Chapitre 6 : Le lac

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Il faisait beau ce matin-là dans le royaume de Sareija. Les rayons du Lyëlos venaient caresser la surface de l'immense lac légendaire qui faisait la réputation des lieux. Le lac de Sareija était en effet le plus grand de Nouklyën. Nombre d'étrangers venaient en admirer les merveilles. Car le paysage paradisiaque offert par la plage de sable blanc et les arbres typiques de ce genre de climat n'étaient pas l'attraction principale, loin de là. À la manière d'un iceberg, c'était sous la surface du lac que l'on découvrait l'ampleur de la magnificence de Sareija.

Les autochtones avaient trouvé le moyen de vivre sous l'eau. Ils maitrisaient à la perfection les magies de l'air et de l'eau, deux éléments intrinsèquement liés, tels le yin et le yang. Ainsi, les habitants de Sareija avaient combiné leur talent magique à celui de l'ingénierie. Des immenses structures, telles des bulles de savon solidifiées, étaient imbriquées dans des supports en bois, faisant office de transport jusqu'au royaume sous-marin. Tout avait été pensé afin de permettre aux voyageurs de profiter au maximum de l'expérience du royaume Sareija. La nature et la magie avaient doté les autochtones d'une apparence singulière, ainsi que de la capacité à respirer sous l'eau et sur terre. Leurs peaux étaient bleues ou vertes, recouvertes d'écailles, et glissantes comme celles d'un poisson. Leurs mains et pieds étaient palmés, des branchies étaient visibles sous leurs côtes et une seconde paupière venait occulter leurs prunelles. Voilà l'apparence que possédaient les habitants du royaume lacustre. Cependant, ceci n'était valable que lorsqu'ils vivaient sous l'eau. Lorsqu'ils décidaient de remonter à la surface, les rayons du soleil provoquaient la chute de leurs écailles et la rétractation de leur peau interdigitale ainsi que de leur seconde paupière. Très rapidement, une peau parfaitement humaine, bien plus adaptée à la vie terrestre, venait les recouvrir. Leurs poumons, habituellement atrophiés sous l'eau, se développaient et se gonflaient d'air. Cet étrange processus, à la fois chimique et magique, n'était toujours pas expliqué aujourd'hui. Les habitants se disaient bénis par leur dieu unique, celui qui, à l'origine de Nouklyën, leur aurait offert cette capacité de vivre dans deux mondes différents.

Lorsque les étrangers empruntaient une des bulles de transport afin de descendre découvrir le monde aquatique, la première chose qu'ils remarquaient était une statue monumentale à l'effigie de ce dieu. Loin d'avoir une apparence d'hybride mi-poisson mi-humain, la divinité était un jeune homme aux cheveux aussi noirs que ceux de Morkräg et aux yeux rougeoyants. Dans les mains de l'immense statue se trouvaient des représentations des quatre éléments : le feu et la terre d'un côté et l'air et l'eau de l'autre. Le créateur du monde selon les habitants. Ce qui surprenait toujours les étrangers, c'était l'apparence plutôt diabolique de ce démiurge. Mais en observant la statue de plus près, ils s'apercevaient vite que son regard était posé sur les hommes à ses pieds et qu'un doux sourire habillait ses lèvres. D'après la religion locale, c'était une divinité aussi bienveillante qu'arrogante. Ces deux traits de caractères transparaissaient sur la statue d'une manière flagrante. Les yeux rouges brillaient de fierté et d'orgueil, mais le sourire les occultait de son ombre de gentillesse.

Le royaume en tant que tel ne ressemblait à aucun autre. Même Toowaïyeff ne pouvait se vanter d'être aussi unique. Les habitations étaient creusées dans des falaises de coraux géants, ou bâties au cœur même d'énormes coquillages. Ceux-ci étaient tous différents, chacun avec une couleur, une forme et un motif décidés par la nature elle-même. Les rayons du Lyëlos qui parvenaient jusqu'au fond de l'énorme lac se reflétaient sur les maisons comme sur leurs habitants. Le résultat était à couper le souffle, le paysage resplendissant de couleurs vives partout où le regard se portait. C'était ainsi que la lumière du jour parvenait jusque dans les profondeurs de Sareija. Les rayons se reflétaient sur les immenses coquillages, se propageant dans toutes les directions jusqu'à rencontrer un autre coquillage, ceci formant un immense réseau de miroirs.

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