La saga WaterFire - Deep Blue

Chapitre 15

Une imposante dragonne griffes-noires, à la tête aussi grosse qu'une orque, colla sa gueule contre le trou qu'elle venait de percer dans le mur. Elle glissa une patte à l'intérieur et des serres de trente centimètres fendirent les eaux en direction des Janiçari.

Les gardes de la reine attaquèrent la bête, mais leurs épées et leurs sortilèges ne pouvaient pas grand-chose contre les épaisse écailles qui lui recouvraient le corps, ni contre son masque de bronze et la collerette osseuse hérissée de pointes qu'elle avait autour du cou. Des tritons portant des uniformes noirs et des lunettes de protection étaient assis sur son dos, dans un palanquin cuirassé d'où ils la contrôlaient à l'aide d'une bride et de rênes.

La dragonne percuta de la tête le mur du palais et un nouveau pan s'écroula à l'intérieur.

- Arrêtez-la ! Arrêtez-la ! hurlèrent des voix.

Mais il y avait peu de chances qu'on puisse stopper sa progression. La salle d'apparat se trouvait au cœur du palais. La dragonne avait donc dû abattre les murs extérieurs pour se frayer un chemin jusqu'ici. Une simple cloison ne lui résisterait pas longtemps. Elle serait dans la pièce d'une seconde à l'autre.

- Conduisez la regina dans les souterrains ! cria Vallerio. Les princesses aussi ! Maintenant !

Serafina le savait, son oncle faisait référence à la chambre forte souterraine, sous le palais, là où l'on entreposait le trésor du royaume. Le couloir qui y menait était trop étroit pour un dragon, et les portes de bronze qui en barraient l'entrée, en plus d'être protégées par de puissants sortilèges, mesuraient trente centimètres d'épaisseur. On y avait stocké de la nourriture et des médicaments en prévision d'un siège.

Deux Janiçari se dirigèrent vers Neela. Cinq autres se précipitèrent vers Isabella et tentèrent de la soulever. Elle poussa un cri de douleur et se débattit.

- Maman, arrête. Je t'en prie. Tu dois les laisser t'emmener. Tu seras à l'abri, là-bas.

Isabella secoua la tête.

- Portez-moi jusqu'à mon trône, ordonna-t-elle à ses gardes. Je ne veux pas mourir par terre.

À ces mots, le cœur de Serafina manqua un battement.

- Tu ne vas pas mourir. On doit juste te conduire aux souterrains. On doit juste...

Isabella prit le visage de sa fille entre ses mains ensanglantées.

- Je vais rester ici pour affronter mes agresseurs. Toi, tu vas rejoindre les souterrains, Sera. C'est toi la regina, désormais, et tu ne dois pas être faite prisonnière. Vis, ma précieuse enfant. Pour moi. Pour la Miromara.

Elle embrassa le front de Serafina, puis la lâcha.

- Non ! Je ne partirai pas sans toi. Je...

Elle fut interrompue par un grondement tonitruant lorsque la dragonne fit s'écrouler un nouveau pan de mur. La créature retira sa tête du trou qu'elle avait formé, et des dizaines de soldats, tous vêtus de noir, pénétrèrent dans la galerie. Leur chef indiqua le trône du doigt.

- Les voilà ! Emparez-vous d'elles ! ordonna-t-il.

Une pluie de flèches transperça les flots. Beaucoup des Janiçari qui entouraient les princesses et la reine tombèrent.

- Va-t'en ! cria Isabella. Maintenant !

- Je ne peux pas te laisser ! sanglota Serafina.

Le regard tourmenté de la regina croisa celui de Neela.

- S'il te plaît...

Neela hocha la tête. Elle saisit la main de Serafina et l'entraîna derrière elle.

Isabella repéra une dague près du cadavre d'un Janiçari. Elle fit apparaître un tourbillon dans l'eau et projeta l'arme sur le chef des envahisseurs. La dague atteignit son objectif et le fit tomber à la renverse. Ses hommes accoururent pour lui porter secours, mais il les repoussa.

- Rattrapez-les ! gargouilla-t-il en se noyant dans son propre sang. Puis conduisez les princesses à Traho !

Mais Sera et Neela avaient déjà disparu.