Chapitre 3

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J'avance dans les rues, bifurque à gauche, à droite, mais partout, le même spectacle. Les gens pressés qui marchent et me bousculent sans même un regard. Les gens qui grelottent, claquent des dents tout emmitouflés dans leur gros manteau d'hiver alors que nous ne sommes encore qu'en automne. Les gens avec leur café dans la main, encore brûlant, dont on voit la fumée s'échapper vers le ciel. Quant à moi, je ressens l'air contre mes jambes laissées nues par ma robe, à l'intérieur de mon manteau non fermé, contre mon cou à l'air libre. Malgré ça, je n'ai pas froid. Contrairement à tous ces gens, j'avance sans me soucier de la température extérieure. Voilà maintenant bien longtemps que l'air frais contre ma peau nue ne me fait plus rien.

Je marche droit devant moi, avec pour seul but de rejoindre Amélia à l'adresse qu'elle m'a indiquée. Lorsque j'arrive devant la façade de la boutique, j'ai un moment de doute. Je pense alors une seconde m'être trompée. Je vérifie pour la énième fois. Je suis au bon endroit, mais à l'intérieur, rien ne montre que c'est un café. C'est alors que j'aperçois Amélia au travers de la vitrine. Lorsque nos regards se croisent, un sourire prend place sur son visage et ses bras se lèvent dans de grands gestes pour attirer mon attention sur elle. Une question persiste dans ma tête malgré tout. Pourquoi m'avoir amené ici ? Cet endroit n'a strictement rien à voir avec un café.

Je pousse la porte déclenchant le son d'un carillon annonçant ma présence. Le personnel me regarde avec insistance avant de me souhaiter la bienvenue. Ils doivent savoir que c'est la première fois que je viens ici. Cela doit se voir à mon expression perdue. Au-dessus de leurs têtes, un écriteau sur lequel est inscrit en grosses lettres capitales « SALLE D'ARCADE ». Vraiment Amélia ? Je repère la principale fautive de ma venue dans ce lieu au fond de la salle et me dirige vers elle. Elle me regarde venir vers elle avant de se lever pour me prendre dans ses bras. Je reste immobile comme figé. J'ai très peu l'habitude du contact humain. C'est quelque chose qui a tendance à me rendre nerveuse, surtout quand je connais la personne depuis si peu de temps. Je finis tout de même par me détendre et l'entour moi aussi, de mes bras.

Lorsqu'elle relâche notre étreinte, c'est pour prendre ma main dans la sienne et m'entraîner à sa suite entre les machines de jeu. Elle ne me laisse pas le temps de lui demander ce que nous faisons ici qu'elle ouvre une trappe à l'arrière d'une borne. Elle s'apprête à monter dedans lorsque je m'arrête. Amélia me fait un clin d'œil et m'invite à la suivre. Nous descendons un grand toboggan avant d'arriver dans ce qui me semble être un petit bar. La pièce est assez petite, mais a une ambiance très chaleureuse. La lumière tamisée éclaire la pièce, juste ce qu'il faut. Quelques personnes sont assises, seules ou à plusieurs, sirotant leur boisson. Certains travaillent pendant que d'autres, au contraire, s'amusent. Mon amie me traîne jusqu'à un petit canapé de velours marron disposé dans un coin de la pièce. J'observe tout ce qui m'entoure avec émerveillement. Mon regard s'arrête sur l'espace vide entouré de tables, situé au milieu du café. Des gens se défoulent, dansent, rient, chantent sur la musique diffusée par les haut-parleurs. Je les admire. Tous autant qu'ils sont. J'aimerais être comme eux. M'imposer au milieu d'une pièce, ne plus penser à rien, et juste chanter, danser, rigoler. Oser faire ce qu'ils font sans me soucier du regard des gens. Une chose encore bien trop compliquée pour moi à l'heure d'aujourd'hui. Les yeux fixés sur moi m'angoissent. Je ne sais jamais quoi faire, et quand j'y arrive, un tant soit peu, je change. Je fais tout pour que les gens ne me trouvent pas étrange. Je ne sais pas comment, mais Amélia arrive à sentir que je ne suis plus dans le moment présent et commence à me parler pour me ramener à la réalité.

- Alors Emmy, tu ne t'attendais pas à ça ?

- Évidemment que non. Si tu veux tout savoir, j'ai surtout cru que tu allais me séquestrer.

Ma remarque déclenche son hilarité. Je me joins à elle et me détends un peu plus.

- Ne bouge pas. Je vais prendre nos commandes.

J'aurais aimé pouvoir te dire...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant