Chapitre 3 : Le départ

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Sur le chemin de sa maison, Kim aperçut l'école au loin et se dit qu'elle avait laissé Leïlah toute seule sans lui donner aucune explication. Cependant, son amie était la première à savoir que Kim n'était pas vraiment du genre à suivre le règlement, et elle comprendrait sûrement que celle-ci ait été emmenée chez le Ryëterid. Elle pourrait aussi sûrement se douter qu'elle avait ensuite été conduite chez le roi. Evidemment, elle devait s'inquiéter de son sort et ne pas vraiment approuver son comportement. Kim espérait tout de même secrètement qu'elle n'accepterait pas la décision du roi à son encontre et la supplierait de ne pas quitter Toowaïyeff. Après tout, ne lui avait-elle pas dit qu'elle l'empêchait de s'ennuyer ?

À cette pensée, Kim sourit. Leïlah était une fille trop gentille, et bien trop aveuglée par l'environnement de Toowaïyeff pour venir prendre sa défense.

Elle se demanda si la nouvelle que la prophétie s'était réalisée se répandrait dans le royaume. Elle s'inquiéta aussi de ce qu'il adviendrait de sa réputation, déjà pas si glorieuse. Toowaïyeff n'étant pas très grand, à peine la taille d'une grande cité, tout le monde ici la connaissait. Ça ne l'aurait pas trop dérangée d'être célèbre si sa réputation n'était pas aussi mauvaise. Personne ne l'aimait ici, à part Leïlah et sa famille, et encore, elle avait l'impression que ses parents s'éloignaient petit à petit d'elle, comme si elle les effrayait. Peut-être savaient-ils depuis sa naissance qu'elle était l'objet de la prophétie et, voyant son inclination pour la voie du Mal, ils s'écartaient peu à peu d'elle.

La solitude était une grande amie de Kim, mais de celle-ci, elle n'en pouvait plus. Elle voulait trouver quelqu'un comme elle, et ce n'était certainement pas dans un monde aussi utopique qu'elle trouverait un véritable ami, ou un garçon qui l'aime pour ce qu'elle était.

Voilà pourquoi elle marchait vite. Elle était tout excitée à l'idée de partir pour de bon. Et surtout de ne jamais revenir. C'en était fini de cette comédie ! Elle allait diriger sa vie et personne ne pourrait l'en empêcher. Si elle le voulait, elle dirigerait le monde et les humains et puis c'est tout. Elle se sentait étrangement puissante. Elle ne savait pas si c'était dû à son excitation ou si c'était la bague à son doigt qui lui donnait une aura magique qu'elle n'avait jamais éprouvée auparavant.

Elle vit le royaume d'une nouvelle façon en regardant autour d'elle. Elle n'avait jamais remarqué qu'il y avait autant de lycoris. En fait, la plus petite parcelle de sol où se trouvait de l'herbe était recouverte de ces fleurs maudites, transformant le paysage un océan de sang, où flottaient çà et là, des maisons et au loin le château rose de Forakäm. C'était à se demander combien de vivants avaient subsisté sur Nouklyën après une guerre pareille.

Et dire qu'il y a eu la guerre grise des siècles après ce massacre...

Leïlah avait beau dire, le Bien était décidément très fragile, s'il provoquait lui-même des guerres. À croire que c'était le Bien qui créait le Mal, aussi contradictoire que pouvait être cette idée.

Les êtres humains sont décidément des créatures bien étranges, pensa Kim. Après avoir expérimenté le Mal absolu, ils décident de créer le Bien, mais de manière tellement excessive qu'ils ne se rendent pas compte que c'en est malsain.

Kim laissa échapper un soupir. Elle se dit qu'il faudrait un guide à ces humains, quelqu'un qui connaisse le Bien et le Mal, les vrais, les primordiaux, afin de faire du monde un endroit pacifique, sans en devenir oppressant comme l'était Toowaïyeff. Elle se dit aussi qu'une fois sortie de ce royaume, si elle rencontrait l'homme qui avait instauré le dôme à Toowaïyeff, elle se ferait un plaisir de lui montrer ce que ce dernier avait fait d'elle. Cet imbécile n'avait apparemment aucune idée de l'impact de ses mots et de la création de son dôme, censé protéger le royaume de Toowaïyeff et empêcher toute sorte de mauvaiseté d'y entrer. L'ironie avait fait en sorte que le dôme ne serve à rien, puisque le Mal était né à l'intérieur du royaume et c'était en partie sa faute.

La Tulipe NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant