Chapitre 11 : Edän

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Le petit village semblait désert et inhabité. Pourtant, dans les maisons de bois, trempées par la pluie qui ruisselait sur leurs toits, on pouvait apercevoir de la lumière, signe de vie, comme un phare pour les personnes à l'extérieur, sous l'orage. Dans chacune des maisons s'était réfugiée une famille ou du moins, ce qu'il pouvait en rester. Même si les lumières provenaient de feux brûlant dans l'âtre d'une cheminée, les pauvres habitants tremblaient malgré tout de froid. Ceci dû au fait que les maisons étaient très mal isolées : le vent s'engouffrait par le moindre interstice et les gouttes de pluie traversaient le plafond pour atterrir avec monotonie sur le plancher moisi.

C'est dans une de ces maisons miteuses que Kim, allongée sur une paillasse, n'avait toujours pas repris connaissance. À ses côtés se trouvait un jeune garçon qui avait presque son âge, peut-être un ou deux ans de moins qu'elle. L'état du village dans lequel il se trouvait se reflétait sur tout son corps. Il grelottait de froid, des frissons le parcouraient tout entier. Il était assez maigre pour que l'on aperçoive ses côtes saillir à travers son buste. Il n'était habillé que d'un pantalon de toile grisé, presque noirci par la saleté. Ses pieds étaient recouverts de boue et son visage, ses ongles ainsi que son buste étaient quant à eux partiellement couverts de poussière - sûrement de la boue séchée. Malgré tout le malheur que ce portrait pouvait offrir, le jeune garçon avait la tête recouverte de belles boucles blondes, seule partie de son corps qui était encore assez propre au point de presque resplendir dans le clair-obscur procuré par le feu de la cheminée. Et ses cheveux n'étaient pas la seule chose brillante qu'il possédait. De l'un de ses parents, il avait hérité d'yeux bleus clairs, perçants, qui auraient pu briller dans la nuit comme ceux d'un chat.

C'est à ce moment-là que Kim ouvrit lentement les yeux. Elle ne vit rien d'abord, une sorte de voile noir couvrant son regard. Elle voulut s'asseoir, mais une main la fit se rallonger.

- Tu ne devrais pas te lever tout de suite, dit une voix, tu viens juste de te réveiller, tu n'as pas récupéré encore toutes tes forces.

Le temps que la voix finisse de parler, Kim avait recouvré la vue et voyait à présent son interlocuteur, ainsi que l'endroit où elle se trouvait. Elle était allongée dans un coin de la maison, le garçon agenouillé à sa droite. Derrière lui se trouvait la porte d'entrée qui semblait étrangement penchée. Droit devant elle, Kim pouvait apercevoir le feu, dont elle percevait un peu de chaleur. Il n'y avait aucun autre « meuble » que la paillasse de Kim dans l'unique pièce de la maisonnette. Le reste du sol en bois était d'ailleurs imbibé d'eau à cause des infiltrations qui gouttaient du plafond. La seule source de lumière étant le feu, Kim ne voyait pas très bien le visage de celui qui l'avait recueillie. Malgré l'avertissement, la jeune fille s'assit et essaya de se remémorer ce qui s'était passé. Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Et qui était l'étranger qui avait veillé sur elle ? Était-il un ami ou un ennemi ?

- Qui est-tu ? se décida-t-elle enfin à demander.

- Je m'appelle Ëdän, mais tout le monde m'appelle Ëdy. C'est moi qui t'ai ouvert la porte hier, avant que tu ne t'effondres par terre.

- Je dors depuis hier ? J'ai l'impression que ça ne fait que quelques minutes...

- Et pourtant, cela fait bien un jour que tu dors. Je commençais à me demander si tu allais te réveiller, déclara Ëdän, une lueur de soulagement dans ses yeux bleus.

- Où suis-je ? Dans quel pays ?

- Tu ne le sais pas ? C'est bizarre, notre royaume est relativement connu pourtant, ou du moins l'était... Tu te trouves dans le royaume Sërëzyr.

Sërëzyr ! Le grand royaume des cultures agricoles. Ici, tout n'était que champs à perte de vue. Les habitants étaient tous des fermiers. Enfants comme adultes cultivaient inlassablement, leur seule source d'argent provenant du commerce qu'ils faisaient, non seulement, avec les territoires frontaliers, mais aussi avec d'autres, beaucoup plus éloignés. Malheureusement, ici comme partout ailleurs, la Tulipe Noire avait fait des ravages. Depuis que la couleur de la fleur magique avait changé, la pluie n'avait cessé de tomber, inondant les champs de céréales et de fleurs, les potagers et les vergers, empêchant tout commerce et réduisant la population à la pauvreté. La nature paradisiaque avait disparu, le ciel bleu laissant la place à des nuages tristement gris, et la glèbe disparaissant sous la boue. Les maisons de bois, qui avait été étudiées pour être des fermes plus que des logis, ne servaient autrefois qu'à entreposer des vivres, manger et dormir. Or, le cataclysme de la Tulipe obligeait les habitants de Sërëzyr à s'abriter continuellement des ondées qui tombaient sans relâche à l'extérieur. Kim n'en croyait pas ses oreilles.

La Tulipe NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant