il lacérerait le moindre petit bout de peau mal couvert. Mais Jason restait là, du bout de ces cinquante et une années, l'âge se voyait dans les plis de son visage. Il n'en restait pas moins imposant, sérieux et décidé. L'oiseau s'envola et disparut, laissant Jason seul. Autour de lui, une forêt aux arbres rachitiques, gagnés par la saison, étaient déshabillés de leur feuillage auparavant chatoyant. L'homme frissonna et regarda devant lui : se tenait là, aussi droite que lui, une demeure gigantesque. Elle avait un sacré air, celui de vous glacer le sang. Elle était sombre, tellement sombre que sa silhouette pointue et trapue se voyait à travers les arbres de loin. De près elle donnait envie de fuir à n'importe qui. Une grande bâtisse aussi froide et rigide que les arbres dénudés qui l'entouraient. Des rosiers au-dessous des fenêtres, qui donnaient sur des rideaux rouges, étaient eux aussi sans grande vie, fanés par l'hiver. Rien de réjouissant ne décorait cette maison gothique, pas une seule décoration de noël, rien.

Jason regarda bien cet endroit, demanda à son corbeau si cela était bien l'endroit du rendez-vous, l'oiseau croassa en guise de réponse. Jason souffla, voilà qui était regrettable, mais c'était le métier. Il toucha sa dernière médaille obtenue, celle du Fil d'Ariane, une boucle d'or parée du drapeau français. Au-dessus de ces cinq autres médailles, c'était des distinctions sérieuses, enviées de tous, le rêve de nombre de Chasseurs d'Entités.

Jason décida de gagner l'immense porche du bâtiment, avec peu d'appréhension. Il fallait dire qu'après autant d'années dans le domaine, il avait suffisamment gagné en maturité et calme. Son anxiété juvénile s'était changée en quelque chose de plus professionnel, comme un bon vin qui vieillit. C'était Jason Thésée Corbert, LE Chasseur d'Entités, peut-être l'un des plus célèbres à ce jour. L'homme toqua à la porte, le bruit de cognement fila à travers les pièces de la maison, non, du manoir. Jason dû bien attendre quelques minutes avant qu'un étrange personnage lui ouvre : un vieux monsieur, un peu courbé, dans une tenue de serviteur. Vous savez, ce vêtement noir aux manches blanches, celui qui montrait tout le sérieux de la profession.

<< Vous êtes ? >>

Dit-il, une voix rocailleuse, aussi austère que le bâtiment.

<< Jason Corbert, l'enquêteur. J'ai reçu une lettre de quelqu'un venant d'ici, un certain monsieur Estrange. >>

Jason sourit poliment. L'homme derrière la porte d'entrée le toisa de haut en bas. Puis il s'effaça en ouvrant la grande porte qui était décorée d'un beau vitrail. L'enquêteur le remercia en s'engouffra dans cette demeure aux allures sombres. Malgré les quelques lumières allumées dans le grand hall, une certaine pénombre régnait. On aurait dit une maison hantée, quelques toiles d'araignées virevoltant au gré d'un courant d'air dont on ne devinait pas l'origine. Jason s'amusa de ces détails, posté en face d'un grand escalier de bois au tapis rouge crasseux, se séparant en deux autres escaliers menant au premier étage. Sur le début de la rambarde, de beaux lions taillés dans le bois jugeaient ceux qui osaient entrer en ces lieux, tels des gardiens. Si beaucoup auraient pris la fuite, voyant comment on était accueilli, Jason, lui, restait. Et cela l'intriguait, car dans sa lettre, il y avait une mention de fantômes. Vu comme le manoir était construit, nul doute que des esprits l'habitaient. Jason se tourna vers l'homme qui l'avait laissé entrer :

<< Où est l'hôte de la maison, si je puis me permettre ? >>

Le monsieur, le visage tiré et blanc comme un drap, resta silencieux quelques secondes. Au bout d'une petit réflexion qui laissa le lourd silence présent dans le bâtiment peser, il répondit laconiquement :