Arrivée tout en haut des nombreuses volées de marche, Kim remarqua qu'en effet, il ne se trouvait sur ce palier qu'une seule porte très joliment ornée, à l'inverse des autres paliers inferieurs où il se trouvait à chaque fois plusieurs portes curieusement plus sobres et évidemment, une nouvelle volée de marches. L'huis qui se trouvait en face d'elle s'ornait, comme pour l'arche d'entrée de Kÿl, de nombreuses fleurs et autres structures végétales, d'animaux et d'humains, cette fois non tournés vers le haut en soumission à un nom, mais tournés les uns vers les autres, en parfaite harmonie. Chaque personnage était à sa place et semblait s'y complaire. La porte en elle-même n'était pas en bois comme les autres que Kim avait aperçues durant son ascension mais dans une matière étrange, à la fois dorée et rose, qui luisait et reflétait agréablement la lumière venant de la fenêtre adjacente.
Cependant, malgré sa douce apparence, quelque chose d'étrange en émanait. Un sentiment de malaise comme si tout ce qu'il y était représenté n'était qu'hypocrisie et que les doux sourires des personnage humains étaient en fait empreints de moquerie devant le spectateur qui pensait voir de la paix dans ce paysage.
C'est avec cette étrange impression que Kim, malgré toute sa colère, décida tout de même de toquer à la porte. Alors qu'elle s'attendait à une réponse venant de derrière le battant, Kim fut surprise d'entendre une voix à sa droite. Elle tourna la tête et remarqua, non sans surprise et même avec un semblant de dégout, un œil imbriqué dans une structure construite dans le même matériau que la porte et ressemblant à une sorte de bras mécanique articulé. L'œil, loin d'être mort, avait toujours des paupières et clignait de temps à autre en laissant apparaitre son magnifique iris violet.
- Quand tu auras fini d'admirer mon œil de nodräg, aurais-tu l'obligeance de répondre à ma question ? demanda l'œil à Kim.
- Quelle question ? Et c'est quoi un nodräg ?
- Je t'ai demandé qui tu étais, comment tu étais entrée et ce que tu voulais. Et tu n'as pas à savoir ce qu'est un nodräg. Figure-toi que je suis occupé et que je n'ai pas de temps à accorder à qui que ce soit en ce moment, répondit l'œil.
- Déjà ça fait trois questions et non pas une, et je vais vous faire changer d'avis, mon cher Espace, parce que je suis l'Henyët et que je suis prioritaire sur la liste de toutes vos pitoyables obligations, répliqua Kim tout en brandissant une nouvelle fois sa main devant l'œil mobile.
La bague magique se refléta dans l'iris, tourbillonnant comme pour l'hypnotiser. Après un lent clignement de l'œil, la porte cliqueta et s'entrebâilla juste assez pour laisser filtrer une lumière jaune, chaleureuse, sur le palier de la tour de l'immense villa.
« Entre » fut le dernier mot que prononça l'œil avant de se rétracter dans le mur, plus précisément à l'intérieur d'une ronde anfractuosité que Kim n'avait pas remarquée, cachée par un couvercle parfaitement adapté. La voix qui s'était faite entendre à travers l'œil provenait de la pièce à laquelle Kim avait enfin accès. Elle poussa lentement le battant magique et entra.
La comparaison avec le château du Forakäm ne s'arrêtait pas à l'aspect extérieur de la villa. L'intérieur du bureau de l'Espace était aussi chargé de décorations que celui du roi de Toowaïyeff. Mais la différence majeure venait du fait que, malgré le nombre de choses présentes dans le bureau de Forakäm, elles étaient toujours rangées quelque part. Dans ce bureau-ci, le désordre coupa le souffle à Kim. Elle devait faire attention où elle marchait car toute sorte d'objets, tels des tasses, des outils de mathématiques et beaucoup, beaucoup de papiers, tous vierges, s'y entassaient. Ces mêmes feuilles vierges, de dimensions plutôt importantes, étaient aussi accrochées partout aux murs de la petite pièce exiguë. Au plafond se trouvait ce qui ressemblait à un contour de royaume, mais Kim ne pouvait dire si c'était vraiment le cas ou si ce n'était que des fissures du plafond gris terne. Les étagères collées aux murs n'étaient pas dans un meilleur état. Elles débordaient toutes de livres à moitié ouverts, parfois tombés par terre, de parchemins toujours vierges et là aussi de nombreuses plumes et d'outils de mesures. Juste en face de la porte se trouvait enfin le bureau de l'Espace. À l'image de la pièce entière, il était lui aussi tellement encombré que c'était à se demander comment faisait l'homme qui regardait Kim droit dans les yeux pour travailler sérieusement dessus.
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La Tulipe Noire
FantasiL'état du monde de Nouklyën dépend de la couleur d'une tulipe magique. Elle a beau être cachée, ce qui devait arriver arriva. Un mage la fit devenir noire, elle, ainsi que le monde de Nouklyën. Heureusement dans le royaume de Toowaïyeff, l'Henyët s'...