Chapitre 15 : La rencontre avec les habitants du manoir

5 1 3
                                    

Nous marchons en silence, pendant encore quelques minutes, avant d'enfin atteindre l'entrée de la petite ville ; le chemin en terre battue est alors remplacé par un chemin pavé, parfaitement entretenu. Les maisons poussent près de ce large chemin comme le feraient des champignons ; elles ont le toit rond, et les murs colorés - chacune semble posséder sa propre personnalité, et je ne peux m'empêcher de penser que j'aurais aimé vivre dans l'une d'elles, auprès de ma mère, et de mon père. Je remarque aussi un cercle de ce qui semble être du sel entourer chacune d'entre elles - un cercle de protection peut-être ? - mais Annabelle avance trop vite pour que je puisse vérifier la véracité de mes observations. 

Le chemin pavé mène à un escalier en pierre, dont les marches sont très hautes. Je relève la tête ; le manoir est là. Comme je l'ai dis, il fait tâche dans le paysage tranquille - tout noir, sinistre et froid, son style gothique ne m'inspire guère confiance, et tranche avec l'air bucolique et charmant du reste de l'île. Néanmoins, je n'ai pas le choix, et me met à monter, encore une fois, les marches d'un escalier.

En arrivant enfin devant les hautes portes en bois du manoir, deux statues de femmes nous accueillent. Les deux sont plutôt grandes, et pourraient être jumelles - toutes les deux possèdent une taille fine, et un drap recouvre leurs corps, cachant à nos yeux leur intimités. Malgré leurs tenues légères, elles sont parées de bijoux non-sculptées, comme si les habitants de cette ville étaient venus les recouvrir de cadeaux. Leurs visages sont très beaux, comme celui de la sirène, mais elles ne semblent pas être désespérées ou en colère. Elles nous regardent avec insistance, jugeant, je suppose, de notre capacité à entrer dans les lieux. Enfin, non, je me trompe. Il s'agit de toute autre chose ; elles nous menacent de leurs regards froids, en ce qu'elles sont les protectrices de ce lieu.

Nous ne bougeons pas, au début - comme deux statuts. Alors, elles se mettent à se mouvoir à notre place. La première dégage sa tête, puis ses bras, puis le reste de sont corps et s'incline vers nous, comme pour venir respirer notre odeur. La deuxième déplace sa main, vers sa hanche - là où pendouille une lame. Les couleurs reviennent à leurs visages et soudain, ce ne sont plus deux statuts mais deux femmes, prêtes à nous tuer qui se tiennent devant nous.

Annabelle attrape ma main, et répand sa magie dans l'air, pour les calmer. Rien n'y fait, elles s'agitent de plus belles. A chaque seconde, elles sont plus rapides, elles se rapprochent, elles deviennent humaines. Que va-t-il se passer, si on les laisse entièrement se transformer ?

Une d'entre elles sourit, dévoilant une dentition aiguisée, avec trop de dents.

Je sens alors le vent familier de ma magie agiter mes cheveux, pour me faire comprendre que je suis en capacité de me défendre, si je le souhaitais - mais je sens aussi l'énergie apaisante d'Annabelle, grâce à sa main dans la mienne, qui me rappelle à l'ordre.  D'ailleurs, cette dernière ne s'attarde plus et toque à la porte, indifférente aux deux femmes-statues. La porte s'ouvre sans problème, et nous entrons sans plus de cérémonies. Les femmes statues nous regardent partir. Celle d'entre elles qui souriait me fait un signe de la main, l'autre sort son poignard et l'agite mollement. Elles se moquent ouvertement.

Je leur tourne le dos.

Nous arrivons ainsi dans un hall majestueux mais sombre ; pas de fenêtre ici, et le sol est pavé de marbre noir. Pareillement, le chandelier de cristal qui est pendu au plafond peint en noir reflète les quelques rayons de lumière qui entre dans la pièce grâce à l'ouverture de la porte - mais aucune bougie ou ampoule ne semble y être accroché, si bien qu'il n'est là que pour décorer, plutôt qu'éclairer. Surplombant l'escalier, lui aussi noir, une peinture terrifiante nous accueille ; la scène qui y est peinte est celle d'un homme mordant le cou d'une femme de toute beauté. Une larme seule perle sur la joue de la victime - l'homme, lui affiche un air de plaisir. L'endroit semble être le repaire d'un vampire, plutôt que celui d'un directeur d'école. Je tourne mon regard vers l'une des deux portes sur les côtés gauche et droit de la pièce - celle qui nous emmènerait, je pense, vers l'aile est du manoir. Deux paires d'yeux me fixent - pourquoi pense-je immédiatement à des chauves-souris ? Non. Je met du temps avant de comprendre qu'il s'agit-là d'yeux d'enfants.

Perdue dans les contesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant