Perdue dans les contes

Chapitre 17 : Cadeau empoisonné

Le manoir bouge. On entend ses murs se craqueler, se fissurer, cependant que le mur devant nous explose, puis implose. Finalement, le manoir pousse un long soupir, et le mur devant se nous se fige - je ne sens plus de vibration sous mes doigts. Je dégage ma main du mur, et rouvre mes yeux. Une porte, ma porte, est là. On ne distingue la poignée de la porte, qui se cache sous une multitudes de racines mouvantes - la porte semble faire partie intégrante d'un arbre dont les racines s'enroulent et se déroulent, serpentant les unes contres les autres. Il y a mon nom, là, gravé sur une des branches, mais sitôt on l'aperçoit, sitôt il disparaît, se cachant de nouveau. Ma porte est vivante - et elle semble même être prête à en découdre, pour protéger férocement les trésors que j'abriterais derrière elle.

Je ne jette pas un regard à Gwendoline mais je la sens intriguée et impressionnée - peut-être même effrayée ? De toutes les portes que j'ai pu voir en traversant ce foutu couloir, la mienne est la plus grande, et la plus effrayante. J'avance ma main vers la porte ; les racines s'arrêtent de bouger, et une poignée en fer forgé et à l'air ancien apparaît. Je retire ma main, curieuse, et la porte se remet à mouvoir, cachant de nouveau la poignée. J'avais raison, je suis protégée.

Je rentre sans faire d'histoires, laissant la vampire sur le pallier.

"J-je... Je n'arrive pas à y croire !" je lâche dans un soupir d'émerveillement.

La première chose que je vois, en entrant dans "ma" chambre, est une immense bibliothèque : à côté de moi, il y a une petite entrée, où je peux suspendre manteau, cape et bonnet, puis il y a cette petite table, entourée de deux fauteuils en cuir , et où une tasse de thé chaud m'attend, avec une assiette de biscuit au gingembre. Bravant ma peur du Comte, je décide de goûter aux deux, le thé et les biscuits.

"C'est super bon !" je m'exclame, haut et fort, avant de me couvrir la bouche, maudissant ma maladresse.

Le reste n'est qu'étagères après étagères, toutes remplies à craquer de livres en tout genre - d'abord classés en sections, puis par noms d'auteurs.

Je jette un meilleur regard autour de moi ; la bibliothèque est ancienne - le plancher est en vieux bois ciré, les étagères, intégrées aux murs, sont en bois de chêne - le même bois que celui de la porte, à la différence que rien ici ne bouge. Le plafond lui, est une reproduction fidèle du ciel et des étoiles - j'ai la chance d'en voir une s'éteindre. J'avance dans le lieu, ébahie - je ne peux même de m'empêcher de tournoyer sur moi-même, comme le ferais une princesse. C'est la première fois que je réalise, mais avec la magie, les vampires, et maintenant ce lieu tiré tout droit d'un conte de fées, il me semble vraiment avoir pénétré dans une histoire où je ne peux désormais m'échapper. Cette constatation pourrait me rendre malheureuse, et au fond, c'est le cas. Mon destin m'échappe. Mais d'un autre côté, je ne peux m'empêcher d'être charmée par ce que mon destin me réserve. Cet endroit ne pourrait pas être plus parfait.

Je me mets à arpenter les lieux, avec ravissement, et excitation - laissant de côté pour un temps mon bon sens. Là, une vieille mappemonde décore un coin bureau, où je passerais volontiers mon temps à lire et écrire. Là, la statue d'une femme, qui décore la section magies et charmes de bas-niveau. Là, une collection de pierres en tout genre - émeraudes, rubis, roses des sables, pierre volcanique. Là, un sofa en velours rouge, qui ressemble à celui que je voulais pour mon anniversaire. Là, un piano à demi-queue, qui trône fièrement au milieu de la section partition - au moment où je souhaite le voir jouer un air, il se met à jouer par lui-même, et empli la bibliothèque d'un air doux et féerique. Je marche et je marche, sans m'arrêter, pendant un certain temps, rencontrant tous les éléments essentiels à une bibliothèque - si ce n'est, bien sûr, une bibliothécaire. Il y a là tous les ouvrages dont je pourrais avoir besoin, ou dont j'ai eu besoin. Il y a même une section consacrée à mes livres préférés. Cet endroit est un rêve sur terre.